La Chronique Agora

Relations publiques à Wall Street

** Votre chroniqueur californien est retourné à New York la semaine dernière. L’endroit n’a pas beaucoup changé depuis la dernière fois que j’y suis passé, il y a environ trois mois. Les trottoirs n’étaient pas bondés et les restaurants n’étaient pas pleins. Peut-être que les "jeunes pousses" de la reprise ne sont pas aussi vertes qu’on nous le dit.

– Intéressons-nous maintenant aux nouvelles…

– Une lecture rapide des gros titres de la presse nous a révélé peu de choses importantes. Hmmm… voyons… Un gouverneur du sud des Etats-Unis a publiquement confessé ses péchés et a demandé pardon. Les entreprises de Wall Street ont publiquement nié leurs péchés et ont lancé une énorme campagne de relations publiques.

– "Le plus grand groupe commercial de Wall Street a entamé une campagne pour contrer la secousse ‘populiste’ qui attaque les banquiers", rapporte Bloomberg News. "Dans les mémos de réunions confidentielles des hauts dirigeants financiers, la SIFMA (Securities Industry and Financial Markets Association) a annoncé avoir entamé ce mois-ci la ‘phase d’exécution’ d’une opération qui vise à intégrer le changement’ et la responsabilité".

– Pour mener à bien cette campagne du "changement" et de la "responsabilité", Wall Street va mettre des dizaines de milliers de dollars dans des sondages, des entreprises de relations publiques et autres gestionnaires d’image.

– Un observateur cynique pourrait être tenté d’en déduire la chose suivante : "oh, parfait, d’abord ces entreprises font exploser l’industrie bancaire américaine, dans le seul but de s’enrichir, puis elles transfèrent une partie de leur renflouement vers des entreprises de relations publiques, uniquement pour rétablir leur réputation".

** Mais ne tombons pas dans le cynisme. Mettons nous plutôt un instant dans les mocassins Gucci de Wall Street.

– Si vous étiez un de ces individus dont l’avidité sans bornes avait participé à mettre l’économie à genoux, ne voudriez-vous pas que le public se concentre sur autre chose ? Et si vous étiez un de ces hommes dont l’égocentrisme avait fait perdre des milliers de milliards de dollars aux investisseurs et fait perdre leur emploi à des millions de gens, ne voudriez-vous pas lancer une campagne "contre la réaction populiste démesurée" ?

– Mener une existence dorée — financée par le contribuable — n’est pas aussi facile qu’il y paraît… surtout quand tant de gens se battent pour leur survie. Vous pensez qu’il est facile de continuer à recevoir des salaires de plusieurs millions de dollars quand l’économie lutte encore pour digérer le poison que vous lui avez administré ?

– Mais cette situation nous amène au coeur du problème. Où est donc la gratitude ? Où est la compassion pour ces dizaines de milliers d’employés moyens de Wall Street qui ont perdu leur emploi, afin que les dirigeants puissent continuer à se payer des salaires et des bonus qu’ils ne méritent pas ?

– Le nouvel effort de relations publiques de Wall Street pourrait fonctionner, mais vos chroniqueurs de la Chronique Agora suggèrent une approche alternative. Nous proposons un plan en deux parties, entièrement gratuitement :

1. Virer les entreprises de relations publiques.

2. Arrêter de se comporter comme des crétins.

"La meilleur façon d’entretenir de bonnes relations publiques, c’est agir convenablement", a déclaré un investisseur professionnel, "et non pas gérer son image".

– Pour faire justice à la SIFMA, l’organisation représente 600 entreprises de courtage et de gestion de titres et de capitaux. La majorité écrasante de ces opérations s’effectue de façon honnête et intègre. Les employés qu’elle représente arrivent sobres au travail, travaillent dur pour leurs clients et donnent rarement des coups de pieds à leur chien quand ils rentrent chez eux après une dure journée.

– Malheureusement, la SIFMA représente également des parias comme Goldman Sachs, Citigroup Inc. et JP Morgan Chase. Aucune de leurs activités de renflouement ne serait un problème s’ils ne consommaient pas une telle quantité du capital national, de notre réputation, et surtout de nos opportunités d’investissement.

– Quand nous donnons 170 milliards de dollars à AIG (qui à son tour, donne des milliards à Goldman Sachs, UBS et d’autres), nous n’investissons pas 170 milliards de dollars dans des entreprises capitalistes dynamiques qui pourraient multiplier nos bénéfices en chemin.

– Quand nous jetons des milliards de dollars dans le trou noir de Wall Street, le potentiel en matière d’investissement se résume à "récupérer notre argent" ou à "ne pas perdre un centime". Quel investisseur privé se risquerait à avancer du capital dans de telles conditions ?

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