▪ Un coup de pouce de +0,2% durant le fixing, cela peut apparaître dérisoire… et pas un professionnel n’ignore que cette hausse était une fois de plus artificielle. Pourtant, en jouant les idiots et en adoptant le point de vue mécaniste d’un logiciel de gestion algorithmique, le CAC 40 a refranchi les 4 000 points hier. Il a ainsi au plus haut du jour, à 4 006,8 (à un point près), ce qui est une indication techniquement favorable.
Cette clôture s’avère même légèrement supérieure à celle du 2 septembre : encore un petit élément haussier qui entretient un biais acheteur pour nos braves robots-traders…
Rien ne le justifiait — ni la médiocre progression des indices américains entre 17h29 et 17h35 et encore moins la flambée des taux sur laquelle nous allons revenir longuement –, mais le bidouillage de la clôture du CAC 40 ainsi que de l’EuroStoxx 50 (il en terminait à 2 774 points) poursuivait peut-être un but encore plus ambitieux que ceux que nous venions d’exposer.
Si vous tracez la droite unissant les deux précédents sommets intraday des 16 et 26 août sur le CAC 40 et l’EuroStoxx 50, ces deux indices seraient sortis in extremis de leurs canaux baissiers respectifs (ce qui n’était pas le cas à 3 998 ni à 2 768 points à 17h29).
C’est pourquoi il était si important de fausser le fixing. Cela permettait d’introduire un biais haussier court terme et d’invalider artificiellement le risque de rechute sur 3 880 pour le CAC 40 et 2 700 pour l’EuroStoxx.
▪ Colmatage sur les indices
Nous vivons depuis quatre ans dans un contexte de fausse monnaie, de fausse croissance… et de vrai chômage. Pour que cette pyramide de mensonges et de mauvaises pratiques économiques ne s’effondre pas, il faut cimenter le scénario de reprise par une acclamation perpétuelle des indices boursiers.
Il est donc impératif d’éradiquer tout signal technique de retournement des marchés. Sans cela, ces imbéciles de robots-traders se mettraient à vendre de façon inexorable ; il ne faudrait pas longtemps pour que le décalage abyssal entre le prix des actions et leur valeur économique ne soit comblé par un flash krach de -40 à -50%.
Le colmatage permanent dont font l’objet le CAC 40, l’EuroStoxx 50, le S&P 500, le Nasdaq, etc. est devenu d’autant plus crucial que les stratèges n’ont même plus l’excuse de taux longs très bas pour justifier une prime élevée des actions par rapport à la dette corporate ou les emprunts d’Etat.
Avec des taux longs américains à 2%, un Dow Jones à 15 000 points début mai et un Nasdaq à 3 650, les actions américaines atteignaient déjà des valorisations stratosphériques.
Avec des T-Bonds qui affichent désormais 3% (+100 points de base), le Dow Jones tutoie toujours les 15 000 et le Nasdaq fuse vers les 3 660 points.
▪ L’importance des T-Bonds
A ce stade, il n’y a qu’une alternative (et deux interprétations). Soit les gérants vendent effectivement une fraction de leur portefeuille obligataire pour acheter résolument des actions — et c’est la fameuse Grande rotation qui commence… Soit ils liquident leurs T-Bonds de peur qu’ils ne s’effondrent et ne savent pas quoi faire avec leur argent — donc ils achètent également des actions… par réflexe moutonnier en attendant de trouver mieux.
Dans les deux cas, l’addition d’arbitrages mécanistes sans aucun lien avec l’économie réelle et de choix forcés imbéciles dictés par les banques centrales doit déboucher sur un krach global. Il pourrait pulvériser en quelques jours ou même quelques heures toutes les bulles d’actifs gonflées à coup de fausse mornifle par la Fed, la Bank of England ou la Bank of Japan.
Parce que depuis le 5 septembre 2012, les actions du CAC 40 ont pris 16% quand les entreprises voyaient leurs bénéfices fondre de 20% sur les 12 derniers mois (différentiel : +36%).
Parce que depuis le 5 septembre 2012, les OAT ont pris 75 points de base et les T-Bonds 140 points de base. Cela vous paraît énorme, voire impossible ? Eh bien, vérifiez : le compte y est !
Pour résumer : il se produit un effet de ciseaux théoriquement mortel entre baisse des profits et envolée du coût d’emprunt sur les marchés (les taux zéro ou à 0,5%, cela ne concerne que les banques). Malgré cela, nous observons des indices boursiers qui ont grimpé de 15% (SBF 120) à 25% (Russell 2000) et qui s’accrochent à leurs records annuels ou historiques (DAX 30, FTSE 100, Dow Jones, S&P 500, Nasdaq, Dow Transport…).
Nous devons convenir que les actions présentent a priori un caractère d’invulnérabilité (manifestement, les investisseurs particuliers n’y croient pas et restent à l’écart)… Ou alors, tous les mécanismes de fixation d’un prix se rapprochant de la « juste valeur » sont délibérément subvertis par la Fed et les brasseurs d’argent.
Vous connaissez notre avis sur le sujet !
Nous évacuons naturellement l’excuse des marchés qui « payent l’avenir ». La BCE elle-même vient de réduire ses prévisions de croissance de 1,2% à 1% en 2014… et encore, à condition que cela ne tourne pas au vinaigre dans les pays émergents.
Quant à la récente hausse des taux (+80 points de base sur nos OAT en quatre mois), nous ignorons si nos grands argentiers en ont tenu compte dans leurs calculs.
Nous plaisantons : s’ils l’avaient fait, le scénario 2014 serait un cauchemar récessionniste !
Les faiseurs d’opinion nous soutiennent pourtant que la croissance est de retour et qu’elle vient des Etats-Unis. Bon sang, tous les derniers chiffres américains le prouvent !
Sauf ceux qui prouvent le contraire… et qu’ils ne citent jamais.
▪ Optimisme mesuré sur les chiffres d’hier
Nous devons convenir qu’en s’en tenant aux chiffres publiés hier (et uniquement ceux-là), il y avait effectivement matière à entretenir un optimisme mesuré — nous verrons s’il est justifié avec les chiffres de l’emploi américains cet après-midi.
Par ordre chronologique hier, ADP annonçait jeudi que le secteur privé américain a créé 176 000 postes en août, soit un peu moins que les 180 000 à 200 000 anticipés par le consensus.
Il convient naturellement d’occulter l’enquête de Challenger publiée au même moment qui mettait en évidence une hausse de 34% des licenciements au moins d’août 2013 et une envolée de 57% sur les 12 derniers mois.
Côté vraies bonnes surprises, les inscriptions hebdomadaires au chômage s’établissaient à 323 000 (contre 333 000 attendus). La productivité américaine a été revue à la hausse de 0,9% à 2,3% au 2ème trimestre. +150%, rien que ça ! Les statisticiens de Washington auraient-ils dopé leurs supercalculateurs à la cocaïne ?
Enfin, l’ISM des services ressortait en nette hausse à 58,6 contre 56 en juillet — alors qu’une contraction vers 55 était attendue. Un grand merci au secteur financier qui a le vent en poupe depuis septembre 2012 grâce au QE3.
Mais alors que les directeurs d’achats américains manifestent dans les sondages mensuels une exubérance digne des années 2000 ou 2007, on découvrait au même moment une chute de 2,4% des commandes aux entreprises.
Un repli bien concret celui-là… car il ne s’agit pas de « comment le sentez-vous pour les prochains mois ? ». Pourtant, devinez quel chiffre retient l’attention de Wall Street et lequel reste ignoré ?