La Chronique Agora

Record pour la dette étudiante aux Etats-Unis

▪ L’année dernière à la même époque, nous attendions que le téléphone sonne.

A l’autre bout du fil, l’absence totale des milliers d’universités en demande d’un intervenant pour leur discours de fin d’année. Tous les ans, nous préparons un discours approprié pour les nouveaux diplômés. Et tous les ans, sur l’accord unanime des institutions du savoir des Etats-Unis d’Amérique, nous ne le prononçons pas.

Avec six enfants qui ont fait des études universitaires, nous avons entendu plus que notre part de tels discours. Ils sont quasiment toujours ennuyeux, embarrassants, sérieux et banals. Il est très peu probable qu’on nous demande un jour d’intervenir devant des étudiants venant d’obtenir leur diplôme. Mais si ce devait être le cas, cette année, voici ce que nous dirions :

▪ Félicitations, Promotion 2015 : bande de pigeons !
Le Wall Street Journal rapporte que vous êtes la génération la plus endettée de l’histoire. Pour les diplômés ayant un prêt étudiant, ce dernier atteint en moyenne un peu plus de 35 000 $. La facture totale de la dette étudiante américaine cette année devrait atteindre 68 milliards de dollars — soit 10 fois plus que les 20 dernières années.

Cela peut sembler beaucoup d’argent. Et les gros chiffres apparaissent dans les gros titres en même temps que l’actualité people.

Mais la dette étudiante est comme la puanteur de la gangrène : elle atteste d’une corruption interne plus profonde.

Aujourd’hui, l’université moyenne ne s’intéresse pas plus au savoir qu’un basset ou un député

Nous sommes désormais 25 siècles après Périclès et Socrate. Mais aujourd’hui, l’université moyenne ne s’intéresse pas plus au savoir qu’un basset ou un député. Notre gouvernement est une insulte à la démocratie honnête — si toutefois une telle chose existait ; c’est une escroquerie et une tromperie. Des intérêts riches et puissants parient des millions sur des candidats creux et manipulés, sachant que leur investissement leur rapportera des sommes gigantesques s’ils réussissent. Notre système monétaire est lui aussi une fraude sophistiquée ; il dépouille les travailleurs, les commerçants et les artisans pour récompenser les spéculateurs, les initiés et les tire-au-flanc. Tout le système est malade et dysfonctionnel.

Mais vous n’avez probablement pas la moindre idée de ce dont nous parlons parce que vous venez de passer quatre ans à éviter de l’apprendre.

Si vous avez étudié les sciences ou l’ingénierie — surtout l’ingénierie pétrolière, selon une étude effectuée par l’université de Georgetown — vous pourrez peut-être gagner assez d’argent pour rembourser votre prêt étudiant. Mais la plupart d’entre vous a gaspillé sont argent pour obtenir des diplômes dans des matières qui ne vous aideront pas à comprendre le monde réel dans lequel nous vivons, ni à y gagner un peu d’argent en plus. Vous avez pour la plupart en fait passé les meilleures années de votre vie — et emprunté une fortune pour y parvenir — à apprendre des choses qui ne sont pas vraies. L’histoire, l’économie, le gouvernement, la politique — pour chaque idée utile et vraie que vous avez pu apprendre, il y en avait probablement 100 de plus enterrées sous les sottises.

▪ Bienvenue dans le monde réel
Il y a une grande différence entre le monde réel et le monde universitaire. Le monde réel est plus dur, plus difficile à comprendre et plus cynique que vous l’imaginez, et il est grand. Le monde universitaire est bien plus petit. Il y a les limites bien définies de l’école… les limites du travail… les limites du comportement étudiant. Il y a des épreuves — limitées elles aussi. Généralement, vous savez quand les épreuves ont lieu, ce qu’elles couvriront et ce que vous devez faire pour les réussir.

Dans la vie réelle, s’il y a des limites, vous ne savez pas où elles sont

Dans la vie réelle, s’il y a des limites, vous ne savez pas où elles sont. Vous ne savez jamais quand vous serez mis à l’épreuve. Souvent, vous pouvez être au milieu d’une épreuve majeure, et ne pas le savoir. Vous ne savez pas non plus ce que vous devez faire pour réussir.

Et à coup sûr, vous ignorez ceci : vous êtes testés en ce moment même. Vous êtes confrontés actuellement à un problème auquel vous n’avez probablement jamais vraiment pensé. Mais il pourrait ruiner… ou en tout cas lourdement handicaper toute votre vie.

Vous êtes les victimes d’un système installé avant que vous ne naissiez. Les bienfaits de ce système — s’ils existent — vont à vos parents et vos grands-parents. Mais vous devez payer pour ça — et de plusieurs manières. Vous aurez du mal à tenir vos remboursements. Résultat, il y a peu de chances que vous puissiez profiter de la richesse matérielle et de la liberté d’action que nous, vos parents, tenions pour acquises.

▪ Préparez-vous à payer, payer et payer
Vous le savez peut-être déjà. Il y a déjà plus de 210 000 milliards de dollars d’obligations et de dettes gouvernementales que vous devrez payer, payer et payer toute votre vie. C’est l’argent qui ira financer des programmes votés avant votre naissance. Vous paierez également pour les retraités et les malades… les gens qui ont été envoyés au Vietnam, en Irak ou en Afghanistan et qui ont sauté sur une mine… les gens qui ont obtenu une belle convention collective de la part du gouvernement local… ou les gens qui ont appris à truquer le système.

Aucune de ces factures ne concerne des choses pour lesquelles vous avez eu voix au chapitre. Nombre d’entre elles, voire toutes, étaient un gâchis d’argent dès le départ. Certaines étaient une malédiction pour les gens qu’elles affectaient. Mais — bonnes ou mauvaises — vous êtes censés les payer.

Et ce n’est qu’un début. Maintenant, vous êtes enfin libéré de l’industrie universitaire. Maintenant, vous pouvez vous aventurer hors du campus et prendre une grande goulée d’air du monde réel. Mais attention, vous risquez d’étouffer à cause de la pollution…

Rendez-vous lundi pour la conclusion dramatique de notre discours à la "Promotion 2015".

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