La Chronique Agora

Retour sur la Côte-d'Ivoire, la Mecque du cacao (2)

Nous voyions hier un premier aperçu du secteur du cacao ; aujourd’hui, nous allons un peu plus en profondeur, et nous intéressons aux perspectives…

70% de l’offre vient de tout petits planteurs qui manquent cruellement de motivation
Qui produit les fèves de cacao ? L’ICCO estime que 70% de l’offre est assurée par 2,5 à trois millions de petites exploitations de moins de 5-10 hectares. La production du cacao est donc avant tout une affaire de "petits". Voire de tout petits.

Le temps, c’est de l’argent, et tous deux font défauts aux planteurs. Ce qui les pousse à se précipiter, dès le début de la campagne, pour vendre leur production afin de scolariser leurs enfants qu’ils espèrent ne plus voir travailler dans les plantations. Le soin apporté à l’écabossage, la fermentation, le séchage et le tri qui participent de la qualité des fèves en pâtissent.

Les plantations en souffrent terriblement
Aujourd’hui, témoigne la négociante qui les rencontre très régulièrement, "les planteurs ivoiriens vivotent plus qu’ils ne vivent de leurs fèves". "Les travailleurs du cacao n’ont souvent jamais vu une tablette de chocolat", indique-t-elle.

Les vergers vieillissent et souffrent de défaut d’entretien, les pesticides coûtant chers, tout comme le renouvellement des arbres arrivés en fin de vie — il faut de trois à cinq ans pour qu’une pousse devienne un cacaoyer dont la vie productive est de l’ordre de 25 ans. Parfois en Côte-d’Ivoire, l’hévéa et le palmier à huile s’avèrent plus rentables que le cacaoyer qu’il leur arrive de remplacer. Un arbre chasse l’autre.

Du temps de la Caistab…
Il n’en a pas toujours été ainsi. La Côte-d’Ivoire d’Houphouët-Boigny avait décidé, juste après son indépendance dans les années 60, d’organiser sa filière agricole en la dotant d’une caisse de stabilisation et de soutien des prix des productions agricoles, la Caistab.

La caisse réglementait la filière agricole et achetait aux planteurs, à un prix garanti fixé au début de chaque campagne, leur production de cacao, de café, etc. La caisse "pouvait ainsi vendre les productions à long terme sur une, voire deux campagnes d’avance", indique la dirigeante de Silco. Parallèlement, la Caistab permettait aux exportateurs de travailler autour d’un prix garanti à l’export. Organe régulateur, la Caistab jouait donc un rôle dans la formation des prix.

Implosion et chaos
Puis sous la pression des bailleurs de fonds internationaux dont la Banque mondiale, la Caistab a été démantelée à la fin des années 90, en raison notamment de son opacité et de la corruption. Les ventes à terme sont depuis lors impossibles, la privatisation de la filière ne permettant plus à ses opérateurs économiques de prendre le risque de vendre les récoltes par anticipation.

On n’a jamais eu tant besoin de régulation que quand elle n’est plus là…
Il est vrai que la Caistab était très "imparfaite", précise la négociante. Mais sa disparition "sans aucune mesure d’accompagnement" n’était pas non plus l’idée du siècle. La filière ivoirienne s’est trouvée totalement désorganisée.

Sylvie Bellanger-Guillaume en veut pour preuve qu’en 1995, "seuls 5% des fèves de cacao exportées de Côte-d’Ivoire ne respectaient pas les normes FCC de qualité édictées par la filière cacao, et étaient alors dirigées vers les cosmétiques (savons…), la pharmacopée, etc. Aujourd’hui, ce taux est de 17%, voire 20%".

"Les autorités ivoiriennes essaient de remédier à cet état de fait", commente la négociante, qui précise que la réorganisation de la filière est en cours. A terme, le volume et la qualité du cacao devraient y gagner. Un défi qui ne demande qu’à être relevé !

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