La Chronique Agora

Robert Kirby et le portefeuille « bocal à café »

richesse

▪ « Avez-vous déjà entendu parler du portefeuille bocal à café ? »

Je déjeunais avec Preston Athey, l’excellent investisseur à l’origine du Small-Cap Value Fund, de T. Rowe Price, lorsqu’il me posa cette question.

J’en avais entendu parler, ce qui je crois le surprit un peu parce que je n’avais que douze ans lorsque cette idée fit son apparition et qu’elle n’est pas très connue. Cependant, je la connaissais parce que le portefeuille bocal à café est l’une des ces idées classiques que les fans de la finance n’oublient pas.

Je me propose de vous expliquer ce type de portefeuille dans les lignes qui suivent. Il n’existe rien de plus facile ni de plus efficace pour gérer ses actions. Je voudrais également vous demander votre aide pour un petit projet suggéré par Preston.

Tout a commencé avec Robert Kirby, alors gestionnaire de portefeuille chez Capital Group. Il écrivit pour la première fois à propos de l’idée du bocal à café à l’automne 1984 dans le Journal of Portfolio Management. « Le concept du portefeuille bocal à café tire ses origines de l’Ouest américain, lorsque les gens mettaient ce qu’ils avaient de plus précieux dans un bocal à café et le cachaient sous leur matelas », écrit Kirby. « Le succès de cette méthode dépendait entièrement de la sagesse et de la prévoyance utilisées pour sélectionner les objets placés dans le bocal à café ».

L’idée est assez simple : il faut trouver les meilleures actions possibles et ne plus y toucher pendant 10 ans. Ce type de portefeuille n’entraîne quasiment aucun frais et il est très facile à gérer. Toutefois, le plus gros avantage est un peu plus subtil et intéressant. Il fonctionne parce qu’il empêche vos plus bas instincts de vous faire du mal. Dans cet article, Kirby raconte comment cette idée lui est venue.

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« L’idée du bocal à café m’est venue pour la première fois dans les années 1950 », écrit Kirby. A cette époque, celui-ci travaillait pour une grande entreprise qui conseillait les individus sur leurs investissements. Une des ses clientes, avec qui il travaillait depuis 10 ans, se retrouva soudainement veuve. Elle hérita du portefeuille d’actions de son mari et elle le laissa au soin de Kirby. En étudiant le portefeuille, Kirby écrit :

« Je fus amusé de trouver qu’il avait en secret adopté les conseils que nous avions donnés pour le portefeuille de sa femme. Lorsque j’ai regardé la taille de la succession, ce fut un choc. Le mari avait appliqué une petite astuce de son cru à nos conseils : il ne tenait aucunement compte de nos recommandations de vente. Il s’était contenté d’investir près de 5 000 $ dans chaque conseil d’achat. Puis il déposait le certificat dans son coffre-fort et l’oubliait ».

▪ Le triomphe de la paresse
C’était merveilleux. Certes, son portefeuille comportait un certain nombre d’échecs, d’une valeur de 2 000 $ environ. Des petites positions. Mais il avait également quelques grosses positions d’une valeur de 100 000 $ chacune. Cependant, le plus beau était qu’il avait une énorme position de 800 000 $ qui à elle seule était plus grande que la valeur totale du portefeuille de sa femme. Comme l’écrit Kirby, « [elle] venait d’un petit engagement dans une entreprise appelée Haloid ; cette dernière s’avéra correspondre à des millions d’actions de Xerox ».

Voilà une histoire édifiante, le triomphe de la léthargie et de la paresse. Elle montre clairement comment le portefeuille bocal à café est conçu pour vous protéger de vous-même — l’obsession de vérifier le cours des actions, les frénésies d’achat et de vente, les lamentations sur l’économie et les mauvaises nouvelles. Cela vous oblige à allonger votre horizon temporel. Vous ne mettez dans votre bocal à café que ce qui selon vous sera un bon pari à 10 ans.

Le pauvre Kirby avait géré avec zèle le compte de l’épouse — courant après les publications de résultats, réduisant la voilure sur certaines actions et ajoutant de nouvelles positions. Il aurait gagné plus d’argent s’il avait suivi le credo du paresseux et s’était contenté de garder ses investissements.

Cet exemple me rappelle le travail de Thomas W. Phelps, un de mes théoriciens de l’investissement préférés, aujourd’hui oublié. Comme Kirby, Phelps croyait lui aussi au pouvoir « d’acheter à bon escient et de garder ».

Pourquoi n’y a-t-il pas plus de gens qui gardent leurs actions ? Selon Phelps, les investisseurs ont été conditionnés pour mesurer la performance du cours des actions tous les trimestres ou tous les ans, mais pas la performance de l’entreprise. Un exemple mémorable qu’il utilise (parmi d’autres) est Pfizer, dont l’action a chuté entre 1946 et 1949 et à nouveau entre 1951 et 1956. « Les clients axés sur la performance auraient enguirlandé un conseiller en investissement qui les aurait gardées », écrit Phelps. Mais les investisseurs qui l’ont fait entre 1942 et 1972 ont gagné 141 fois leur mise de départ.

Phelps montre que si on se contentait de regarder les chiffres financiers annuels de Pfizer — en ne tenant pas compte des informations, du marché boursier, des prévisions économiques et de tout le reste — vous n’auriez jamais vendu l’action. Elle fut rentable durant toute cette période, générant de bons retours sur investissement, avec des bénéfices grimpant toujours plus haut de façon intermittente. Pfizer était une bonne action de bocal à café.

Quelles actions mettriez-vous donc aujourd’hui dans votre bocal à café ?

Preston Athey propose Markel (MKL). Markel, un assureur, présente des résultats sur le long terme très intéressants. Depuis 1990, ses investisseurs sont en hausse de plus de 2000%. Ne vous laissez pas décourager par le prix élevé. Comme l’a fait remarquer Preston, Markel est comme un petit Berkshire Hathaway. (La célèbre entreprise de Warren Buffett s’échange à 132 000 $ l’action !) La clé est ce que vous obtenez pour ce que vous payez. MKL s’échange à seulement 1,2 fois sa valeur comptable, comparé à une moyenne historique long terme de deux fois. Les titres des assureurs sont en petite forme. Et alors que le cycle tourne, soyez prêt à gagner : non seulement la valeur comptable de MKL augmente mais le marché retourne les meilleurs facteurs sur ce marché.

Je songe de plus en plus au portefeuille bocal à café et à ce que je pourrais y mettre. Et vous ? Quelle(s) action(s) mettriez-vous dans votre bocal ?

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