La Chronique Agora

Tant pis pour le grand public

Les banques se sont enrichies. Le Congrès s’est enrichi. Les lobbyistes se sont enrichis. Et vous ?

« La gloire dans la guerre dépasse toute autre forme de succès. » – Cicéron

Des oiseaux dans les arbres… des amoureux enlacés… les corbeaux volent dans le ciel du matin en emportant des brindilles pour construire leurs nids.

C’est le printemps. Et toute la nature est tournée vers l’avenir. Les arbres fruitiers sont en fleurs, et anticipent les pommes, les poires et les prunes qui suivront. Les oiseaux roucoulent les uns avec les autres, ils pondent des oeufs et font éclore la génération suivante.

Que peut faire un vieil homme aujourd’hui ? Peut-il avoir des pensées heureuses pour l’avenir ? Au sujet de sa famille… de sa maison… de son handicap au golf… de ses muscles… de sa prochaine bataille… de sa prochaine réussite… de sa richesse… Toutes ces choses peuvent-elles grandir, s’agrandir et s’améliorer ? Ou est-ce trop tard pour cela ? Doit-il se tourner sombrement vers le passé et se souvenir de ses erreurs, des vanités et des pièges… puis, en agitant le doigt en l’air comme quelqu’un qui aurait toutes les réponses, doit-il dire : « Je ne pense pas que cela marchera » ?

Les deux choses étant susceptibles de ne pas marcher sont précisément les deux choses que les élites dirigeantes américaines veulent faire à tout prix : mener des guerres dont elles n’ont pas besoin… et dépenser de l’argent qu’elles n’ont pas. Ce sont, traditionnellement, les deux drogues les plus dangereuses et les plus addictives de l’officine politique… et les deux auxquelles il est le plus difficile de résister. Ce sont aussi celles qui accélèrent le déclin d’un grand empire.

Où va votre argent ?

Aujourd’hui, notre politique est dominée par des crapules et des bandits. Les générations précédentes de la caste politique n’étaient peut-être pas meilleures. Mais elles étaient soumises à davantage de contraintes. La Constitution américaine, par exemple, interdisait les guerres sans le consentement explicite du Congrès. La sagesse des pères fondateurs déconseillait en outre les « enchevêtrements étrangers ». Et s’ils entraient en guerre, ils devaient trouver le moyen de la payer. La réalité des finances fédérales empêchait les dépenses de prendre trop d’avance sur les recettes. Le Congrès devait présenter un budget équilibré, ce qu’il a fait… plus ou moins… pendant 183 ans.

Mais ce qui se passe dans toute société, c’est que des personnes ambitieuses entrent au gouvernement. Ils veulent avoir un impact positif. Et ils réussissent. Pour eux-mêmes. Peu à peu, ils s’emparent des institutions censées protéger les citoyens contre leur gouvernement et les utilisent pour escroquer le public.

Aujourd’hui, nous en avons la preuve. Le Congrès s’empresse d’adopter un nouveau projet de loi d’urgence de 1 000 pages. Et ce projet de loi prévoit – vous l’aurez deviné – davantage de dépenses là où elles sont le moins nécessaires. CNN rapporte :

« Le projet de loi augmente également le financement du ministère de la Défense, en fournissant 824,3 milliards de dollars, soit une augmentation de 26,8 milliards de dollars par rapport à l’année fiscale 2023. »

Nous avons récemment exploré le sujet et conclu que les Etats-Unis sont déjà une forme de dictature militaire douce, où le Congrès a été acheté et payé et où les décisions clés de guerre et de paix… d’excédent ou de déficit… sont prises par le complexe militaro-industriel, pour son propre bénéfice.

Des soldats inébranlables… des armées bien entraînées… des généraux courageux – comme l’a expliqué Cicéron, ils sont toujours populaires.

Impôts, inflation et chaos financier

Le complexe Wall Street/Fed agit tout autant pour son propre compte, mais de manière moins visible.

En 1913, les grands banquiers avaient trouvé le moyen de prendre le contrôle du système financier. Il n’était pas question de partir pour une guerre glorieuse. Les banquiers ne reçoivent pas de médailles pour toutes les affaires qu’ils ont montées. Et lorsqu’ils ont suborné le système monétaire américain, ils l’ont fait en secret.

