▪ Il y a du nouveau, cher lecteur. Du nouveau qui est en fait de l’ancien — refaisant surface pour gâcher le bel été européen que s’étaient promis les marchés.
Il s’agit bien entendu de la crise de la Zone euro, maintes fois enterrée, finie, dépassée, derrière nous… mais qui revient hanter les autorités comme le fantôme suppliant Hamlet de passer à l’action.
Philippe Béchade nous l’expliquait jeudi :
"La méthode Coué a ses limites : répéter à l’envi que la Zone euro est tirée d’affaire et qu’elle est à l’abri des turpitudes obligataires grâce au verbe magique de Mario Draghi ne suffit pas !"
"Les difficultés économiques et budgétaires ne disparaissent pas par enchantement simplement parce que les marchés traversent une zone d’accalmie de quelques mois. La récession risque de se prolonger en 2014 ; le taux de chômage des jeunes restera durablement le pire de l’après-Deuxième guerre mondiale".
"Nous assistons à l’éclatement d’un nouvel épisode de la crise politique qui couvait au Portugal depuis le début de l’année. Il prend rapidement une dimension beaucoup plus préoccupante pour les marchés avec la perspective d’un éclatement quasi-inéluctable de la coalition gouvernementale de M. Coelho. On constate également une incertitude majeure concernant la poursuite de la rigueur voulue par Berlin et Bruxelles".
▪ Bien entendu, "Super Mario" est monté au créneau. Le président de la Banque centrale européenne n’allait pas laisser son château de cartes s’effondrer ainsi… Il a donc annoncé — ce qui est sans précédent, la BCE ne prenant normalement jamais d’engagement sur l’avenir — que les taux directeurs "resteront aux niveaux actuels ou plus bas pendant longtemps".
Cela a suffi aux marchés. Est-ce que ça suffira pour les banques et l’économie ?
On peut en douter. Je fais appel aux lumières de Simone Wapler pour mettre en relief la gravité de la situation actuelle :
"[…] le lien entre banques et Etats n’est pas rompu. Les Etats sont toujours surendettés et les banques toujours trop grosses pour faire faillite. La différence par rapport à 2008, c’est que maintenant tout le monde sait que les Etats sont surendettés et donc incapables de sauver les banques".
Les banques ne sont pas sûres, insiste Simone. "Elles sont très vulnérables à la fuite des dépôts, à la remontée des taux des obligations souveraines, à des pertes sur les marchés puisqu’elles se livrent à des opérations spéculatives pour compte propre. En effet, elles ne prêtent plus mais il faut bien qu’elles gagnent de l’argent. Elles jouent donc l’argent créé à partir de rien par les banques centrales sur les marchés. Mais si les mises sont mauvaises, les banques se retrouvent dans de sales draps".
▪ Là encore, il y a du nouveau. En 2008, ce sont les Etats qui sont intervenus pour sauver les banques. Cette fois-ci, on se passera même de cet écran de fumée : "tout l’enjeu des nouvelles réglementations", continue Simone, "consiste à mettre en place des mécanismes pour que les nouveaux sauvetages soient financés par… vous".
Autrement dit, comme je l’avais déjà avancé dans une précédente Chronique, tout se passe effectivement comme si Chypre avait servi de ballon d’essai. Certes il y a eu des remous… mais somme toute, rien qui ne soit pas maîtrisable.
On peut donc passer à l’étape suivante et élargir l’expérience. Après les bail out, préparez-vous, cher lecteur, à ajouter un nouveau mot à votre vocabulaire : le bail in des banques. Simone à nouveau :
"Bail in = pertes couvertes par vous en tant que déposant + par vous en tant que contribuable s’il reste encore des pertes à couvrir".
"Nous ne sommes plus dans le cas […] de Dexia (casse absorbée par l’Internationale des contribuables via la Banque centrale européenne et les contribuables belges et français via des émissions de dettes de ces pays)".
En cas de nouvelle crise bancaire — et les possibilités sont bel et bien réelles –, vous risquez désormais un prélèvement de 8% (voire plus si nécessaire) sur vos dépôts au-delà de 100 000 euro… mais aussi un gel momentané de tous vos dépôts, le temps que le bail in se mette en place.
Pas de questions, pas de nuances. Les Etats sont au pied du mur… et c’est vous qui paierez la casse.
N’attendez pas d’en arriver là pour prendre quelques précautions. Or physique en dehors du circuit bancaire, répartition de vos actifs — des solutions existent : il suffit de les appliquer !
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora