Trump frappe fort : avec une salve de droits de douane inédits, l’ancien président relance la guerre commerciale et provoque un krach éclair sur les marchés.
Mon pressentiment était donc le bon, comme je l’ai envisagé dans mes dernières tables rondes avec Tom Benoit, Etienne Henry (les vidéos seront prochainement publiées sur notre chaîne Youtube) ou encore lors de ma conférence au Salon du Trading : Trump va bien envoyer Wall Street dans le mur.
Mais c’est probablement parce qu’il veut éviter aux Etats-Unis de se fracasser contre un mur plus massif encore : celui de la dette.
Car le principal enjeu de l’année 2025, celui dont les médias financiers éviter de trop parler, c’est d’assurer le refinancement de la dette, et en particulier des 4 000 Mds$ d’argent sorti de la planche à billet de mai 2020 à septembre 2021, pour distribuer les chèques fédéraux découlant de la mise à l’arrêt de l’économie américaine.
Qui mieux que Trump sait ce qu’a coûté cette funeste décision qu’il a prise sous la pression, celle d’Anthony Fauci, le « Mr Santé » des Etats-Unis pendant 25 ans, qui fut le véritable instigateur des confinements, masques, « distanciation sociale », travail à distance, vaccin rendu obligatoire pour les fonctionnaires fédéraux, etc. ?
L’administration Biden a pris le relai, et joué à fond le jeu des laboratoires qui ont accrédité le slogan fallacieux « tous vaccinés, tous protégés ».
Puis l’exécutif s’est facilement habitué à acheter la croissance à crédit (au nom de la consolidation de la reprise post-COVID) avec la complicité de la Fed qui avait ramené les taux à zéro.
Ce qui revenait pour l’Etat fédéral à être payé pour s’endetter, les taux réels étant devenus largement négatifs, et ils le resteront bien après que la Fed ait enfin réagi, le 16 mars 2022 (l’inflation était alors à 6,5%).
La réaction « panique » de Wall Street mercredi soir vers 22h10 démontre que les investisseurs n’ont pas voulu croire que les droits de douane allaient exploser à une échelle sans précédent dans l’histoire du pays : ils tablaient sur des hausses allant de 10% à 25%, avec la prise en compte de « l’effet boomerang » sur les entreprises américaines d’une forte hausse des « tarifs » visant leurs principaux fournisseurs.
Autrement dit, Trump avait dû prévoir des « aménagements » (ils sont rares, le Canada et le Mexique en bénéficient sur les médicaments et les pièces détachées automobile), opter pour des surtaxes ciblées, et des tarifs à la carte pour éviter des surcoûts massifs.
Qui pouvait imaginer que Trump, l’ami indéfectible de Wall Street durant tout son 1er mandat, serait le catalyseur d’un transfert massif de richesse au profit des T-Bonds ?
Qui pouvait imaginer que les « complotistes », prédisant que Trump plongerait son pays en récession pour obtenir une baisse taux (que la Fed lui refuse) avaient une fois de plus raison ?
Voilà pourquoi les indices US affichaient des gains sympathiques à 22h : +0,55% sur le Dow Jones, +0,65% pour le S&P 500, le Nasdaq Composite grimpant de 0,9% à 17 600 ponts, et le Nasdaq-100 de 0,75% vers 19 600 points.
Un quart d’heure plus tard, ce fut la douche froide. Les illusions du marché se sont littéralement désintégrées : Trump n’avait pas bluffé, et va imposer des « tarifs réciproques ». Les USA vont prendre comme référence les taux des droits de douanes qu’ils prétendent subir, les diviser par deux (à plus ou moins 1% près). Selon Peter Navarro, cela devrait rapporter 600 Mds$ de recettes douanières.
