▪ Le colonel Kadhafi aurait choisi l’option « bain de sang » dans un discours fleuve diffusé sur la chaîne publique totalement dévouée à son régime. Il a juré mardi de combattre jusqu’à la dernière balle le mouvement de contestation contre son régime ; il a exhorté ses partisans à mater la révolte, à reprendre maison par maison les villes tombées aux mains des « insurgés et des mercenaires » et de mourir en « martyr ».
Nous ignorons pour l’heure si ce discours est le dernier avant qu’il prenne la fuite — c’est en tout cas ce qu’espèrent la plupart des chancelleries dans le monde arabe et en Occident. Il pourrait aussi entraîner son pays dans le chaos puisqu’il vient tout simplement d’appeler à la guerre civile.
Ce qui est certain, c’est que Wall Street a réagi de façon cohérente en amplifiant sensiblement ses pertes. En effet, il apparaît évident que la Libye ne connaîtra pas une révolution pacifique (côté manifestants s’entend) baptisée d’un nom de fleur.
La Libye est une mosaïque de tribus qui peuvent chacune tenter de s’imposer dans une lutte pour la conquête du pouvoir après 40 ans de répression. Une transition démocratique assurée par une armée se mettant au service du peuple jusqu’aux prochaines élections est une vue de l’esprit ; elle ne correspond à aucune réalité.
Des factions militaires rivales sont apparemment prêtes à en découdre. Leur but pourrait être de s’assurer le contrôle des installations pétrolières et des gazoducs, c’est-à-dire de la colonne vertébrale économique du pays.
▪ La hausse du cours du baril de brut s’était un peu ralentie en milieu d’après-midi mardi, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Cependant, elle a repris de plus belle après l’intervention télévisée de Kadhafi : le WTI grimpait de 6%, à 95 $ sur le NYMEX vers 20h00, et vers 106 $ sur le Brent coté à Londres.
Les Etats-Unis ont demandé à l’OPEP d’accroître sa production — l’organisation dispose pour cela de bonnes marges de manoeuvre. Toutefois, cela pourrait ne calmer que temporairement la nervosité des opérateurs.
Si la déstabilisation d’un second grand pays producteur de la région survenait, cela provoquerait une véritable flambée de l’or noir comparable à la première crise du Golfe en 1990. La croissance économique mondiale en serait durement affectée, de l’avis de tous les experts qui écrivent sur le sujet.
Est-il besoin de rappeler que le devenir de l’Egypte et du Yémen — deux pays frontaliers et partenaires économiques de l’Arabie Saoudite — reste particulièrement incertain ?
▪ Wall Street chutait de 2% à la mi-séance, comme certains le redoutaient à la reprise des cotations après un week-end de trois jours… Mais même si les indices américains perdaient -2,5%, cela serait très comparable au repli cumulé des places européennes au cours des dernières 48 heures et resterait de l’ordre de la consolidation technique et non du vent de panique.
Après une hausse linéaire de presque six mois avec 25% gagnés par le Nasdaq, la secousse risque cependant de s’avérer plus violente si des seuils de soutien stratégiques étaient enfoncés : les 2 765 points sur le Nasdaq et les 1 315 points sur le S&P 500 en font partie.
▪ Pas de rupture baissière majeure à déplorer en Europe. Le repli des indices boursiers y est resté relativement modéré, comme en témoigne l’Eurotop 100 avec ses 0,52% de repli ou l’E-Stoxx 50 qui lâchait au pire 0,95% — le CAC 40 cédant 1,15% au contact des 4 050 points.
Un très bon indice de confiance du Conference Board (qui bondit de 64,8 vers 70,4) avait permis au CAC 40 de ramener sa perte à moins de 0,5%. Cependant, Wall Street ayant montré souvent plus d’enthousiasme en découvrant de mauvais chiffres que des indicateurs positifs ces derniers mois, il poursuit dans la même veine en retombant au plus bas du jour vers 17h30 (score identique à la mi-séance).
Ceci explique une fin de séance plutôt laborieuse et un score de -1,15% pour le CAC 40. Il en a terminé au contact des 4 050 points, contre 4 027 points au plus bas.
Le DAX n’a lâché que -0,05%… Cette surperformance détonne et suscite pas mal de questionnements dans un concert européen unanimement baissier, où Madrid et Milan ont perdu plus de 1% et Zurich 0,9%.
▪ L’écart qui pourrait susciter le plus de commentaires concerne le VIX (évoqué vendredi dernier dans le Billet du Trader). Il a littéralement explosé de 30% et refranchi le palier technique des 20.
Même en tenant compte d’un repli de 2,75% du Nasdaq et d’une clôture du S&P très exactement sur le palier des 1 315 points, le baromètre du stress fait un bond qui peut apparaître disproportionné.
Il peut s’agir d’un pic sans lendemain. En cas de rechute sous le seuil technique des 18, il s’agira d’un simple bruit parasite dans un processus de décrue moyen terme assez tranquille depuis septembre 2010.
Si le cap des 20 n’est pas refranchi à la baisse sur le VIX d’ici la fin de la semaine, nous pourrions tenir le signal de baisse que Ben Berkane et ses complices de Wall Street se sont efforcés d’empêcher depuis le 1er janvier.
Le Nasdaq est de retour au contact de son zénith du 31 octobre 2007 ; le S&P a doublé en moins de 23 mois — un exploit sans précédent depuis l’envolée historique de septembre 1953 à septembre 1955. Compte tenu de ces éléments, nous sommes convaincu que nombre d’acteurs ayant exploité au mieux les 2 500 milliards de dollars de liquidités déversées par la Fed dans l’intervalle ont engrangé plus qu’ils ne pouvaient l’espérer… avec des séries gagnantes qui relevaient quasiment du miracle.
Avec un ratio de six séances de hausse pour une seule de repli au cours des six derniers mois (alors que le ratio historique d’un marché haussier est plus proche de cinq contre trois en année pleine), imaginez quel cauchemar boursier se profile si nous assistons à un retour à la moyenne (en glissement annuel) au cours des six prochains mois ! Les « ours baissiers » restés trop longtemps enfermés sans nourriture dans leur cage n’ont pas fini de rugir…
Wall Street vient d’aligner 24 semaines positives sur 28 : les 24 prochaines pourraient se décomposer en 18 semaines de correction et six de rebond technique !