▪ Le Père Noël semble avoir décidé d’avancer sa tournée d’une semaine s’agissant de gratifier les marchés d’actions d’une nouvelle preuve de sa bienveillance. Peut-être s’est-il avisé qu’il était préférable de vider le contenu de sa hotte avant que les « Quatre sorcières » ne fassent leur apparition vendredi… et ne s’attribuent les mérites d’une pluie de cadeaux boursiers à l’entame de la trêve des confiseurs.
Pour ceux qui ne croient pas au Père Noël (le nouveau vengeur aux rennes masqués), nous leur souhaitons bonne chance pour expliquer comment Paris, ainsi que les autres places européennes, sont parvenues à inscrire une quatrième séance de hausse consécutive. Amsterdam gagnait même 0,85% — mais tout le monde sait que l’envolée de 4,35% d’ING a complètement biaisé le score final.
Même si l’écart est des plus symboliques sur l’Eurotop 100 ou l’Euro-Stoxx 50 (+0,1%), cette issue positive est inespérée. Elle pourrait même être franchement incongrue compte tenu de l’actualité du jour — laquelle se résumait à la publication d’une série de statistiques économiques toutes plus décevantes les unes que les autres.
La hausse des indices relevait carrément du miracle si vous y ajoutez la nouvelle progression du dollar (+1%) qui culmine désormais à 1,45058/euro et près de 90 yens. Le CAC 40 a terminé dans le vert après avoir perdu jusqu’à 1% en milieu d’après-midi. Parallèlement, Wall Street accusait vers 17h30 un repli de 0,2% (Dow Jones et S&P 500).
▪ Alors que nous évoquions l’interminable plafonnement du Nasdaq sous les 2 214 points, ce dernier a inscrit hier, de façon tout aussi anachronique, un nouveau record annuel à 2 218 points. A part l’hypothèse d’une vague d’opérations techniques d’habillage des bilans, rien ne plaidait en faveur d’une hausse des technologiques — et surtout pas l’indice d’activité industrielle baptisé « Empire State ».
Le baromètre régional de la Fed de New York enregistre au mois de décembre la plus forte chute en un mois de son histoire (-21 points). Il passe de 23,5 à seulement 2,55 : c’est le niveau qu’il affichait mi-juillet, alors que le Dow Jones plafonnait encore sous les 8 500 points. Le consensus tablait sur une stabilité vers 24, après 34,6 en octobre.
Toujours dans le registre des mauvaises nouvelles, les prix à la production enregistrent leur plus forte hausse mensuelle de l’année (1,8%) aux Etats-Unis, dans le sillage des prix de l’énergie. Le core rate (l’indice « central », hors variables volatiles) accuse une progression de 0,5%.
Résultat immédiat, les taux longs se sont tendus à 3,60% sur les T-Bonds à 10 ans, et au-delà de 4,55% sur le 30 ans. Cela prouve que les anticipations des cambistes ne vont plus dans le sens d’un maintien du taux directeur de la Fed entre 0,13% et 0,25% durant une période « extrêmement longue ».
▪ Inflation plus récession, voilà donc l’équation économique qui se dessine en cette mi-décembre. Il y a peu de chances qu’une inversion de la tendance se dessine début 2010 : les ventes d’automobiles rechutent tandis que les consommateurs ne misent plus que sur les opérations « prix cassés » sur Internet et se ruent sur le hard discount pour leurs achats quotidiens.
Le tableau conjoncturel n’est pas plus brillant en Europe. Les opérateurs ont pris connaissance hier matin du baromètre conjoncturel allemand ZEW. Là encore, les marchés font face à une déception puisque l’indicateur mensuel fléchit pour le troisième mois consécutif (-0,7 point pour atteindre 50,4 points en décembre).
Compte tenu de la morosité de la conjoncture en Europe, le dollar grimpait vers 1,4525 dès la fin de la matinée — c’était déjà son meilleur niveau face à l’euro depuis deux mois et demi. Il a confirmé son raffermissement tout au long de l’après-midi.
▪ Nous devons bien reconnaître que la spectaculaire consolidation de l’euro depuis le 4 décembre est loin d’avoir provoqué la vague de dégagement bénéficiaire sur les actions que nous ne cessions de pronostiquer depuis la mi-octobre.
Et cela ne nous rassure pas du tout !
En effet, nous pouvions établir une corrélation entre le carry trade et la hausse des indices boursiers depuis la mi-juillet : même s’ils apparaissaient complètement déconnectés de la conjoncture réelle, il y avait au moins une explication mécanique à la formation d’une nouvelle bulle découlant d’une surliquidité des marchés. En revanche, les nouveaux records établis à Wall Street ces dernières heures nous semblent relever de la manipulation la plus achevée des cours de Bourse.
Tout se déroule comme si l’objectif était d’atteindre la séance technique de vendredi avec un acquis de hausse confortable — mais pas astronomique — afin de maximiser les gains sur les contrats à terme (échéance décembre). La quasi-stagnation observée depuis la mi-septembre permettrait de plumer jusqu’au dernier tous ceux qui ont acheté des options put pour se couvrir en cas de rechute sous les planchers de début novembre, ainsi que tous ceux, fort nombreux cet automne, qui misaient symétriquement sur un CAC 40 à 4 000 points avant les « Quatre sorcières » du 18 décembre.
Au risque d’agacer ceux qui nous jugent parfois paranoïaque, nous ne pouvons nous empêcher de constater à quel point les pièces du puzzle de la « Grande manipulation » s’assemblent à merveille depuis des mois. Jour après jour, rien ne semble survenir qui n’ait été soigneusement planifié et si parfaitement exécuté que les commentateurs les plus naïfs déploient des trésors d’imagination pour justifier jusqu’aux scénarios les plus improbables.
Et si dès le lendemain, les indices rechutent sur la base des mêmes éléments qui avaient fait flamber les cours la veille… c’est dû au fait que le marché s’y entend pour corriger le plus spontanément du monde ses propres excès.
Jamais il ne leur vient à l’esprit qu’il puisse s’agir d’une opération commando destinée à ratisser les « suiveurs » — qui sont majoritaires en nombre mais minoritaires en force de frappe financière. Ils tombent régulièrement dans le piège de la volatilité, ou dans celui de prises de position à contre-tendance sur de fausses cassures de supports court terme parfaitement orchestrées.
Les volumes d’échanges ne semblent pas progresser au quotidien malgré une hausse moyenne de 60% des indices au cours des neuf derniers mois. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les sommes épargnées aux Etats-Unis dans le cadre des retraites défiscalisées en « 401K » sont demeurées pratiquement stables.
C’est parfaitement logique puisqu’il s’agit de prélèvements à pourcentage constant sur la masse salariale — et non d’un investissement résultant de décisions stratégiques à un instant T jugé plus favorable qu’un autre (comme un arbitrage entre actions et obligations… ou un retour ponctuel à la liquidité).
A part les futurs retraités qui se retrouvent investis à leur corps défendant — et qui de surcroît n’ont pas le droit de revendre avant la date de leur cessation d’activité –, nous soupçonnons fortement que la hausse des indices ne soit que le résultat de prises de position en day trading directement financées par les guichets de la Fed. Cela expliquerait l’aspect primordial de la perpétuation de sa politique d’argent gratuit jusqu’à ce que les spéculateurs jugent qu’il serait plus juteux de parier contre la hausse des actions.