La Chronique Agora

Tarifs douaniers : des accords perdant-perdant

L’idée de punir dans le commerce est stupide ; la spécialisation est la condition sine qua non de la prospérité. Un homme cultive des tomates pour qu’un autre puisse se concentrer sur le maïs, et ainsi de suite.

Donald Trump a déclaré qu’il allait imposer des droits de douane au Mexique et au Canada. Les deux pays ont promis de prendre des mesures de rétorsion. L’absurdité de la situation commence à devenir évidente.

Il existe des accords gagnant-gagnant. D’autres, gagnant-perdant. Et il y a aussi des accords perdants-perdants. M. Trump en a trouvé un… Un accord si mauvais qu’un sondage réalisé auprès de « 39 des plus grands économistes du pays » n’en a pas trouvé un seul qui l’approuvait. Le Wall Street Journal l’a qualifié de « guerre commerciale la plus stupide de l’Histoire ».

Imaginez une ville qui tente de se protéger de ses concurrents. Plutôt que de commercer librement avec le magasin de chaussures d’une ville voisine, elle exige une contrepartie : « Si nous achetons vos chaussures, dit-elle au propriétaire, vous devrez nous payer un droit de douane de 25%. » Elle fait la même proposition au concessionnaire automobile de la ville voisine, et au journal de la capitale de l’Etat.

A votre avis, cette ville va-t-elle s’enrichir ou devenir la risée de ses voisins ?

L’idée de punition dans le commerce est stupide ; la spécialisation est la condition sine qua non de la prospérité. Un homme fait pousser des tomates pour qu’un autre puisse se concentrer sur le maïs. L’un profite de ses longs étés pour accueillir des touristes, l’autre s’occupe des forages pétroliers dans le nord glacial.

Mais la spécialisation ne peut être bénéfique que si l’on peut commercer. Echanger avec ses voisins. Avec d’autres Etats. Avec les habitants des pays étrangers. C’est pourquoi l’argent réel a été une telle innovation ; il a permis aux gens de commercer, facilement, avec des personnes qu’ils ne connaissaient pas et en qui ils n’avaient pas confiance.

Un imbécile peut se fabriquer une paire de chaussures mal faites en une journée de travail. Le cordonnier, qui y consacre toute sa carrière, peut fabriquer plus de chaussures, et de meilleure qualité. Le monde est alors plus riche ; il a plus de chaussures ! Et ceux qui ne participent pas au commerce se retrouvent pieds nus.

Cette idée n’est pas controversée. Tout le monde sait qu’au minimum, les droits de douane feront monter les prix et appauvriront les Américains. Ils se retrouveront avec des produits de qualité inférieure fabriqués à des prix élevés par de mauvaises industries dotées de bons lobbyistes. C’est déjà le cas dans le secteur automobile.

A cet égard, Trump ne fait que suivre l’administration Biden, qui a imposé des droits de douane de 100% sur les voitures électriques fabriquées en Chine. Même avec des droits de douane de 100%, l’administration Biden s’est inquiétée du fait que les voitures pouvaient encore être attrayantes pour les consommateurs américains. Elle a donc ajouté d’autres restrictions, interdisant de fait les voitures moins chères et de meilleure qualité sur le marché américain.

Aujourd’hui, les Américains paient deux fois plus cher pour une voiture similaire.

L’équipe Biden a soutenu que les voitures chinoises devaient être exclues pour des raisons de « sécurité nationale ». La loi de 1977 sur les pouvoirs économiques d’urgence (Emergency Economic Powers Act) lui en donne apparemment le pouvoir. Mais où est « l’urgence » dans les steppes du Saskatchewan ? Où se situe le risque pour la sécurité nationale à Ottawa ?

Et maintenant, partout dans le monde, les gens s’interrogent. Il est dangereux d’être l’ennemi de l’empire américain. Mais être son ami n’est guère mieux. Trump menace de prendre le Groenland à ses alliés danois… et le canal de Panama à ses amis d’Amérique centrale.

Amis et ennemis cherchent désormais des alternatives aux consommateurs américains, aux produits américains et au dollar américain.

En décembre, l’UE a conclu « le plus grand accord commercial de l’Histoire » avec les nations du Mercosur, en Amérique du Sud. La Thaïlande a conclu un accord avec plusieurs pays européens. Bruxelles négocie avec la Malaisie. La Chine a conclu neuf nouveaux accords commerciaux depuis 2017. Même l’Inde, normalement réticente à conclure des accords commerciaux, est actuellement en pourparlers avec l’UE.

Il n’y a qu’en Amérique que les Etats-Unis dominent encore le commerce. Aujourd’hui, cette position est également menacée.

Vendredi matin, les investisseurs se demandaient si le président ferait vraiment une chose aussi stupide. Peut-être s’agissait-il d’une tactique de négociation. Mais négocier pour quoi ? Personne ne semble le savoir. S’attendait-il vraiment à ce que les pays étrangers résolvent les problèmes de toxicomanie des Américains ou sécurisent leurs frontières ?

Ensuite, lorsque la Maison-Blanche a révélé qu’elle envisageait sérieusement d’imposer des droits de douane à des amis de longue date, les actions se sont effondrées. Les titres de ce matin nous disent que Wall Street « s’apprête » à en faire plus… mais qui sait ?

Ce que nous savons, c’est qu’avec tant de chaos et d’incertitude dans le monde, les investisseurs recherchent la sécurité. L’or brille. Le prix de l’once a dépassé les 2 850 dollars la semaine dernière.

Cryptopolitan rapporte :

« L’or atteint un nouveau sommet historique alors que les décisions de Trump affaiblissent le dollar américain

Le dollar canadien et le peso mexicain ont chuté presque instantanément alors que l’entretien dans le bureau ovale se poursuivait. Les rendements du Trésor américain se sont immédiatement repliés et les contrats à terme sur le pétrole West Texas Intermediate ont grimpé à 73 dollars le baril.

Peter Cardillo, économiste, parie que l’or atteindra bientôt 3 000 dollars l’once. ‘Nous nous attendons à voir des prix beaucoup plus élevés pour l’or’, a-t-il déclaré. »

Plus d’informations sur l’or… dans notre prochain article !

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