Noyades dans des données, agences de contre-espionnage et collision avec le monde réel…
« Autrefois, les Hommes confiaient leur pensée à des machines dans l’espoir qu’elles les libèrent. Mais cela n’a permis qu’à d’autres Hommes équipés de machines de les réduire en esclavage. » ― Frank Herbert, Dune
« Après mes 20 ans, j’ai quitté New York pour m’installer en Floride ».
« Des ‘Karen’ [NDLR : terme employé dans les pays anglo-saxons pour désigner de manière péjorative une femme blanche d’âge mûr et de classe moyenne qui s’insurge de tout et revendique des droits supérieurs aux autres] filmées en pleine action par des caméras de surveillance ».
« Rencontre avec la ‘trans-apostate’ qui s’empare de la guerre des genres… »
Voici les « news » que nous avons reçues ce matin. Vont-elles enrichir notre vie ?
Toujours dans les news d’aujourd’hui, on trouve cet article paru dans Bloomberg, qui explique pourquoi « l’information » ne nous rendra pas riches :
« Il y a tellement de données que même les espions peinent à dénicher des secrets
Scruter les informations libres d’accès n’a sans doute pas le même cachet qu’un travail d’infiltration, mais c’est devenu la nouvelle priorité des agences de renseignements américaines.
Avant, l’espionnage était une affaire de secrets. A présent, il s’agit davantage de ce qui se cache sous nos yeux.
Une quantité stupéfiante de données est accessible sur Internet, disponible pour quiconque fait des recherches : publications sur Facebook, vidéos YouTube, géolocalisation par téléphone, applications pour voitures… »
Pourquoi les espions américains ne nous ont-ils pas prévenus des attaques du 11 septembre ? Pourquoi (apparemment) les agences de renseignement israéliennes (qui sont censées être les meilleures du monde) n’ont pas averti la population des attaques du Hamas, qui s’est préparée (apparemment) « sous leurs yeux » ? Voici une hypothèse : les espions avaient trop d’informations à leur disposition !
Avec la bonne information au bon moment, vous pouvez vous faire de l’argent à Wall Street… ou faire chanter un politicien.
Fausses pistes
Mais toute information dont vous n’avez pas vraiment besoin, qui arrive quand vous n’en avez pas besoin, vous prend du temps et de l’énergie. Elle doit être triée, analysé et stockée. Une bonne partie est fausse, le reste induit en erreur. Une grande partie est tout simplement inutile. Mais il faut faire la part des choses. Et pendant que vous le faites, vous manquez l’anniversaire de votre fille et le début de la troisième guerre mondiale.
On dit que les Etats-Unis disposent de 17 agences de « renseignements » différentes, qui coûtent des milliards de dollars, impliquées dans le trafic d’informations. L’une d’entre elles a-t-elle un jour apporté un « renseignement » important qui aurait rendu nos vies meilleures ?
Personne ne le sait. C’est confidentiel !
Donc, aujourd’hui, nous nous en remettons à nos sens : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher.
On regarde autour de nous. On voit de l’acier dans nos robinets de cuisine, réfrigérateur, vis, canalisations, charnières… et la liste est encore longue.
On ressent l’énergie, les gaz naturels qui réchauffent notre eau, se précipitant dans nos radiateurs (encore de l’acier !) et sous le plancher (de la terre, avec de la pierre posée par-dessus).
On ressent la chaleur rayonnante, venant d’une cheminée en briques où brûle du bois, coupé à la tronçonneuse, alimentée en essence.
Le bois est tout autour de nous. Les chaises. Les étagères. Les tables. La charpente même de nos maisons. Sur les étagères, il y a des livres, du papier, fabriqué avec des arbres.
Depuis la fenêtre, on voit la pelouse, coupée avec une tondeuse qui fonctionne à l’essence, des murs en pierre faites avec un mortier à la chaux (fabriqué avec du calcaire chauffé à haute température).
Oh, et quand on s’arrête pour déjeuner, qu’est-ce qu’on mange ? Des électrons ? Des informations ? Du faux boeuf technologique à la sauce Silicon Valley ? Non, on mange des légumes, de la viande, des soupes, des oeufs. Des aliments qui proviennent de plantes et d’animaux, des choses que l’on peut voir, sentir et goûter.
On boit du vin d’Italie et du café d’Ethiopie (qui nous sont amenés par des bateaux et des camions alimentés au pétrole).
On s’assoit confortablement sur des tissus conçus par des artistes et couverts de laine (de mouton !) dans des usines et des ateliers. On écoute de la musique produite par des musiciens et on communique avec amis et collègues via Internet.
L’intersection des données
Et c’est là que nos vies croisent le chemin des Sept fantastiques et de l’ère du numérique. La plupart des choses que l’on voit et que l’on entend de nos jours nous parviennent de façon électronique, par petits morceaux d’information que l’on rassemble pour leur donner une forme que nous pouvons reconnaître.
Les musiciens et les compositeurs font de la musique – le produit de centaines d’années d’innovation en matière de mélodies, de rythmes et d’instruments de musique. Ces musiques sont enregistrées électroniquement et nous sont envoyées par le biais d’applications fonctionnant sur notre ordinateur portable, avec des logiciels et du matériel produits par diverses entreprises technologiques.
Même chose pour les films, qui impliquent d’énormes investissement en temps, talent et ressources tangibles, pour produire quelque chose qu’il vaudra la peine de regarder, et qui sera ensuite mis à disposition sur Netflix ou sur une autre plateforme.
La ressource rare par excellence est, bien évidemment, notre temps. La nouvelle ère numérique est friande de temps. Elle engloutit tout ce que nous sommes prêts à lui donner.
Les espions ne sont pas les seuls à subir le déluge de données. Nous le subissons tous. Les publicités. Les avis. Les blagues. Les mensonges. Vous pouvez passer tout votre temps à les absorber et à essayer de les comprendre. Vous bénéficiez alors d’informations utiles et de divertissements occasionnels. Mais vous y perdez aussi, car la chose la plus précieuse que vous possédez – votre temps – s’envole. Et vous évaluez vos vies en fonction de ce que vous voyez sur TikTok et YouTube.
Plutôt une mauvaise chose
Ici, au siège des Publications Agora, les choses que nous apprécions le plus sont celles qui sont à la portée de nos sens, les choses que nous voyons, que nous mangeons et que nous utilisons. Le monde électronique n’est qu’un outil. Nous passons une grande partie de notre journée à lire, à écrire, à faire des recherches avec l’aide de Google, de Microsoft et d’autres entreprises.
Maintenant, on nous dit que l’IA va nous faire gagner du temps. Elle va nous libérer de la tyrannie de la révolution numérique. Elle saura ce qu’on doit et ce qu’on ne doit pas lire. Elle nous aidera à mettre nos pensées à l’écrit et corrigera nos erreurs et nos jugements politiques erronés. Avec l’IA, nous reprendrons le contrôle de nos vies. Peut-être que, comme le suggérait hier Bloomberg dans son titre, elle « [fera] de nous de meilleurs humains », en chassant les « mauvaises » pensées de notre cerveau.
« Siri, dirons-nous, s’adressant à une pièce vide, qu’est-ce qui est important aujourd’hui ? Quelles sont les nouvelles ? Qu’est-ce que cela veut dire ? A quoi devrais-je penser ? »
Et la plus belle de toutes les gloires… laudate dominum… nous aurons plus « d’informations » sur lesquelles cogiter ! Une autre source d’information ! Une autre opinion stupide de la part d’un objet sans cervelle !
Omnes gentes, hallelujah.