La Chronique Agora

Napoléon : les secrets de famille

Paris Napoléon Emile Moreau

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Nous étions de passage à Paris pour la Pentecôte.

Nous avons dîné dans une brasserie de quartier, rue de la Tour-Maubourg. Brillamment éclairée, avec des stores rouges et des cuivres luisants, elle est généralement pleine de vie, de bruit et de gens. Samedi, nous étions aussi seul qu’un libertarien — le seul convive de l’endroit.

« Ce n’est pas seulement le jour férié », nous a dit un chauffeur de taxi. « C’est comme ça depuis les attentats de novembre. On vit du tourisme… et les touristes ne viennent plus ».

Il n’y avait pas la moindre file au Musée de l’Armée, aux Invalides, que nous sommes allé visiter. L’endroit abrite une grande collection d’objets militaires.

On pourrait y passer des semaines à étudier des siècles et des siècles de gaffes pompeuses et de désastres majestueux. Mais nous avions une destination particulière et un objectif spécifique.

Nous explorions des secrets de famille…

Mythes et héros

Chaque nation… chaque peuple… a besoin de ses mythes, de ses légendes et de ses héros.

Pendant un temps, Napoléon Bonaparte a semblé prouver que la France était « le pays d’exception ».

La nation avait la culture la plus avancée au monde… le gouvernement le plus progressiste… les meilleurs art et architecture… et ses armées quasi-invincibles, menées par le Hannibal de son époque, le grand génie militaire — l’empereur Napoléon 1er.

Il a réussi à recréer le Saint-empire romain, rassemblant l’Europe sous un joug unique près de 200 ans avant l’Union européenne

Il a réussi à recréer le Saint-empire romain, rassemblant l’Europe sous un joug unique près de 200 ans avant l’Union européenne.

Mais après la catastrophe en Russie — ayant envahi le pays avec 400 000 soldats, il est revenu avec moins de 40 000 — la Grande Armée française ne semblait plus si grande. Et son commandant en chef ne semblait plus aussi génial.

Les mythes tiennent les nations. Mais qu’est-ce qui tient les mythes ?

Ah, cher lecteur, nous aimerions bien le savoir. Pour Napoléon, le désastre suivant fut Waterloo, où il se retrouva pris entre l’enclume de Wellington et le lourd marteau de Blücher.

C’est alors que ses amis et partisans l’abandonnèrent… le laissant aux tendres soins de l’armée britannique. Il fut donc envoyé sur une minuscule île de l’Atlantique sud — Sainte-Hélène.

Le pays le plus proche de Sainte-Hélène est l’Afrique du Sud. C’est de là qu’était originaire l’épouse d’un lointain cousin… une femme que nous avons rencontrée il y a des années à Londres, alors qu’elle était déjà nonagénaire.

« A la mort de Napoléon », nous a-t-elle expliqué, « mes ancêtres — qui étaient avec lui sur cette épouvantable île — ont émigré en Afrique du Sud pour se lancer dans la viticulture. Ils ont très bien réussi ».

« Le grand’père de ma mère était le fils d’Henri Bertrand, le général favori de Napoléon. Le général a tout partagé avec l’empereur… même son exil ».

Un exil partagé

Aux Invalides, une exposition est consacrée à « Napoléon à Sainte-Hélène ».

Les conservateurs ont rassemblé les meubles, livres et effets personnels de sa période d’exil dans l’Atlantique sud. On peut également voir un film montrant l’île qui lui servait de prison, et la maison que les Britanniques lui avaient préparée.

L’époque était plus civilisée. Sainte-Hélène n’était pas Guantanamo

L’époque était plus civilisée. Sainte-Hélène n’était pas Guantanamo. La maison était agréable, confortable et presque élégante. Il y avait des jardins et des vergers… et une vue sur la mer lointaine.

Nous avons vu les vêtements de nuit de Napoléon, soigneusement pliés sur le dossier d’une chaise orientale. Nous avons vu ses livres et son secrétaire. Nous avons vu sa baignoire… et sa table de billard.

Et puis nous avons vu ce que nous recherchions.

Il y avait deux tableaux représentant la mort de Napoléon. Tous deux montrent la même scène : un petit groupe s’est rassemblé autour de l’empereur sur son lit de mort. La seule femme du groupe, la comtesse Bertrand, est particulièrement visible, avec ses enfants.

Le général Bertrand est assis à côté du lit, jambes croisées, l’air angoissé. Sa femme est debout, penchée vers le mourant, ses deux petits-enfants à ses côtés.

« Je suis peut-être l’une des dernières à le savoir », nous a dit la vieille dame, « mais à vous, je peux le dire, comme vous êtes de la famille. Au cours des ans, de nombreuses personnes se sont demandées pourquoi le général Bertrand avait suivi Napoléon en exil avec sa femme et ses enfants. Il n’y était absolument pas obligé ; il n’avait pas été banni ».

« Mais ma mère m’a dit que le général Bertrand partageait tout avec Napoléon. Même sa femme ».

La vieille dame baissa les yeux. Un petit sourire passa sur ses lèvres ridées.

« Vous savez comment sont les Français ».

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