Les taux longs remontent. Est-ce le retournement du grand marché haussier des obligations qui dure depuis 35 ans ou un simple soubresaut ? De la réponse dépend l’évolution du marché immobilier partout dans le monde, et la santé des banques européennes.
Pour le moment, nous assistons à une petite accalmie sur le front obligataire. L’emprunt à 10 ans de l’Etat fédéral américain affiche un rendement de 2,31%, celui de l’Italie 2,05%, celui du Royaume-Uni 1,37%, celui de l’Espagne 1,55% et celui de la France 0,72%.
La hausse violente entamée depuis cet été est-elle enrayée ? De cette réponse dépend votre façon d’investir en 2017.
On l’oublie un peu, mais même si la politique monétaire des banques centrales pèse lourdement sur les marchés, ceux-ci conservent un petit degré de liberté.
D’abord les « taux directeurs » n’influencent que le marché obligataire à court terme (refinancement des banques, prêts inférieurs à un an). Ensuite, les quantitative easing (rachats d’obligations par une banque centrale) ne peuvent pas racheter tout ce qui est mis en vente sur les marchés obligataires primaires et secondaires.
Le marché obligataire est dit le « marché intelligent » par opposition aux marchés d’actions. Les mouvements sont plus réfléchis ; beaucoup d’institutionnels et fonds de pension investissent sur ce marché et sans « effet de levier », c’est-à-dire sans recours à l’emprunt, contrairement aux spéculateurs intervenant sur les marchés d’actions.
Beaucoup de choses s’apprécient en fonction de la valeur des taux longs : immobilier d’habitation et commercial, investissements industriels, etc.
La remontée des taux longs n’est pas bonne pour les assureurs qui risquent d’avoir en portefeuille des « vieilles » obligations rapportant moins.
[NDRL : Le rendement de l’Assurance-vie va atteindre en moyenne 1,95% en 2016. Si vous comptez sur cette épargne pour votre future retraite, vos épinards risquent d’être à 0% de matière grasse. Retrouvez du rendement avec un risque contrôlé en investissant dès à présent moins de 200 euros dans ce compartiment bien particulier des marchés actions. Tout est expliqué ici.]
Le marché immobilier est aussi touché.
« La remontée des taux fait ressurgir le risque immobilier aux Etats-Unis », titrait L’Agefi.
« Le taux de prêts hypothécaires moyen à 30 ans s’est tendu de 38 points de base (pb) en une semaine et de 63 pb depuis fin septembre pour atteindre ses plus hauts niveaux de l’année et flirter avec le seuil symbolique des 4%. Ce rebond coïncide avec la remontée des rendements des Treasuries (…). Le paiement mensuel moyen sur un prêt de 300 000 dollars est passé d’un niveau de 1 354 dollars à 1 422 dollars, selon Bloomberg ».
Les investissements dans l’immobilier commercial reculent. The Wall Street Journal :
« Les investisseurs ont vendu les emprunts d’Etat en Europe, en Asie et aux Etats-Unis, faisant s’écrouler les prix. Quand le prix des obligations chutent, les valorisations de l’immobilier suivent souvent. »
Ceci met aussi la pression sur les prêts non performants détenus par les banques. Il faut savoir que la plupart des prêts immobiliers sont accordés à taux variable, la France constituant une exception. Les emprunteurs voient donc leurs intérêts s’alourdir et s’ils étaient mauvais payeurs, cela n’améliore pas leur situation.
Titre des Echos : « Crédits douteux : l’Europe met les banques sous pression ». La BCE presse les banques de revendre leurs paquets de créances douteuses à des fonds spécialisés afin de nettoyer leurs bilans. Les pays en première ligne sont l’Espagne et l’Italie. Les ventes de prêts en détresse avaient atteint 200 milliards d’euros en 2015 et ne sont que de 180 milliards d’euros en 2016, or le stock de créances douteuses est estimé à 1 200 milliards d’euros.
La situation est encore sous contrôle mais les choses peuvent s’emballer assez vite si le mouvement continue.
C’est pourquoi Mario Draghi, au grand dam des Allemands, a déjà indiqué qu’il pourrait continuer ses rachats obligataires de 80 milliards par mois (dont la fin est prévue pour mars 2017) jusqu’en septembre.
Mais si de l’autre côté de l’Atlantique la Fed ne fait rien et que les taux continuent à monter, qui voudra encore des obligations européennes rapportant moins ? La parité euro-dollar risque d’en pâtir.
Le crédit gratuit et la fausse monnaie n’ont jamais été source de prospérité durable et cela risque très bientôt d’apparaître au grand jour.