Lors d’une réunion très privée qui s’est tenue sur l’île de Jekyll, au large de la Géorgie, les financiers – prétendant voyager pour la chasse – ont mis en place un cartel, le système de la Réserve fédérale. L’idée est simple. Lorsque la conjoncture est favorable, les banquiers engrangent des bénéfices substantiels. Lorsque les temps sont durs, généralement à cause de leurs propres excès, la Fed les renfloue et reporte les pertes sur le public.

C’est exactement ce qu’elle a fait lors de la crise de 2008-2009. La Fed de Bernanke a accordé des milliers de milliards de dollars de nouveaux crédits à des banques qui, dans un système honnête, n’auraient pas reçu un centime. Ces nouveaux crédits, prêtés à des taux d’intérêt réels nuls ou négatifs, ont sauvé les plus grandes banques du pays. En revanche, les taux négatifs ont perturbé l’ensemble de l’économie. Le gouvernement américain, par exemple, s’est endetté de 25 000 milliards de dollars depuis 2008. Et l’ensemble de l’économie – y compris les sociétés, les entreprises et les ménages – a maintenant une dette totale de près de 100 000 milliards de dollars.

A elle seule, la dette nationale coûte aujourd’hui au public plus de 1 000 milliards de dollars par an en intérêts. Plus la dette augmente, plus le coût de son remboursement augmente… ce qui se paie en fin de compte par impôts, inflation et chaos financier.

Une monnaie bidon

Une innovation importante a rendu possible ces deux débauches que sont l’énorme croissance de la machine de guerre et la prise de contrôle du système financier par Wall Street. Il s’agit du passage à un système de monnaie fiduciaire en 1971. L’argent réel est ce qui tient normalement en laisse les faiseurs de guerre et les faiseurs d’argent. L’inflation de la masse monétaire – le fait de pouvoir « imprimer » de l’argent à volonté – leur permet de se déchaîner.

Aujourd’hui encore, 110 ans après la création de la Fed, la plupart des gens croient qu’elle fait partie du gouvernement, dont ils pensent à tort que les électeurs le contrôlent. Ce n’est pas le cas : il s’agit d’un cartel privé conçu pour servir les intérêts des banques membres, et non ceux du public américain.

Et même aujourd’hui, 53 ans après l’introduction de la nouvelle « fausse monnaie », la plupart des gens pensent qu’un peu d’inflation est soit inévitable, soit bénéfique. La Fed et de nombreux économistes avancent l’idée que l’augmentation des prix et la baisse des taux d’intérêt favorisent l’économie. Il n’y a aucune raison pour qu’il en soit ainsi, théoriquement… et aucune preuve, empiriquement, que ce soit le cas. Les taux de croissance ont baissé, décennie après décennie, depuis que la nouvelle monnaie a été mise en place.

Droite-gauche et au tapis !

Et voici la dernière nouvelle…

Les banques détiennent des bons du Trésor américain dans leurs coffres. Selon Moody’s, ces obligations ont perdu 650 milliards de dollars de valeur réelle avec la hausse des taux d’intérêt. Naturellement, les banques aimeraient que les taux baissent à nouveau. Il en va de même pour Wall Street. Des taux plus bas provoquent généralement une hausse des prix des actions, et Wall Street est fondamentalement un point de vente d’actions. Alors, que fait la Fed ? Voici ce qu’en dit CNN :

« Les actions américaines ont atteint de nouveaux sommets mercredi après-midi, les investisseurs ayant salué la décision de la Réserve fédérale sur les taux directeurs, les projections économiques et la conférence de presse de Jerome Powell, président de la Fed. 

La banque centrale a maintenu les taux d’intérêt inchangés mais a indiqué qu’il y aurait encore trois réductions de taux cette année. Avant la réunion, certains investisseurs craignaient que la Fed ne revoie cette projection à la baisse. » 

Entre-temps, depuis 1971, le « calculateur d’inflation » indique que les prix ont augmenté de 633%. En d’autres termes, si vous possédez un dollar de 1970, il vaut aujourd’hui 13 cents. Par rapport à la vraie monnaie, l’or, le dollar est passé de 38 dollars l’once d’or à 2 200 dollars ce jeudi 21 mars, soit une perte de 98%. Et la perte s’accélère : au cours des quatre dernières années, le dollar a perdu 20% de son pouvoir d’achat.

Les banques se sont enrichies. Wall Street s’est enrichi. L’industrie de l’armement s’est enrichie. Les lobbyistes se sont enrichis. Les membres du Congrès se sont enrichis.

Tant pis pour le grand public !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile