La Chronique Agora

Sommet de Wroclaw : quand un sommet informel se transforme en sommet infernal

▪ Est-ce que le sommet informel des ministres européens des Finances qui s’est tenu à Wroclaw (Pologne) vendredi et samedi pouvait plus mal se passer ?

Même victime d’une rage de dent et d’un début d’ulcère, nous aurions eu du mal à écrire un scénario aussi consternant que celui auquel nous avons assisté ces dernières 48 heures.

Les discussions sur le déblocage du second plan d’aide à la Grèce de 160 milliards d’euros arrêté le 21 juillet n’ont pas avancé. En plus, Européens et Américains se sont écharpés sur les responsabilités des uns et des autres dans la décomposition du système financier international depuis 2008. Parmi les sujets sensibles évoqués, il y a eu l’excès de mauvaise dette, l’irresponsabilité budgétaire et fiscale ainsi que le laxisme monétaire (recours massif à planche à billets côté américain).

Tim Geithner balaye cette objection. La Fed s’est montrée réactive et efficace ; son action aurait pu produire de bien meilleurs résultats si la BCE avait disposé de moyens d’action plus étendus et l’Europe avait fait preuve de pragmatisme en admettant que le problème de dette des PIGS ne pouvait être résolu que par une monétisation plus ou moins étendue.

D’où des demandes pressantes de la part des autorités américaines en faveur de la mise en oeuvre (dans l’urgence désormais) d’un programme de rachat de dette par le biais du FESF, considéré comme une sorte de TARP européen.

Dominique Strauss-Kahn se montre plus radical : il propose une annulation pure et simple de la dette grecque. En jouant sur les mots, cela éviterait à la Grèce de faire défaut. Mais nous doutons que cela désamorce l’activation des CDS dont les originateurs (si, si, c’est le terme technique adéquat) ont tout à redouter.

Oui, en effet, ceux qui assurent contre un défaut de paiement les actuels détenteurs de dette souveraine grecque risquent de devoir passer à la caisse.

Et nous parions qu’à l’image d’AIG ou des monoliners (assureurs crédit aux Etats-Unis), nombreux sont ceux qui se révèleront insolvables.

▪ Même si nous pouvons nous targuer d’avoir bien anticipé le déroulement et le timing de la crise actuelle, nous n’avons cessé de souligner qu’elle était évitable. Certes, les chances d’y échapper apparaissaient minces, compte tenu du savant mélange de dogmatisme et d’égoïsme d’une partie de la droite allemande qui a empêché Angela Merkel de prendre les bonnes décisions (du point de vue de Nicolas Sarkozy et Barack Obama) au bon moment.

Nous comprenons donc la frustration et la colère de Jacques Delors, l’ancien président de la Commission européenne qui fustige « un coup terrible porté à tous ceux qui, depuis 1948, s’attachent à avoir une vision d’une Europe en paix et prospère ».

Avec ce genre de déclarations, nul doute que les Eurosceptiques voient la plupart de leurs critiques justifiées et légitimées. Ils ne manqueront pas d’enfoncer le clou en rappelant que la monnaie unique est la « plus mal fichue » des devises occidentales et qu’elle n’a répondu à aucune attente des peuples qui l’ont adoptée (absence de croissance, chômage de masse, vulnérabilité du système financier…).

Confronté à une situation inextricable, le Premier ministre grec, Georges Papandréou, a renoncé à se rendre au sommet des Nations unies à New York. Ce n’est pas ce geste symbolique qui permettra à son pays de remplir les conditions exigées par ses principaux bailleurs de fonds. Cela va cependant au moins lui éviter de se faire hacher menu en direct par la presse américaine.

▪ L’Europe se morfond et se déchire ; les investisseurs n’en peuvent plus du krach rampant qui se perpétue depuis début juillet… Et pendant ce temps, Wall Street achève le troisième trimestre 2011 (en tant qu’échéance boursière) dans l’allégresse, par un 5 sur 5 à la hausse sur la totalité des indices américains.

Les gains des deux dernières séances permettent par ailleurs au Dow Jones et au S&P de redevenir positifs depuis l’annonce de la dégradation de la dette US par Standard & Poor’s début août.

Mieux même… Alors que le CAC 40 et l’Euro-Stoxx 50 s’effondrent de 20% dans le sillage des valeurs bancaires, le Nasdaq s’offre le luxe de ne pas perdre un pouce de terrain depuis le 17 juin dernier, c’est-à-dire la précédente journée des « Quatre sorcières » qui clôturait le deuxième trimestre 2001.

Plus surprenant encore, le précédent terme de mars s’était également achevé à proximité immédiate des 2 615 points. Le Composite ne lâche pas plus de 1,15% depuis le 1er janvier : de quoi faire rêver les investisseurs européens…

Le S&P a engrangé 0,57% vendredi, soit +5,35% hebdo. Cela réduit à -4% son handicap sur les trois derniers mois écoulés (de date à date) et -3,3% depuis le 1er janvier.

Le Dow Jones s’adjugeait 0,66%, ce qui lui a permis de se hisser au-dessus du seuil psychologique des 11 500 points. La semaine ressort gagnante de 4,7%, ce qui apparaît presque modeste en regard des 6,6% du Nasdaq 100 ; le Dow ne perd pas plus de 0,6% depuis le 1er janvier.

▪ Pour rappel, les anticipations de croissance US à l’entame de la nouvelle année tournaient autour de 3% en 2011 et 2012. A cette époque, la Fed injectait 75 milliards de dollars chaque mois dans le cadre de son QE2. Les Américains croyaient encore que le Congrès agissait pour le bien du pays et pas en fonction de sordides calculs politiques. La dette des Etats-Unis bénéficiait encore d’un solide triple A et la perspective d’un effondrement de la Zone euro, entraînant le système bancaire américain dans les abysses, n’était pas encore à l’ordre du jour.

Si nous avions vu dans notre boule de cristal que l’Amérique se dirigeait tout droit vers un scénario de double creux, avec un Congrès dont une fraction influente (les parlementaires du Tea Party) a juré d’envoyer le pays dans le mur quoi qu’il en coûte, auriez-vous seulement misé un seul dollar sur l’hypothèse d’un Dow Jones et d’un Nasdaq 100 pratiquement à l’équilibre à la mi-septembre ?

Ce serait sans compter sur l’espoir que la Fed proposera de nouvelles mesures providentielles dès mercredi à l’issue de son Comité de politique monétaire à rallonge.

Si elle ne sort aucune solution miracle de son chapeau, c’est Wall Street qui va manger le sien !

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