La Chronique Agora

Les taux bas poussent les épargnants vers des actifs alternatifs

cryptomonnaies, dette

Dans un monde où la croissance est intrinsèquement liée à la dette, les épargnants sont perdants. C’est pourquoi ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers d’autres actifs que les traditionnelles actions et obligations.

Il est clair qu’il y a une fracture progressive de la liberté financière et de la confidentialité de la vie privée.

Si vous ne voyez pas cela venir, vous risquez que tous vos actifs financiers et votre patrimoine soient captifs, indisponibles au moment où vous en auriez le plus besoin.

Le fléau de la dette

La dette, par exemple, continue à ronger le monde.

La dette mondiale atteignait 296 000 Mds$ au deuxième trimestre selon l’Institute of International Finance. Cela représente 353% du PIB mondial. Le plus étonnant est que le ratio mondial de dettes sur PIB était en réalité en baisse de 9% en raison de la croissance du deuxième trimestre (gonflée par des milliers de milliards de relance) qui a été plus forte qu’attendue.

Lorsque la croissance du PIB ralentira aux troisième et quatrième trimestres, le ratio dette/PIB augmentera. Ce ratio n’est qu’une façon simple de comprendre le problème sous-jacent : nous vivons dans un monde où la croissance requiert une expansion permanente de la dette.

Tout ralentissement ou décroissance de la dette provoque une crise et un krach (une réévaluation de tous les prix des actifs financiers).

Regardez ce graphique.

Il y a dans le monde presque 17 000 Mds$ d’obligations à rendement négatif – et il s’agit du rendement nominal, c’est-à-dire avant inflation.

Cela signifie que ces dettes sont vendues à des acheteurs volontaires qui savent très bien que, s’ils les conservent jusqu’à maturité, ils perdront de l’argent.

Quand vous introduisez l’inflation pour calculer le rendement réel d’autres titres de dette, le montant total d’obligations à rendement négatif est bien plus élevé.

La conséquence de cet énorme réservoir de dette à rendement négatif est que les marchés actions paraissent par comparaison attractifs. Cela conduit à des valorisations encore plus élevées au moment même où les actions sont historiquement à des niveaux déjà très risqués.

Quand les banques répercutent les taux négatifs sur leurs clients

Mais saviez-vous qu’au mois de juin 2021, 349 banques allemandes facturaient à leurs clients déposants des taux d’intérêt nominaux négatifs ? Saviez-vous que ce nombre a plus que doublé par rapport à la fin de l’année 2020, quand elles n’étaient que 171 à le faire ?

Ce phénomène pourrait tout à fait essaimer ici. D’ailleurs, la plupart des comptes bancaires courants proposent déjà un rendement négatif, une fois ajusté de l’inflation.

Historiquement, les Allemands préfèrent les espèces et l’or.

Pourquoi ? Parce qu’ils ont vécu une guerre monétaire dans le passé. Ils ont vendu leur or à la Reichsbank durant la Première Guerre mondiale pour maintenir la convertibilité du mark en or.

Aujourd’hui encore, les Allemands s’en souviennent et les Français restent plus négligents sur ces questions.

Si les banques ne peuvent pas percevoir d’intérêts sur les obligations gouvernementales, comment peuvent-elles payer des intérêts sur les dépôts d’épargne ? C’est pour cette raison qu’elles commencent à répercuter les taux négatifs.

Comment empêcher la fuite face aux taux négatifs ?

La succursale du Kansas de la Réserve fédérale a publié un article début 2021 sur ce qu’impliquerait le retour des monnaies privées pour les banques centrales. Ses auteurs y évoquaient essentiellement des cryptomonnaies.

L’article indiquait aussi que si les monnaies privées drainaient l’épargne hors du système bancaire conventionnel, la stabilité du système financier s’en trouverait affectée. Il pourrait y avoir une lente fuite hors des banques, provoquant une érosion de leurs capitaux propres.

Le retour des monnaies privées

Le président de la Security Exchange Commission (SEC), Gary Gensler, a récemment affirmé au Washington Post que « l’Histoire nous indique que les formes de monnaies privées ne durent pas longtemps ».

Il a comparé l’époque actuelle de décentralisation de la finance et de l’innovation des cryptomonnaies à l’époque bancaire incontrôlée du xixesiècle, indiquant « qu’il y aurait des victimes ».

Le développement des cryptomonnaies et de la « finance décentralisée » (DeFi, comme disent les Anglo-Saxons) constituent une menace pour le système financier et sa stabilité, selon Michael Hsu, directeur opérationnel de l’Office of The Comptroller of the Currency (OCC), l’institution qui régule les banques établies aux Etats-Unis.

Il a été jusqu’à comparer l’offre actuelle de produits à haut rendement au marché des CDS (credit default swaps), ces produits financiers à l’origine de la crise de 2008.

Aucun de ces deux intervenants n’a trouvé quelque chose de positif à dire au sujet des stablecoins – des cryptomonnaies supposées résoudre le problème de la volatilité en ayant un prix indexé sur une monnaie fiduciaire – que Gensler a comparé à des « jetons de poker » liés à la valeur du dollar.

Quant à notre propre Christine Lagarde, elle a déclaré que même si les cryptomonnaies étaient fiduciaires, elles n’étaient que des cryptomonnaies et non pas de la monnaie.

La dernière chose qu’elle et les autres banquiers centraux souhaitent est de voir émerger de la concurrence. C’est la raison pour laquelle les développements de monnaies numériques de banque centrale sont si rapides.

Le principal pouvoir des devises numériques vient de l’abolition des billets.

Si les gens ne peuvent pas détenir de la monnaie physique, il devient vite plus facile de baisser les taux d’intérêt bien au-deçà de zéro ; autrement, le taux zéro sur les billets sous le matelas reste attractif. Si les taux d’intérêt peuvent plonger bien au-dessous de zéro, la politique monétaire devient subitement bien plus puissante et capable de terrasser la déflation.

Ce n’est pas une surprise si la capitalisation des cryptodevises s’est envolé au-delà des 2 900 Mds$ à son sommet, en novembre 2021. Les gens veulent une issue de secours pour ne pas rester captifs d’un système financier punitif.


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