La Chronique Agora

Le secteur auto met le turbo…

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… mais gare à la panne boursière si la batterie se décharge trop vite !

Quel début d’année pour l’automobile : pas moins de quatre actions du secteur (constructeurs ou équipementiers) se classent dans le top-10 du SBF-120 depuis le 1er janvier : Faurecia s’est envolé de 25%, Renault de 19%, Valeo de 15%, Plastic Omnium de 14%… et Michelin est dans le top 20 avec 11%.

Aucun secteur n’a fait mieux jusqu’à présent !

Et il ne s’agit pas d’un rattrapage après un quatrième trimestre raté, puisque Faurecia s’envole de 60% depuis début octobre, et Michelin de 30%.

Mais qu’est-ce qui justifie un tel engouement ?

Interminable trajet

Il faut afficher une foi inébranlable dans un avenir radieux, car les ventes d’automobiles ont chuté de 7,8% en 2022. Vont-elles rétablir la balance en 2023 ? Est-ce que ce sera l’année du boom des véhicules électriques ?

Les immatriculations de véhicules hybrides ou 100% électriques ont fait un bond de 71,5% et 46% respectivement en 2022… mais qui, avec des taux qui grimpent et un pouvoir d’achat en berne, a vraiment les moyens de s’offrir le délicieux sentiment d’être l’ami de la planète, en oubliant que 50% de l’électricité qui permet de recharger son véhicule la nuit en Allemagne est produite au charbon, et à 40% au gaz au Texas, en Floride et en Californie ?

Par ailleurs, combien cela coûte-t-il de verdir ses trajets ?

Au minimum 25 000 à 30 000 €… et il ne faut pas espérer pour ce prix-là partir en week-end à plus de 200 km de chez soi, et en espérant qu’une borne de recharge soit disponible à l’arrivée, sinon vous ne pourrez pas aller rendre visite à des amis, réserver dans un restaurant ou aller faire du shopping s’il faut faire 20 km de plus une fois que vous aurez posé vos bagages.

A ces prix d’entrée de gamme, et donc 200 à 250 km d’autonomie, cela exclut de faire un trajet Paris-Lyon, Lille-Strasbourg ou Bordeaux-Marseille sans prévoir une halte de 60 à 90 minutes pour recharger. Et, pour un Paris-Val d’Isère ou un Nantes-Nice, il faut prévoir deux arrêts, ce qui augmente de 50 à 60% le temps de parcours…

Autrement dit, une journée passée en voiture et sur les aires d’autoroute, ce qui est compliqué à gérer avec des enfants : tout le monde arrive épuisé.

Stellantis revendique le titre de premier constructeur de véhicules particuliers électriques en France, avec une progression des ventes à deux chiffres (37%) de cette catégorie « zéro émission » par rapport à 2021 (la e-208 est le modèle le plus vendu du groupe avec 88 821 exemplaires en 2022) mais il est difficile de considérer qu’il s’agit d’un solide « relai de croissance », car Stellantis a perdu des parts de marché partout dans le monde.

Où seront les clients ?

Sa part de marché dans l’UE30 représente 19,2%, en baisse de 90 points de base par rapport à 2021. L’Amérique du Nord résiste un peu mieux avec une part de marché de 10,8% (via Chrysler et Jeep), en baisse de 20 points de base par rapport à 2021 (la part de marché pour les seuls Etats-Unis étant en baisse de 70 points de base à 11,1%).

Le repli le plus inquiétant se situe en Amérique du Sud : Stellantis reste leader, avec une part de marché de 22,6%, mais celle-ci chute de 150 points de base par rapport à 2021 (au profit de Volkswagen et Toyota notamment).

Son rival Renault place quatre de ses modèles dans le « top 5 » des centes en France : certes, la 208 reste en tête, mais les suivantes sont la Dacia Sandero devant la Clio, le Dacia Duster, la Renault Captur.

Ce qui plaît aux investisseurs chez Stellantis, c’est surtout la logique qualitative (la « marge »), plutôt que quantitative (Renault/Nissan).

Mais, pour illustrer l’impact de l’inflation et de la logique de « marge », l’exemple le plus frappant, c’est la Dacia Sandero 3, dont le prix en version de base est passé de 9 990 € à quasiment 11 500 €, soit une augmentation de 15%.

Combien de clients vont pouvoir suivre un tel rythme, avec un coût du crédit qui a doublé et va encore progresser jusqu’à mi-2023 au minimum ?

L’autonomie patine

Même si les mairies écologistes des grandes métropoles mettent les bouchées doubles pour bannir les véhicules thermiques des centres-villes, quel pourcentage de français va disposer des moyens de remplacer un véhicule valant de 10 à 15 000 € par un électrique qui coûtera au minimum 21 550 € pour une e-Twingo (190 km d’autonomie), ou bien par exemple 32 000 € pour une Opel e-Corsa, 33 250 € pour la Peugeot e-208 (la plus vendue), 36 300 € pour la Citroën e-C4, et 38 900 € pour une Honda e-Advance (avec moins de 200 km d’autonomie !).

Ce dernier exemple résume à lui seul l’imposture des véhicules zéro émission : trois fois plus chers que le modèle de base équivalent en thermique, trois fois moins d’autonomie… car celle indiquée par les constructeurs, c’est avec une température optimale de 19°, sur du plat, sans la climatisation ou la radio.

Avec des températures négatives, retranchez 33% d’autonomie (la batterie est 20% à 25% moins efficace et le chauffage va pomper 10% des KWh embarqués), ce qui signifie qu’avec 200 km « constructeur », vous parcourez péniblement plus de 135/140 km en période froide. Les Norvégiens et les Finlandais en savent quelque chose, mais ceux qui habitent la Floride sont probablement très satisfaits.

Si vous habitez à 60 km de votre lieu de travail, s’il y a des côtes, des bouchons sur votre trajet ou qu’il vous faut faire un détour, le retour à la maison n’est pas garanti : chaque kilomètre parcouru fait s’amplifier le suspense.

Pour bénéficier d’une autonomie réelle de 230 à 250 km (soit 350 km « constructeur »), pas un seul modèle ne coûte moins de 45 000 €.

Alors que n’importe quel modèle thermique à 15 000 € pas trop « gourmand » vous permet de parcourir 600 km quelles que soient les conditions météo et avec la climatisation à fond.

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