Notre pétition « Non à la société sans cash » rencontre une adhésion générale. Nous avons tout de même reçu quelques critiques — dont celle-ci, qui est très argumentée ; il nous a donc semblé intéressant de répondre point par point aux objections soulevées par ce lecteur, que nous remercions de sa contribution.
En préambule, nous ne prétendons pas imposer un retour aux espèces, ni un retour à l’agriculture à la force animale, ni à l’âge de pierre. Tout le monde peut constater dans sa vie courante que la dématérialisation des espèces rend service ; en France, le cash représente pour l’instant moins de 5% des transactions en valeur.
La criminalité existait déjà même avant l’invention de la monnaie |
Nous soutenons cependant que le cash est une option… parmi d’autres qu’il convient de préserver dans une société libre et démocratique.
Mais voici la réaction de M.G. et nos réponses.
Non, je ne signerai pas une telle pétition tant j’appelle de mes voeux depuis de nombreuses années la disparition totale des espèces.
Il faut bien comprendre qu’à ce jour nous avons les moyens et aurions intérêt de nous passer de l’argent liquide.
Si nous y parvenions, un nombre considérable de maux de notre société trouverait enfin un début de solution, au nombre desquels :
▪ Eradication des dealers (je vois mal le trafic de drogue se faire payer en chèque ou en cartes)
– L’histoire prouve pourtant que la criminalité est inhérente à toute société quelle que soit la forme de monnaie utilisée ; les trafiquants de drogue n’en sont qu’un aspect. La criminalité existait déjà même avant l’invention de la monnaie, à une époque où les échanges étaient limités à de très petites communautés. Les dealers pourraient très bien recourir au paiement en nature sous forme de prostitution ou d’esclavage — ce qui ne constituerait pas une grande avancée sociale ou un début de solution, nous semble-t-il. Ils pourraient également utiliser des crypto-monnaies, des armes, des métaux rares ou précieux…
▪ Très forte diminution des vols à l’arrachée, les petits délinquants cherchent d’abord et avant tout des espèces (enfin pouvoir voyager sans crainte de se faire détrousser).
– Les petits délinquants se sont adaptés à l’évolution de notre société : ils savent très bien qu’ils récoltent de moins en moins d’espèces lors de leurs vols. Ils font leurs recettes avec les papiers d’identité, carte Vitale, cartes de débit.
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Les demandes de rançons ne se font qu’en espèces, difficile de les voir épouser cette évolution.
– Les kidnappeurs se sont eux aussi bien adaptés à la vie moderne et ne se promènent plus avec des valises de cash depuis belle lurette. Ils préfèrent de beaucoup les sociétés écrans et les virements Swift.
▪ Plus de hold-up.
– Effectivement ce genre de criminalité se raréfie, de même que les attaques de diligence ou de convois postaux. En réalité, cette criminalité s’efface face à la criminalité en col blanc, plus efficace et plus lucrative : vol de données, usurpation d’identité, pyramide de Ponzi…
▪ Très forte diminution de la fraude fiscale et sociale qui paralyse nos sociétés et finit toujours par faire payer les plus faibles.
– La fraude fiscale et sociale n’est pas le fait de l’existence ou non du cash. Elle est le résultat d’une intolérance grandissante face à l’impôt.
L’impôt consenti est le signe d’une démocratie saine |
Ceux qui souhaitent évoluer vers la société sans cash mettent évidemment en avant la fin de toute résistance possible à l’oppression fiscale. Mais l’impôt consenti est le signe d’une démocratie saine tandis que l’impôt subi et la hausse de la fraude fiscale sont justement le symptôme que quelque chose cloche — le « ras-le-bol fiscal » évoqué par Michel Sapin. Le 15 octobre 2013, le quotidien Le Monde publiait un sondage sous le titre « Impôts : le désaveu des Français » ; on y découvre que 72% des personnes interrogées jugent le montant de l’impôt « excessif ».
Les pays où l’utilisation du cash est plus importante qu’en France, comme l’Allemagne par exemple, ont une collecte fiscale largement aussi efficace que la nôtre. Plutôt que de supprimer une liberté fondamentale, ne vaudrait-il pas mieux supprimer le recours au déficit, restaurer le débat démocratique autour du bien-fondé de l’impôt et du coût réel de la politique sociale ?
▪ Terminé les transferts douteux vers les paradis fiscaux.
– Dans les nombreux paradis fiscaux, y compris européens (Jersey, Guernesey, Monaco, Campione, Luxembourg, Suisse…), je vous assure que vous ne voyez pas des gens déambuler avec des valises de cash et des liasses de billets dans leurs poches. A dire vrai, les paradis fiscaux sont plutôt des centres d’affaires avec des connexions Internet à haut débit.
▪ Beaucoup plus compliqué les financements occultes de partis politiques
– Je pense qu’il s’agit là d’une plaisanterie. M. Cahuzac avait monté des sociétés de conseil pour faire écran, Thomas Fabius prétend avoir gagné au Loto de quoi acheter un appartement parisien, Bygmalion avait mis dans sa poche des experts comptable. Ce genre de financements occultes s’appuie sur des réseaux complexes et des fausses factures. Pots-de-vin et corruption se passent très bien de cash. En revanche, administration pléthorique, élus professionnels, capitalisme de copinage favorisent les financements douteux qui se font sur le dos des contribuables.
▪ Alors sauf à appartenir à ces catégories ou vouloir soutenir les mafias, j’aimerais assez entendre des arguments crédibles pour s’opposer à une telle mesure de salut publique.
– J’espère que nos réponses sont convaincantes. Voyez-vous, les mafias utilisent les routes, l’éclairage public, les circuits d’assainissement d’eau, les médicaments… et on ne parle pas de les supprimer !
Par une privation supplémentaire de liberté, beaucoup prétendent résoudre les « maux de notre société » ou accéder à plus de sécurité.
▪ Mais où met-on le curseur entre liberté et sécurité ?
L’indice de liberté économique montre que les pays les plus libres sont aussi les plus prospères. Les Etats-Providence prétendent éradiquer les injustices et la pauvreté mais leur modèle, qui consiste à acheter une politique sociale à crédit, est en faillite comme le prouve la crise de la dette.
Par une privation supplémentaire de liberté, beaucoup prétendent résoudre les « maux de notre société » |
« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux ».
Benjamin Franklin
La suppression du cash n’est qu’une tentative des Etats-Providence en faillite pour se renflouer en pratiquant la « violence légale ». Supprimer le recours ultime au cash permettrait d’imposer des taux d’intérêt négatifs, de confisquer les dépôts, de taxer arbitrairement sans débat démocratique.
Etes-vous prêt à acheter une sécurité illusoire en aliénant votre droit le plus essentiel, le droit de propriété sur ce que vous avez légitimement acquis ?
[NDLR : Si vous répondez « non » à cette question, cliquez ici…]