Sauf que cette estimation repose sur les volumes d’échanges de 2024 : avec les « tarifs », le commerce mondial va plonger, et les imports des Etats-Unis pourraient chuter de -20%, voire plus (de -50% à -70%, c’est possible avec des pays comme le Vietnam, ou le Cambodge qui subissent des hausses de 46, voire 49%).
Le Japon écope par exemple d’un taux de 24% (qui peut croire que le Japon applique des taux de 46% aux importations US ?), Taïwan de 32% (ouf, les semi-conducteurs sont exclus, le taux actuel reste en vigueur), la Chine de 34%… Mais attention, cela monte en réalité à 54% avec la « taxe Fantanyl », donc les iPhone seront particulièrement impactés, ainsi que Shein, Temu et autres Alibaba.
Quelques produits made in USA sont peut-être taxés à 110% en Chine (en cherchant bien ?), mais l’essentiel des imports, c’est du GNL, taxé au minimum (ils ne sont pas suicidaires à Pékin).
Pour l’Europe, il s’agira d’un taux uniforme de 20%, alors que les constructeurs pouvaient redouter 25%, et le secteur du luxe/vins/spiritueux pourrait subir des taux de 50% à 100%.
Pour les pays appliquant des droits de douane de seulement 10%, les USA optent pour du 1/1 (donc 10%, ce qui sera le cas pour le Royaume Uni, Singapour, le Brésil et la plupart des pays d’Amérique du Sud (fournisseurs de matières premières), l’Australie (minerais) et Nouvelle Zélande (produits agricoles), l’Arabie Saoudite et les UAE (toujours la thématique énergie/matières premières), la Turquie, l’Egypte, le Maroc.
Le résultat de ces annonces (résumées sous forme de tableau), c’est un plongeon vertical des indices US (-2% en 45 secondes, un record, sauf exceptionnel flash krach lié à un « bug » des systèmes de trading, et rien de tel ne s’est produit depuis presque 10 ans).
La chute la plus impressionnante fut celle du Nasdaq, qui ne tardait pas à chuter de -4,5% en transactions électroniques (contre +1% en séance), -3,5% pour le S&P 500 (qui dévissera jusque sur 5.450 points vers minuit et demi), -3,3% pour le Dow Jones : plus de 2 000 Mds$ de valeur boursière ont été détruits entre 22h10 et minuit, un record absolu !
Le VIX avait cessé de coter à 22h sur un score de 21,5, mais il pourrait retracer le récent zénith des 27 – si ce n’est pire (il a rouvert à 26,5 ce jeudi).
Un autre marqueur du stress, c’est l’envolée des marchés de taux (principaux bénéficiaires d’un mouvement « risk off« ) : le rendement du « 10 ans » est passé en un quart d’heure de 4,22% à 4,020%, puis 4,07% ce matin (au plus bas depuis mi-octobre 2024).
Les investisseurs se doutent que des négociations serrées vont s’engager avec l’administration Trump pour réduire les « tarifs », mais ils prennent conscience qu’il n’y aura pas de retour au « monde d’avant » (tout comme il y avait eu un « avant » et un « après » Lehman).
Ils vont surtout chercher à évaluer l’ampleur des dégâts provoqués par les nouveaux droits de douane américains à moyen terme, dans l’hypothèse d’une riposte européenne, et asiatique (ce qui empirera les choses dans un premier temps), ainsi que sur leur impact sur l’économie mondiale, l’inflation et les bénéfices des entreprises au cours des prochains trimestres.
Cela devrait tout simplement être massif, et ce n’est pas encore « dans les cours », loin s’en faut !
Notons que les cours de l’or ont explosé à la hausse (3 200 $ sur l’échéance juin) tandis que l’argent, pénalisé par son caractère de métal industriel, reperdait -1,5% vers 33,5 $, après une brève incursion au-delà des 35 $. L’or « refuge anti-inflation » en hausse, l’argent métal (précurseur de récession) en baisse, cela signifie que le scénario qui va obnubiler les économistes se résume et ce terme honni de Wall Street : stagflation !