▪ Aujourd’hui, nous nous intéressons à un phénomène très rare : le véritable progrès intellectuel.
Enfin, n’en faisons pas trop. Dans le monde des idées, on fait un pas en arrière pour chaque pas en avant. C’est au moins un pas dans la bonne direction…
On pensait autrefois, par exemple, qu’il fallait immédiatement éteindre tous les feux de forêt. Aujourd’hui, les autorités forestières sont d’avis qu’il vaut souvent mieux les laisser se consumer. Cela permet de brûler le bois sec et aide la forêt à se régénérer.
Il y a quelques décennies seulement, on pensait aussi que les fièvres enfantines étaient à redouter et à soigner à tout prix.
"Je vais lui donner un petit quelque chose pour cette fièvre", disaient les pédiatres. Puis on en est venu à voir que les fièvres, elles non plus, n’étaient pas forcément une mauvaise chose. C’était ainsi que la nature combattait les microbes. Augmenter la température corporelle accélérait en fait le processus de guérison.
Les entreprises ont elles aussi repris ces idées à leur compte. Nous ne connaissons pas le dernier livre de management le plus vendu dans les aéroports… mais nous avons observé que les sociétés ayant l’approche la moins hiérarchique, la moins autoritaire, semblent mieux se débrouiller. Si c’est devenu la mode dans le monde des affaires, nous aimerions nous en attribuer un peu le mérite. Voilà 35 ans que nous faisons la réponse suivante aux questions de nos employés : "je ne sais pas… et vous, que feriez-vous ?"
Cette réaction était considérée comme une preuve de stupidité, à l’époque. Ces derniers temps, elle est attribuée à l’intelligence. En réalité, elle naissait de l’ignorance et du désespoir : nous n’avions pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire.
Les banques centrales n’ont rien appris. Au lieu de laisser la correction de 2008-2009 faire son travail, elles ont éteint le feu purificateur avec une lance à liquidités |
Mais les banques centrales n’ont rien appris. Au lieu de laisser la correction de 2008-2009 faire son travail, elles ont éteint le feu purificateur avec une lance à liquidités. Résultat : le bois sec continue de s’accumuler. La dette mondiale atteint 20 000 milliards de dollars depuis la crise. Le gouvernement et les entreprises continuent à emprunter sans discontinuer. Les consommateurs s’endettent eux aussi plus profondément.
▪ L’Europe brûle… et que dire de la Chine !
Les autorités ont arrêté les corrections. Elles ont calmé les fièvres. Maintenant, au sol, le petit bois est plus abondant que jamais. Mais attention… nous commençons à voir de plus en plus d’étincelles. Le pétrole à 50 $. 1 600 milliards de dollars de dette gouvernementale cotant à des rendements inférieurs à zéro. Ambrose Evans Pritchard :
"La Suède a fait passer ses taux d’intérêt dans le négatif et lancé un assouplissement quantitatif pour lutter contre la déflation, devenant ainsi le dernier Etat scandinave en date à rejoindre la guerre des devises qui se fait de plus en plus virulente en Europe.
La Riksbank a pris les marchés par surprise, mettant le taux directeur à moins 0,1%, et a dévoilé ses premiers rachats d’actifs, promettant de nouvelles mesures à tout moment afin d’empêcher le pays de sombrer dans un piège déflationniste. La banque a présenté cette manoeuvre comme une mesure de précaution due à une augmentation des risques de ‘développement moins favorable à l’étranger’ et à la Grèce.
Janet Henry, de HSBC, déclare que ces mesures sont clairement une manoeuvre de ‘chacun-pour-soi’ destinée à affaiblir la couronne, le dernier acte en date dans une guerre des devises mondiale qui ne fait rien pour régler le problème plus profond de la demande mondiale déficiente".
Si l’Europe brûle, la Chine ressemble à une explosion dans une usine de feu d’artifices. Il y a quelques mois seulement, la Chine tentait d’apaiser les effets d’une gigantesque quantité de capitaux inondant le pays ; aujourd’hui, elle tente de les augmenter.
Les dettes colossales de la Chine sont adossées à l’immobilier. Or les prix de l’immobilier sont en train de chuter dans l’Empire du Milieu |
Pourquoi ? Les dettes colossales de la Chine sont adossées à l’immobilier. Or les prix de l’immobilier sont en train de chuter dans l’Empire du Milieu.
Et pourtant… Laisser la nature suivre son cours ? Laisser le feu se consumer tout seul ? Pas question.
Dire aux gens ce qu’ils doivent faire, même quand on ne sait pas de quoi on parle — telle est la pierre de touche de la politique étrangère américaine. Dans le monde entier, le secteur économique — oubliant deux siècles d’analyses élaborées sur le sujet — s’y est mis aussi. Les économistes sont devenus des fous du contrôle, cherchant désespérément à arrêter tout événement spontané sur les marchés, surtout s’il s’agit d’une correction.
Mais qu’est-ce qu’une correction sinon un feu de forêt économique… brûlant les erreurs, se débarrassant des broussailles et nettoyant le système ?
Et qu’est-ce qu’un marché baissier sinon une fièvre… faisant grimper la température afin de tuer les parasites qui se nourrissent des organes vitaux de l’économie ?
Sans petites corrections et légères fièvres, la prochaine crise ne sera-t-elle pas encore plus grave ?