▪ Les journaux parlent beaucoup de l’ascension de la devise chinoise. Elle est en deuxième position en termes de commerce, le dollar étant en première position. Et elle gagne du terrain.
"L’ère du renminbi se lève à mesure que l’influence chinoise croît", titre le Financial Times. Ceux qui s’attendent à voir le dollar régner éternellement sont condamnés à être déçus. Et il est très probable que ce soit le renminbi qui mette le billet vert à mal.
Le gouvernement est toujours et partout une institution réactionnaire. Il travaille pour les gens qui le contrôlent. C’est-à-dire, par définition, les riches… les puissants… et les élites qui ont plus à perdre du changement qu’à y gagner. Ainsi, ils regardent l’avenir, d’un oeil méfiant, et font tout ce qu’ils peuvent pour l’empêcher de se produire.
Les autorités interviennent donc — avec force manipulations, contraintes et tripotages — comme bon leur semble. C’est pourquoi nous avons l’assouplissement quantitatif. Et les taux zéro. Et les renflouages. Toutes ces choses sont destinées à maintenir l’ancien système en place. La Fed tente de stimuler la demande. Plus de demande signifie plus de ventes et de profits. Ce qui veut dire plus de vendeurs. Et plus de commandes placées… en Chine.
Oui, le système est fondamentalement bizarre. Mais il convient à tout le monde. L’élite américaine l’apprécie parce qu’il maintient les prix des actifs à la hausse, faisant passer la richesse du public vers les riches. Les Chinois l’aiment aussi. Ils prennent les revenus de leurs ventes et construisent plus de capacité de production et plus d’infrastructures. Des villes vides. De nouvelles usines. De grandes autoroutes. Plein d’occasions de copinage, de dessous-de-table et de renvois d’ascenseur. Mais ma foi, pourquoi s’en priver ; tant que les masses travaillent…
Le Japon quant à lui n’a pas le choix (et nous ne parlerons même pas de l’Union européenne). Le Pays du Soleil Levant est confronté à une triste combinaison de dette et de démographie. Il y a plus d’un quart de siècle, les citoyens japonais ont prêté leur argent au gouvernement. A présent, ils prennent leur retraite… et se tournent vers le gouvernement pour récupérer leur argent. Sauf que les autorités japonaises ont dépensé l’argent en projets de relance. Elles n’ont aucun moyen de rembourser.
▪ Pourvu que ça dure…
Vous pouvez vous attendre à voir Shinzo Abe, sous pression, inventer de plus en plus de tactiques de relance. Il stimule les producteurs pour qu’ils produisent (et vendent) plus. Et il stimule les consommateurs pour qu’ils achètent plus aussi. En gros, il imprime simplement de l’argent pour que l’escroquerie se poursuive — comme chez les Américains et les Chinois.
Tout le monde est content… tant que ça dure. Mais ça ne durera pas. Les Etats-Unis sont en position de monopole, avec la devise de réserve mondiale. Ils ont l’intention de tenir aussi longtemps que possible. Parce que lorsque le dollar perdra son statut, se sera l’enfer. A ce moment, les milliers de milliards de dollars qui se trouvent dans des coffres un peu partout dans le monde sortiront leur passeport et rentreront chez eux.
Ils rempliront les aéroports… bloqueront les files à la douane… et finiront par inonder les marchés avec des réfugiés monétaires dont personne ne veut. Le prix du billet vert s’effondrera en même temps que les actifs américains.
Mais attendez. N’enterrons pas le dollar tout de suite. Ce genre de choses prend du temps.
Au 16ème siècle, l’Espagne avait la principale devise de la planète.
Au 17ème siècle, les Pays-Bas ont pris la première place.
Au 18ème siècle, ça a été le tour de la France.
Au 19ème siècle, la livre britannique était la monnaie mondiale.
Et au 20ème siècle, le billet vert valait de l’or.
A présent, nous sommes au 21ème siècle et une nouvelle puissance essaie de se faire une place. Depuis 1980, l’économie américaine a vu sa taille doubler environ. Sur la même période, l’économie chinoise a été multipliée par 13… soit plus de six fois plus rapidement. On parle là en PIB per capita, au passage.
Est-ce que ça va continuer comme ça ? Ce n’est guère probable. Mais l’économie chinoise, en termes de PIB, se développe encore deux fois plus vite que celle des Etats-Unis. C’est aussi insensé d’un côté que de l’autre. Acheter des choses avec de l’argent qu’on n’a pas n’est pas mieux que fabriquer des choses pour des gens qui ne peuvent les payer. Mais ces illusions ne sont qu’une partie de l’histoire. L’autre partie, c’est que la Chine est pauvre mais s’enrichit… tandis que les Etats-Unis sont riches et sont en train de s’appauvrir. A un moment, ils se battront… peut-être sur les marchés… peut-être lors d’une guerre ouverte. Et à un moment, le nouveau venu (si non la Chine, un autre) gagnera.
En attendant, parier sur la Chine est bon marché. On peut obtenir un dollar de revenus boursiers made in China pour seulement 7 $ investis. Pour les Etats-Unis, en revanche, il faut plutôt payer 20 $. Notre calcul est déjà fait.