La Chronique Agora

La résolution des problèmes mène vers l’effondrement

La résolution des problèmes par le gouvernement, censée être une solution, peut en réalité devenir le plus gros des problèmes.

Imaginez votre joie ! Votre poitrine se gonfle de fierté, juste avant que le prêtre y enfonce son couteau d’obsidienne et vous arrache le coeur. Vous avez été choisi comme invité d’honneur d’un grand événement. Le vieil empereur est mort. Son fils va prendre la relève. Des sacrifices doivent être offerts.

Les sacrifices humains étaient « ordinaires » en Amérique méso-colombienne. Les Aztèques les pratiquaient à une telle échelle que les historiens n’arrivaient pas à y croire. Ont-ils vraiment sacrifié vingt mille personnes en une seule cérémonie ? Les ont-ils tous mangés ? Et pourquoi ?

Voici ma théorie : il s’agissait d’un problème à résoudre. Le problème était que les habitants de ce que l’on appelle aujourd’hui « l’Amérique centrale » ne disposaient d’aucune source de nourriture domestiquée. Pas de moutons, de bovins ou de porcs qu’ils pouvaient utiliser comme sources de protéines. Ils se sont donc nourris les uns les autres.

Plus précisément, les élites et leurs partisans favoris ont mangé les non-élites. Ils exploitaient les groupes moins puissants (souvent des captifs d’autres tribus).

Nous n’avons aucune idée de ce qui pourrait expliquer le pourquoi et le comment du cannibalisme. Nous ne prétendons pas non plus connaître la civilisation aztèque. Mais nous savons que toutes les civilisations ont leurs défis à relever… et qu’elles finissent toutes par s’éteindre.

L’une des théories censées expliquer ce phénomène est celle de la complexité.

Cet été, nous avons médité sur le seul membre du Congrès américain que nous approuvions, Thomas Massie. « C’est fou, nous a-t-on répondu. Ces gens essaient de résoudre des problèmes. Bien sûr, ils se trompent parfois. Mais ils ont probablement raison au moins la moitié du temps. »

La résolution des problèmes par les pouvoirs publics est un problème en soi. Elle ajoute des coûts et de la complexité, créant davantage de problèmes à résoudre et condamnant finalement une société à l’échec.

C’est du moins l’explication de Joseph Tainter. Dans son ouvrage intitulé Collapse of Complex Societies, il examine les antécédents de « l’effondrement sociétal », et est parvenu à la conclusion qu’il s’agissait du résultat de la résolution de problèmes. A chaque défi correspond une réponse. Chaque réponse a nécessité de l’énergie, des ressources et du temps. Les « investissements » accumulés dans la résolution de problèmes n’ont rien laissé pour l’avenir.

Mais aujourd’hui, nous vous proposons un contre-exemple. (Seulement parce qu’il se trouve que nous sommes en train de lire le livre de Victor Davis Hanson intitulé La Fin de tout.)

La civilisation aztèque n’a pas simplement décliné. Elle a connu une fin abrupte et définitive lorsque Hernán Cortés, un aventurier espagnol, a conduit un petit groupe de quelques centaines de conquistadors au coeur de la capitale aztèque de Tenochtitlán. Consterné, il écrit une lettre à Charles Quint, en 1519 :

« Ils ont une autre coutume, horrible et abominable, qui mérite d’être punie et que nous n’avons jamais vue en aucun endroit : chaque fois qu’ils ont quelque chose à demander à leurs idoles, pour que leur requête soit plus acceptable, ils prennent beaucoup de garçons ou de filles, et même des hommes et des femmes adultes, et en présence de ces idoles, ils leur ouvrent la poitrine, alors qu’ils sont vivants, et en retirent le coeur et les entrailles, et brûlent ces entrailles et ce coeur devant les idoles, leur offrant cela en sacrifice. Certains d’entre nous qui ont vu cela disent que c’est la chose la plus terrible et la plus effrayante que l’on ait jamais vue. » 

Cortès avait l’intention de s’installer au sommet de la civilisation aztèque et d’exploiter ses habitants. Mais la première visite de la capitale ne se passe pas bien. Cortés entre dans la ville avec ses alliés tlaxcalans de manière pacifique. Les Aztèques jugent sa force trop faible pour constituer une véritable menace. Et ils sont naturellement curieux. Mais c’est alors que les Espagnols ont fait preuve de leur célèbre audace : ils ont capturé le souverain, Montezuma, et l’ont gardé en otage. Les Aztèques sont désorientés. Mais ils ne se soumettent pas. Cortés comprend peu à peu que s’il détient Montezuma, lui et sa petite armée sont également captifs… et entourés de plusieurs milliers de guerriers aztèques.

La capitale aztèque était construite sur une île au milieu d’un lac peu profond. Des chaussées menaient à la ville, ce qui permettait d’en contrôler facilement l’accès. Craignant d’être bientôt le plat de résistance d’un festin aztèque, les conquistadors tentent une percée.

La nuit, Cortés emprunte l’une des chaussées pour sortir de la ville… mais il est vite repéré. Depuis des centaines de canoës, les « Indiens » lui lancent des pierres et des flèches. Le mot d’ordre est de détruire la chaussée pour empêcher les étrangers de s’enfuir. Mais les Espagnols comblent la brèche avec leurs propres cadavres… Le Codex florentin décrit la situation comme suit : « Ils passaient de l’autre côté en marchant sur les cadavres. »

Ce fut une fuite désastreuse, connue dans l’histoire espagnole sous le nom de « Noche Triste » (la nuit triste).

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais Hernán Cortés a survécu. Et quelques centaines de ses soldats aussi. Malgré le « désir de ses troupes de retourner à Veracruz et de rentrer en Espagne », Cortés reconstruit ses alliances. En quelques mois, il reprend la route avec des vétérans aguerris, de nouveaux alliés et une nouvelle stratégie. Il construit des navires de guerre en pièces détachées, les assemble sur les rives du grand lac et assiège la ville.

Une autre initiative audacieuse… et cette fois, ça a marché. Non seulement Cortés gagne la guerre, mais il anéantit toute la civilisation aztèque.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile