La Chronique Agora

La rumeur sur le dossier grec fait s’envoler les indices (encore)

▪ « Ils » nous ont refait le coup classique de « la Grèce sera sauvée la nuit prochaine », et hop… le tapis volant est repassé au-dessus de la cime des arbres — et le Dow Jones par-dessus les 12 900 points !

Le CAC 40 reculait de 0,65% vers 3 383 points lorsqu’une nouvelle rumeur d’un accord imminent entre la Troïka et la Grèce a commencé à circuler. Il n’aura pas fallu plus d’un quart d’heure pour que Paris efface la totalité de ses pertes, redevienne positif et progresse de 0,18% à 3 411 points en clôture.

▪ Une rumeur qui tombe au bon moment
Inutile de vous demander qui a lancé la rumeur. Il vous suffit de savoir qu’elle s’est matérialisée à 90 minutes de la clôture, largement de quoi ramener les indices de la Zone euro dans le vert et propulser les indices américains vers de nouveaux records annuels.

Le Nasdaq, par exemple, aligne une vingt-quatrième séance positive sur une série de 32. N’allez pas croire que cela reflète un ratio somme toute classique de trois hausses pour une baisse. En effet, en dehors de la consolidation du 28 décembre (-1,3%) et les -0,5% des 13 et 26 janvier, les opérateurs n’ont en fait le choix qu’entre hausse et non hausse au sein d’un canal ascendant d’une perfection géométrique tout simplement bluffante.

Les stratèges tentent de nous convaincre que le marché reflète la psychologie des opérateurs. Vous avez déjà vu des investisseurs payer le marché 29 fois sur 32 et ne jamais laisser la moindre consolidation se dessiner pendant plus de sept semaines ? Et ce malgré des chiffres de croissance pourris et des trimestriels globalement en-deçà des attentes…

Même un parfait crétin qui viendrait de gagner la super-cagnotte de l’Euromillion et qui n’aurait jamais touché aux actions de sa vie ne saurait s’acharner à ramasser du papier de façon aussi systématique, en vertu du principe que « chaque fois que ça gagne, on rejoue ».

Celui qui gagne l’Euromillion sait qu’il a eu un coup de chance phénoménal. S’il se met à gagner au blackjack sept fois sur huit alors qu’il n’y connaît rien, ce n’est plus du bol, c’est que le jeu est truqué.

Le VIX — qui poursuit sa décrue sous les 18 (et jusque vers 17,5) — serait le reflet de la confiance de ce benêt ? Iriez-vous miser vos économies à la même table que lui en vous fiant à une statistique qui vous assure d’une probabilité de 82,5% de faire un gain à la prochaine « donne » ?

▪ Le jeu est truqué
La réalité, c’est que personne ne joue — les volumes inexistants des sept dernières séances le démontrent. Tout le monde sait que ce qui se trame, c’est complètement bidon : le « benêt qui gagne à tous les coups » et fait baver d’envie les épargnants, c’est bien joli… mais la ficelle est un peu grosse.

Alors la majorité des gérants dotés d’un minimum de bon sens le laissent s’engraisser. Ils savent pertinemment que le casino lui reprendra tout cet argent, soit en lui proposant un banco où il perdra tout, soit en l’accusant de tricher — parce que gagner plus de deux fois sur trois, c’est fort suspect !

Mais ce qui reste le plus difficile à déterminer, c’est l’heure et la minute du dernier coup. C’est la direction du casino (comprenez la Fed) qui dit « stop » ; le croupier, quant à lui, distribue deux fausses cartes au chanceux de service qui se fait ratisser avec le sourire, croyant à un simple accident.

Il pourrait rejouer 10 fois, les 10 fois suivantes il perdrait, jusqu’à ce que sa « confiance » soit si basse qu’il n’ose même plus prononcer le mot « carte »… de peur que le VIX n’explose vers 50 !

▪ Dossier grec et recapitalisation des banques : les sujets qui fâchent
Le gri-gri du moment, vous l’avez bien compris, c’est le dossier grec. Dès qu’une signature sera enfin apposée au bas d’un traité (mal ficelé et inapplicable), le marché aura tout le loisir de s’intéresser au plan de recapitalisation des banques européennes. Ce dernier va être retoqué aux 70 milliards d’euros du déficit commercial français… aux sept millions de travailleurs pauvres allemands qui n’achètent pratiquement rien en Europe et presque tout en Chine… aux Portugais qui n’ont plus les moyens d’acheter quoi que ce soit à personne et qui marchent sur les traces de la Grèce avec des taux à 14%.

Mais tout ceci n’est que peccadille puisque la BCE s’apprête à offrir aux banques un second LTRO (servez-vous messieurs, c’est de l’argent à 1% et c’est cadeau)… et la Fed un troisième QE à Wall Street. Quant à la Banque du Japon, elle a promis d’inonder l’Archipel de yens pour conjurer la récession.

Les détenteurs d’or se frottent déjà les mains. Les producteurs de pétrole passent en revue la liste des clubs de foot les plus prestigieux  à racheter en priorité. La Chine se dit qu’elle ne peut plus que compter sur le dragon pour carboniser en vol la mousson de billets de Monopoly que promettent de déverser les banques centrales occidentales en 2012.

Si tout cet argent venait à toucher le sol, il agirait comme un puissant fertilisant spécial inflation.

▪ L’Allemagne sera-t-elle touchée par l’inflation chinoise ?
Pékin n’aurait plus qu’à ressortir tout son arsenal de hausse des réserves bancaires et de restrictions sur le crédit. Shanghai ne s’y trompe pas et ne décolle pas depuis le 1er janvier : le risque ultime serait un relèvement pur et simple des taux directeurs avec une quasi-certitude de voir la bulle immobilière chinoise éclater et la croissance retomber brusquement en dessous des 5% par an.

Si tel était le cas, ce n’est pas Madrid ou Lisbonne qui subiraient l’onde de choc… mais Berlin.

Peut-être faudrait-il se hâter plus lentement de converger avec notre voisin d’outre-Rhin ?

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