La Chronique Agora

Pourquoi la prochaine récession ne sera pas de la tarte

récession, taux d'intérêt

Le cycle des trois erreurs de la Fed se répète depuis des décennies. Mais cette fois, la Fed bute sur une impossibilité : les taux d’intérêt sont déjà trop bas.

« Les actions en chute suite au témoignage de Powell », titrait Bloomberg cette semaine. Le Dow a perdu 380 points après l’intervention de M. Powell, ce qui fait de février le pire mois de ces deux dernières années.

Qu’a dit M. Powell ? Il a simplement indiqué que selon lui, l’économie se portait si bien que la Fed pourrait continuer à augmenter les taux.

Des investisseurs allergiques aux hausses de taux

Comme nous le disions dans nos notes d’hier, la politique de la Fed est aussi simple que compter jusqu’à 3.

1) Elle maintient les taux trop bas pendant trop longtemps… puis 2) elle les augmente, causant une sérieuse réaction allergique sur les marchés… qu’elle soigne ensuite en 3) avec plus de taux bas.

La Fed est actuellement au beau milieu de l’Erreur n°2. Et nous sommes d’avis qu’un krach ou récession se produira avant qu’elle n’ait eu le temps de re-remplir l’armoire à pharmacie.

Oui, cher lecteur, les marchés sont allergiques aux hausses de taux. Non seulement elles font augmenter le taux d’escompte, ce qui diminue la valeur des flux de revenus… mais elles signalent aussi que la Fed ne soutient plus les investisseurs.

A présent, après tant d’années passées à favoriser les actifs financiers avec des politiques de crédit facile, le monde de l’investissement est particulièrement sensible. Même une petite augmentation du taux pourrait envoyer les marchés aux urgences.

Cela nous conviendrait assez bien.

Peu nous importent des taux plus hauts. Ou des taux plus bas. Nous voulons simplement des taux honnêtes.

Parce que des taux honnêtes produisent des prix honnêtes. Et les prix honnêtes sont ce dont une économie a besoin pour prendre les bonnes décisions.

Le seul vrai besoin d’une économie honnête est d’avoir des prix honnêtes

Ce qui ne fait que remettre sur le tapis la question que nous nous posions hier.

Comment des gars et des filles bardés de diplômes d’économie sauraient-ils ce qu’un taux honnête doit être ?

Même les marchés ne le savent pas. Ils doivent découvrir les prix honnêtes à chaque minute – en se basant sur les informations qui leur arrivent en permanence. Supprimez l’information (qui provient des acheteurs et des vendeurs de bonne volonté, des prêteurs et des emprunteurs, des haussiers et des baissiers), et vous êtes perdu.

Cela n’arrête pas la Fed, cependant. Elle décide simplement elle-même ce que les taux devraient être. Elle continue ensuite en commettant les erreurs 1, 2 et 3.

Bien entendu, notre point de vue est minoritaire. La plupart des gens pensent que la Fed sait vraiment ce qu’elle fait.

Alan Greenspan a été félicité pour avoir commis les Erreurs 1, 2 et 3. On a chanté les louanges de Bernanke lorsqu’il a eu « le courage d’agir » en faisant l’Erreur n°3. Yellen a été portée aux nues parce qu’elle a persisté dans l’Erreur n°1 pendant quatre ans.

Et maintenant Powell – qui n’est pas idiot – va s’en tenir au script : faire l’Erreur n°2 jusqu’à ce qu’il soit temps de refaire l’Erreur n°3.

Plus ça change… plus c’est la même chose.

Alerte à la récession

Il y a du neuf, cependant : l’Erreur n°2 a toutes les chances de déclencher une chaîne d’événements trop puissante pour que l’Erreur n°3 puisse l’arrêter.

Même Larry Summers, que nous avons aperçu sur Bloomberg TV hier, constate que la Fed fait des erreurs. Le titre du reportage :

« Selon Summers, la prochaine récession pourrait durer plus longtemps que la précédente ».

Pourquoi ? Chaque erreur est coûteuse. Elles faussent les prix, ce qui pousse les gens à prendre de mauvaises décisions. Ils s’endettent plus encore.

On finit par en arriver au point où l’économie a trop de dettes pour en ajouter plus encore, tandis que la Fed n’a pas assez de points de base pour baisser les taux d’intérêt.

Même avec les taux les plus bas de ces 5 000 dernières années, la Fed a été incapable de pousser les ménages à s’endetter beaucoup plus.

Les acheteurs immobiliers et les prêteurs ont bien vu ce qui s’est passé la dernière fois. La dette hypothécaire a décliné.

En plus, les ménages ne pouvaient tout simplement pas ajouter beaucoup de dette… Ils en avaient déjà trop. A part leur maison, ils n’avaient que peu de nantissement.

Ils ne pouvaient donc emprunter que sur des voitures facilement saisies… et de la dette étudiante frauduleuse, soutenue par les autorités.

De sorte que ce sont les entreprises et les autorités elles-mêmes qui ont dû faire le plus d’efforts.

Certes, elles se sont attelées à la tâche avec beaucoup d’enthousiasme. La dette des entreprises est aujourd’hui environ 40% supérieure à son niveau de 2008. Et depuis, le gouvernement fédéral a ajouté 10 000 milliards de dollars à son propre fardeau de dette.

Le problème, actuellement, est que la Fed a peu de choses supplémentaires à offrir aux emprunteurs.

Seules les autorités peuvent emprunter lourdement, sachant qu’elles ne rembourseront jamais.

Mais à mesure que les taux d’intérêt grimpent, même le gouvernement fédéral finit par avoir des problèmes. Il peut contrôler la quantité d’argent factice qu’il émet. Ou il peut en contrôler la qualité (le prix). Il ne peut pas contrôler les deux.

Et lorsque les investisseurs le voient favoriser la quantité au détriment de la qualité, ils deviennent nerveux.

Les taux d’intérêt grimpent en anticipation d’une hausse de l’indice des prix à la consommation. Cela mène à une aggravation des ventes d’actions et intensifie le ralentissement économique.

Alors, sans taux à baisser encore plus, la Fed regarde l’Erreur n°3 avec nostalgie.

Que peut-elle faire ? Elle doit commettre l’Erreur n°4.

Rarement appliquée dans les économies civilisées, l’Erreur n°4 réveille des racines moroses, telle une tiède pluie de printemps…

… Et excite des germes de catastrophes qui reposent pour l’instant endormis dans les laboratoires de l’enfer.

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