La Chronique Agora

Richesse et immobilier, attention au piège !

▪ Nous reprenons le sujet que nous avons lancé depuis quelques jours — un hommage à la pauvreté. Certains lecteurs ont suggéré que cette série est à prendre au second degré, ou l’ont taxée d’hypocrisie. Mais nous sommes parfaitement sérieux. La pauvreté a ses avantages — le premier étant qu’on n’a pas besoin de vivre dans un palais.

Comme le dit T. Boone Pickens, "l’argent n’est qu’un moyen de compter les points" dans la vie. Mais prudence : les "gagnants" sont souvent les plus grands perdants.

Nous avons été riche et nous avons été pauvre. Mieux vaut être riche… mais il s’en faut de peu. Et c’est uniquement parce que ça vous aide à apprécier la pauvreté. Lorsqu’on finit par gagner enfin de l’argent, on réalise que ce n’est de loin pas aussi incroyable qu’on aimerait le faire croire.

Pour chaque verre que la richesse aide à remplir, elle en vide un autre. Elle nous donne plus de liberté d’aller et venir à notre guise. Mais plus nous allons et venons, plus nous voulons rester sans bouger. Elle nous donne plus de pouvoir d’achat — mais plus nous achetons de choses, plus nous voulons nous débarrasser d’autres. Elle nous offre plus de temps libre, mais plus nous en avons, plus il nous pèse.

Il n’y a que trois décisions clé à prendre, dans la vie : ce qu’on fait, avec qui on le fait et où on le fait

Pour chaque chose que la nature donne, elle en reprend une. Rappelez-vous qu’il n’y a que trois décisions clé à prendre, dans la vie : ce qu’on fait, avec qui on le fait et où on le fait. La richesse peut rendre ces décisions plus difficiles. Les riches peuvent faire ce qu’ils veulent, vivre où ils veulent… et, supposons-nous, avec qui ils veulent. Mais nous avons déjà expliqué de quelle manière la richesse peut vous éloigner des choses que vous aimez vraiment faire. Elle peut aussi vous éloigner de l’endroit où vous voulez vraiment être.

▪ Où vivre heureux ?
Durant notre carrière, nous avons acheté un grand château — un vrai, en France, avec 23 chambres. Nous avons également été le propriétaire d’une maison de pierre et de boue que nous avons construite nous-mêmes pour le total de 13 000 $. Devinez laquelle nous a fait le plus plaisir ?

Le château a coûté une fortune. Il était — et est toujours — magnifique. Splendide. A couper le souffle. L’un des derniers grands châteaux construits en Normandie avant la Révolution française, il ressemble un peu à Versailles, avec des proportions classiques parfaites. Mais ce n’est pas un endroit agréable à vivre. On a l’impression de s’être glissé dans un musée fermé le week-end ; on craint de se faire jeter dehors par les gardiens lorsqu’ils viennent travailler le lundi matin.

Notre petit refuge en adobe, d’un autre côté, est un ravissement perpétuel. Nous l’avons construit de nos propres mains (avec l’aide de deux de nos fils) dans le semi-désert argentin. Les pierres étaient gratuites. La boue d’adobe était gratuite. La maison tout entière était gratuite. Pourtant, c’est une merveille. Elle a des plafonds voûtés… des arches… et une coupole au centre. Il y a également une grande cheminée en pierre. Une bonne partie de l’intérieur a été crépie avec la glaise rouge locale. Les textures sont riches et authentiques.

Nous l’avons orientée face au soleil… et nous utilisons cette source d’énergie pour nous chauffer. Pas besoin d’autre carburant. Nous cuisinons sur un feu de bois. Nous chauffons l’eau en la faisant passer par un baril d’acier noir. L’électricité provient d’un petit panneau solaire et d’une unique batterie de 12 volts.

Coût total des charges : approximativement zéro.

Dernièrement, nous nous sommes fait plaisir en construisant des jardins autour de la maison. Il y a tant de pierres que nous avons pu les utiliser pour construire des murs et des terrasses. L’une contient un petit verger. Sur une autre, nous avons mis des vignes. D’autres encore sont remplies de fleurs.

A chaque séjour, nous travaillons dans nos jardins et profitons de la solitude et du calme.

▪ Pris au piège !
Comparez ça au château en France : là, c’est tout juste si nous pouvons toucher quoi que ce soit — c’est un monument protégé !

A mesure qu’on voit sa richesse augmenter, on tend à être attiré vers des endroits plus grands, plus monumentaux… et, en fin de compte, moins satisfaisants

C’est bien là le problème : à mesure qu’on voit sa richesse augmenter, on tend à être attiré vers des endroits plus grands, plus monumentaux… et, en fin de compte, moins satisfaisants. Ils grignotent votre richesse… votre temps… et votre vie.

On est pris au piège du phénomène consistant à voir toujours plus grand en matière d’immobilier. En un rien de temps, on ne possède plus de foyer ; on a un certain nombre de maisons, et ce sont elles qui vous possèdent.

Un foyer, c’est là où l’on vit… où l’on conserve ses biens… c’est un lieu "de coeur". Lorsqu’on achète un monstre immobilier, on n’achète pas un "foyer". On achète pour frimer — non pas pour avoir un endroit confortable où vivre avec sa famille.

Puisque l’endroit est si vaste, il faudra le partager avec du personnel. Il y aura tout le temps du monde autour de vous — réparant les choses, entretenant le gazon, nettoyant la cuisine. Un jardinier, une personne pour la piscine, un plombier… un homme à tout faire… On ne peut pas entretenir seul une telle demeure. Il faut donc entretenir toute une équipe qui entretient la demeure.

Comme une femme qu’on a épousée pour sa beauté, elle en met peut-être plein la vue… mais elle coûte cher.

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