▪ Les mains invisibles qui manipulent sans vergogne les indices boursiers depuis vendredi dernier n’ont pas l’intention d’agir dans la discrétion, bien au contraire !
Non contentes de s’assurer la totale maîtrise de la tendance depuis 72 heures, elles s’arrangent pour que cela se sache, que cela crève les yeux !
Le message est clair : nous avons les moyens d’orchestrer un krach à la hausse et peu importe que les raisons objectives existent ou que le marché les fantasme de A à Z.
Il y avait un consensus plutôt négatif… beaucoup de positions de couvertures (ô combien justifiées vu la conjoncture !)… trop de paris sur l’incapacité des Européens à résoudre la question des dettes bancaires et concilier leurs intérêts divergents… et trop de shorts sur le pétrole, alors que le dollar retrouvait son statut de valeur refuge face à un euro de tous les dangers.
▪ Un contrepied dévastateur
Quelle splendide occasion de plumer des bataillons de vendeurs à découvert au moindre prétexte permettant d’orchestrer un contrepied dévastateur !
Dès que les derniers shorts auront fini de liquider leurs positions, retour à la dure réalité… et nouveau contrepied (de taille 48) en perspective.
Les marchés n’auraient pas dû bouger depuis une semaine ? Ils viennent de prendre 9% en Europe et ils vont probablement les reperdre d’ici15 jours. Cela fait 18% de variation sortis du chapeau au lieu de zéro ; et seule une infime minorité d’initiés aura pu en profiter.
Peu importe ce que feront les marchés après cela : il sera toujours temps d’accompagner la tendance, peu importe laquelle, et de s’amuser à manipuler la volatilité.
Avec un VIX revenu en un mois de 28 à 16 (à Wall Street), il devrait être payant de jouer la remontée en puissance de l’aversion au risque en poussant le marché à la baisse.
Pour l’heure, il s’agit d’encourager tous les excès, d’entraîner le maximum de suiveurs dans cette hausse d’anticipation. La BCE est censée abaisser son taux directeur de 25 points aujourd’hui, ce qui est déjà plus que largement intégré dans les cours.
▪ Une hausse qui n’a rien de naturel
Eclatante démonstration mardi soir à Wall Street où les indices américains ont été arrachés à la hausse de 0,3% dans les trois dernières minutes de la séance, sans aucune précaution pour que le mouvement ait l’air naturel.
Le Dow Jones est repassé en quelques secondes de 0,25% à 0,56%, à 12 944 points, le plus haut du jour. Le Nasdaq a grimpé de 0,5% à 0,85% et affiche désormais +14,25% sur l’année, à 2 976 points.
Pour mémoire, Wall Street était anticipé stable en pré-ouverture, malgré la hausse de 0,5% des places européennes. Cet écart avait d’ailleurs curieusement doublé au cours de la dernière demi-heure, par la grâce d’un nouveau tour de magie algorithmique.
Les indices américains alignent une cinquième séance de hausse sur une série de six. L’orchestration — à coups de cymbales et de grosse caisse — d’une clôture au plus haut du jour n’avait pour but que d’induire un diagnostic technique invariablement haussier à la veille du 4 juillet (N.D.L.R : férié aux Etats-Unis).
Ce n’est pas un optimisme raisonné qui a fait monter les cours mardi — vu les dernières statistiques américaines cela tiendrait du prodige — mais une hausse exubérante des cours qui alimente un optimisme artificiel du marché.
Les indices américains se retrouvent ainsi au plus haut depuis le 7 mai dernier (ou au même niveau que le 1er mars) et à 4% seulement du zénith annuel pour le S&P 500.
Nul doute que la Fed va s’empresser d’enclencher un QE3 pour permettre à Wall Street d’atteindre des niveaux de valorisation encore plus décorrélés de la conjoncture présente et future.
En ce qui concerne le baril, son envolée de 4,5% à 87,5 $ à New York ne reflète aucun optimisme conjoncturel. En effet, nous devons plutôt y voir la traduction de nouvelles tensions géopolitiques dont l’Iran constitue l’épicentre — avec des menaces sur la circulation des pétroliers dans le détroit d’Ormuz pour riposter au boycott occidental.
Mais puisqu’il est question de variations excessives — et potentiellement grotesques vu les fondamentaux –, que dire des 9% de hausse du CAC 40 depuis son plancher de mercredi dernier (3 003 points pour être précis) ?
C’est proprement surréaliste compte tenu des dernières statistiques chinoises et américaines, puis du peu de véritables éléments concrets concernant la résolution de la crise européenne.
Plus impressionnant encore, il aura suffi de six séances pour effacer deux mois complets de consolidation, de crise grecque, de tensions des taux en Espagne (toujours au-dessus des 6,3%) et de mauvaises nouvelles conjoncturelles en tout genre.
Notons enfin qu’à 3 263 points (à 3 271 points à plus forte raison), le CAC 40 a effacé exactement 50% de la correction subie entre 3 600 et 2 925 points… alors qu’aucun des problèmes du moment n’est résolu — mais il est de bon de faire comme si et d’applaudir cette miraculeuse résurrection du marché parisien.
▪ Un climat de béate insouciance de part et d’autre de l’Atlantique
Afin que nul ne puisse douter de la volonté des mains invisibles d’encourager un climat de béate insouciance de part et d’autre de l’Atlantique, une accélération haussière s’est matérialisée au cours du dernier quart d’heure sur les places européennes, sans le moindre élément d’actualité pour l’expliquer (avons-nous besoin de la préciser ?).
A Paris par exemple, la hausse moyenne du jour s’établissait autour de 0,4% jusque vers 17h, avec un cours médian de 3 250 points.
Toutefois, le CAC 40 s’est envolé de 0,96% à 17h35 avec seulement 2,3 milliards d’euros échangés en séance — 600 millions au moment du fixing pour faire du chiffre et masquer l’étroitesse réelle des échanges.
Combien avons-nous entendu de professionnels se féliciter de cette hausse et de ces volumes nourris qui traduisent un bel appétit pour les actions depuis trois jours ?
Avec moins d’un milliard d’euros échangés par pour-cent gagné, nous assistons à l’un des rallies haussier les plus creux et les plus dénués de substance de la décennie.
Le roi est nu mais la plupart des commentateurs claironnent qu’il a fière allure dans sa tenue de grand apparat. Il ne lui manque pas un bouton ni une médaille et tout cela brille magnifiquement en cette veille de fête des taux qui baissent à la BCE.
Rendez-vous vendredi matin pour vous décrire la gueule de bois des marchés si la BCE a effectivement cédé à la pression des marchés… et sa consternation si elle ne fait rien !
Imaginez qu’elle démente avoir eu l’intention de baisser les taux en ce début d’été — puisque rien n’est réglé ni du côté de la Grèce, ni de l’Espagne. Et imaginez qu’elle estime prématuré de tirer ses ultimes cartouches avant de savoir si le MES verra effectivement le jour et de quelle façon il fonctionnera (et cela va prendre des mois avant de définir son statut et son levier financier).
Parce que le MES… ce n’est pour l’instant qu’un couteau sans manche dont on n’a pas encore forgé la lame !