▪ Les juillettistes peuvent enfin dormir sur leurs deux oreilles. Le marché a pris une grosse insolation en moins de 48 heures de canicule (tout est relatif après un hiver de neuf mois !) et il semble complètement assommé.
Il ne réagit plus au moindre stimulus, il est couché sur le flanc. Ses yeux regardent dans le vide, ses oreilles n’entendent plus rien… en particulier les mauvaises nouvelles — mais c’est un phénomène récurrent.
Ni le CAC 40, ni l’Euro-Stoxx 50 n’ont corrigé lorsque les indices américains ont basculé dans le rouge à 90 minutes de la clôture.
Ils ne s’étaient guère émus initialement de la dégradation de la note de l’Italie par Standard & Poor’s (de BBB+ à BBB) la nuit dernière. Ils n’ont pas été davantage déstabilisés par les tous derniers chiffres chinois, qui confirment un ralentissement de l’activité en interne et le fléchissement des exportations à l’entame du second semestre.
Les exportations chinoises ressortent en recul de 3,1% sur les 12 mois écoulés, contre +4% attendu, après un gain de 1% en mai. C’est leur plus mauvaise performance depuis octobre 2009… Et encore, ces chiffres sont faux comme chacun le sait. Pékin a pour habitude de présenter des estimations hédonistes : chaque région chinoise tente de présenter son économie sous son meilleur jour… Les corrections à la baisse surviennent plus tard.
Le ralentissement de l’activité chinoise se traduit sous forme d’une baisse de 0,7% des importations, après un repli de 0,3% en mai. Ce chiffre est à des années-lumière du consensus, qui tablait sur une hausse de 8% en juin. L’excédent commercial de 27,1 milliards de dollars (contre 20,4 milliards en mai) est à peu près le seul à se montrer à la hauteur des anticipations.
Il ne faut pas chercher beaucoup plus loin les raisons d’un abaissement de 3,3% à 3,1% de l’estimation de la croissance mondiale 2013 par le FMI (et de 3,6% vers 3,4% en 2014).
Le FMI se montre probablement bien optimiste en prévoyant une hausse de 2,5% du PIB brésilien en 2014. Il va falloir que l’effet Mondial de football fonctionne à plein, sans que l’inflation s’emballe et sans que les troubles sociaux ne montent en puissance. N’oublions pas qu’ils ont déjà atteint des proportions inquiétantes début juin, avec des millions de manifestants dans les rues.
▪ Les permabulls ne jettent pas l’éponge
Nous venons d’évoquer pas mal de points négatifs, suffisamment même pour que les permabulls nous ressortent leur joker : n’en jetez plus, la croissance est à l’agonie, vous pouvez compter sur les banques centrales pour les maintenir sous la tente à oxygène « aussi longtemps que nécessaire », sous perfusion d’un mélange adrénaline/morphine.
Plus raisonnablement, les professionnels évoquaient un embargo sur les prises de risque — cela à quelques heures de la publication des minutes de la Fed et d’un discours de Ben Bernanke à l’occasion du centenaire de la création de la Federal reserve. Ce pourrait être l’occasion de clarifier sa position sur un futur ralentissement de rachat d’actifs : d’ici début octobre ?
Les minutes de la Fed sont d’ailleurs un chef d’oeuvre de confusion des sens. Chacun pourra y trouver de quoi conforter sa propre thèse en faveur — ou non — d’un scénario de réduction du rythme des rachats de MBS et Treasuries d’ici fin septembre.
▪ Que dit la Fed ?
On y apprend que la moitié des membres du FOMC (des collaborateurs de Ben Bernanke) sont favorables à une extinction progressive du QE3 à compter des prochaines réunions programmées cet automne.
L’autre moitié considère en revanche qu’aucune mesure de soutien à l’économie ne saurait être suspendue : la plupart des économies occidentales et émergentes connaissent un passage à vide qui affectera nécessairement les Etats-Unis au cours des prochains mois.
C’est typiquement le genre de réflexion que profèrent les dogmatiques, furieusement convaincus que les assouplissements quantitatifs ont un impact positif sur la croissance et qu’ils leur confèrent une emprise indispensable sur le cours des évènements.
Ils feraient mieux de se demander pourquoi le ralentissement des économies émergentes s’accroît depuis que les injections monétaires de la Fed ont débuté en septembre 2012 (elles ont atteint leur vitesse de croisière de 85 milliards de dollars/mois fin décembre). Ils pourraient aussi s’interroger sur le fait que la récession se radicalise en Europe depuis que la Bank of Japan a entamé son programme d’impression illimitée en février dernier.
▪ Certains ont la mémoire courte…
Les partisans de la planche à billets soulignent que les banques centrales n’ont pas d’autre moyen de maintenir les taux durablement bas. Pour eux, c’est indispensable jusqu’à ce que l’activité économique génère suffisamment de recettes pour restaurer les grands équilibres budgétaires. En effet, pour l’instant, les Etats-Unis restent incapables de faire face à une hausse du coût de refinancement de leurs déficits.
Les fanatiques de la presse à imprimer ont-ils oublié qu’en réponse à la crise de 2008, les impôts ont été encore réduits alors que le Trésor US abreuvait les banques de ses largesses (et le plus fort, c’est que personne ne sait au juste ce qu’est devenu tout cet argent) ?
La véritable raison qui leur fait préférer n’importe quelle bulle d’actif à un tarissement des liquidités, c’est la ferme conviction que les marchés obligataires risquent de s’engager dans une spirale baissière inexorable qui finira par faire exploser en vol les actions.
▪ Les marchés planent…
De nombreux commentateurs ne manquaient pas de remarquer hier soir à la clôture de Wall Street que le Dow Jones (-0,05%) n’est plus qu’à 0,75% de son record historique. De son côté, le S&P 500 (+0,01%) tutoie sa meilleure clôture du 21 mai à 1% près.
Et puisqu’il est question de records absolus, le Russell 2000 en a établi un troisième d’affilée à 1 020 points. Les taux longs américains ont pris 100 points en six semaines mais le Russell gravite déjà 2% plus haut que lorsque les T-Bonds affichaient 1,65% (le 10 ans a fini à 2,685% hier soir. C’est tout bonnement époustouflant !
Et que dire du baril de pétrole ? Il s’est envolé de 2,5% mercredi, passant au-dessus des 106,1 $ à New York. Là non plus, personne n’a rien remarqué, personne ne s’en inquiète… et cela n’a évidemment aucun impact sur le pouvoir d’achat des ménages, sur les coûts de production ou sur les marges. C’est aussi insignifiant que des taux longs à 3%.
Quand nous affirmions en préambule que le marché a pris trop de soleil sur la calebasse et qu’il plane complètement… Admettez que nous n’exagérions pas !