▪ « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe ! l’Europe ! l’Europe !… mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien ».
Cette célèbre sortie du Général de Gaulle, en 1965, est encore d’actualité aujourd’hui… et même plus que jamais, au vu du nombre de cabris qui sautillent du FMI à la BCE. Et nulle part ne sont-ils plus nombreux en ce moment qu’en Espagne, comme le rappelait Bill hier :
« Lorsque nous sommes parti, la Grèce était en difficulté. Maintenant, c’est l’Espagne. Il semble que l’Espagne ait pu emprunter de l’argent ce week-end. Mais le coût en est plus élevé ; la dette espagnole rapporte désormais plus de 6%. A 6%, selon les experts, les pays européens peuvent encore tenir le coup. Mais si la dette passe à 7%, en revanche, les carottes sont cuites ! »
« Nous sommes stupéfait de voir que la dette espagnole n’est pas déjà à 7% ou plus. Ces pays auraient dû faire faillite il y a des années. La seule manière de l’éviter, maintenant, c’est de promettre des choses impossibles. Les baisses de dépenses — des mesures d’austérité — sont solennellement mises au budget. Ces pays réduisent leur PIB, réduisent l’emploi, font passer les partis d’opposition à de nouveaux sommets en matière d’absurdité et de notoriété. Et jamais ils n’atteignent tout à fait leurs objectifs ».
▪ Pendant combien de temps encore la Banque centrale européenne pourra-t-elle leur sauver la mise ? Parce que comme l’expliquait Frédéric Laurent aux lecteurs de Vos Finances en début de semaine, l’ardoise commence à se faire très, très, très lourde — et les problèmes se multiplient au lieu de s’apaiser.
« Les petits pays européens dont on parlait moins ces derniers temps refont surface. […] L’Irlande vient de demander à sauter une échéance de remboursement de 3 milliards, ce qui embarrasse bien la BCE dans son action ».
« Côté portugais ? Même si les autorités continuent à écarter tout besoin d’aide européenne, certaines tensions ressurgissent en arrière-plan. D’après un responsable de l’association des municipalités portugaises, si le gouvernement ne fait rien, le défaut pourrait être de neuf milliards — d’autres analystes évoquent plutôt 12 milliards. […] L’appel à l’aide à l’Europe et son mécanisme de stabilité deviendra bientôt incontournable ».
Et, insiste Frédéric, notre beau pays n’est pas à l’abri : « [La France] est en pleine période électorale. Beaucoup de promesses de la part de chacun, mais aucune réelle volonté de réduire les déficits. Les marchés ne sont ni de droite ni de gauche, mais ils sont prêts à sanctionner tout écart de trajectoire sur le chemin de la réduction de la dette et des déficits ».
▪ La sanction pourrait leur être d’autant plus facile qu’ils disposent désormais d’un nouvel outil extrêmement controversé : l’OAT sur les obligations du Trésor français par Eurex, filiale de la Deutsche Börse.
Protestations immédiates et sauts de cabri (encore !) un peu partout dans le Landerneau politique français. Sauf que… nos représentants se sont emballés un peu vite, comme le démontrait Mory Doré dans un excellent article publié cette semaine dans La Quotidienne d’Agora.
Eclaircissements :
« Ce produit financier est on ne peut plus simple dans sa compréhension et n’a absolument rien à voir avec des produits structurés toxiques à effet de levier que l’on a vu naître il y a quelques années comme les titrisations à base de dérivés de crédit. Il s’agit d’un contrat à terme permettant de se couvrir contre une baisse des emprunts d’Etat français de la zone 7-10 ans (donc une hausse des taux) ».
« Il peut être tout à fait utile à un investisseur institutionnel français qui gère l’épargne de millions de citoyens et qui anticipe pour de bonnes ou de mauvaises raisons (sans attaques spéculatives particulières) une hausse des taux à long terme sur la dette publique française. Cet investisseur viendra alors, par exemple, vendre un nombre de contrats à terme échéance six mois équivalent à la position d’OAT du Trésor français qu’il souhaite couvrir. Il y a toute une technique arithmétique pour calculer le nombre de contrats à négocier en déterminant la corrélation à un instant donné entre les obligations à couvrir et l’instrument de couverture ».
« Si au bout des six mois, les taux d’intérêt ont effectivement monté, les pertes de valeur enregistrées sur le portefeuille de titres d’Etat français détenus auront été compensées par des gains sur les contrats à terme ».
« Notre investisseur aura ainsi protégé la rentabilité de l’épargne investie. Si d’aventure les taux baissaient et donc les contrats à terme montaient, les pertes sur les contrats seraient neutralisées par une revalorisation du portefeuille d’obligations détenues ».
« De même, un investisseur qui anticipe dans trois mois une forte baisse des taux d’intérêt (donc une hausse des obligations) sur la dette publique française et qui sait qu’il aura des programmes de souscription importants de titres d’Etat français à mettre en place pourra alors décider d’acheter le nombre de contrats à terme nécessaire ».
« Si son anticipation se réalise, le manque à gagner sur les investissements futurs en titres d’Etat à des rendements plus faibles sera compensé par des gains sur les couvertures négociées en achetant les contrats à terme. Si ces anticipations se révèlent erronées, les pertes sur les couvertures vont être neutralisées par ses investissements à des rendements plus élevés ».
« On comprend alors mieux l’utilité d’un tel produit mais c’est tellement plus payant électoralement que de ressortir l’hydre de la spéculation (on verra plus loin ce qu’il faut vraiment entendre par spéculation) ».
« Serait-il criminel de vouloir sauvegarder les rendements d’une partie de l’épargne de millions de Français ? » se demande Mory.
Il est vrai qu’un instrument financier n’est que ce que l’on en fait — un outil de spéculation effrénée… ou un moyen efficace de se couvrir. Tout dépend de qui l’a en main !
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora