La Chronique Agora

Recherchons fol enchérisseur pour un lot de 900 milliards de dollars

** Après le long pont de l’Ascension en France et un week-end prolongé outre-Manche et outre-Atlantique, les choses sérieuses vont reprendre aujourd’hui avec l’émission de la première tranche du programme de refinancement du Trésor US.

Ce programme représente un montant global de 100 milliards de dollars qui seront levés en trois jours. Il démarre aujourd’hui avec 40 milliards de dollars de T-Notes à deux ans, il continuera demain avec 35 milliards de dollars de bons du Trésor à cinq ans et s’achèvera avec la mise aux enchères 25 milliards de dollars de T-Bonds à sept ans jeudi.

Ces 100 milliards de dollars s’inscrivent dans un programme de refinancement de 900 milliards de dollars qui doit être bouclé d’ici fin septembre car la dette américaine va croître de 2 000 milliards de dollars cette année. Cette somme colossale est ponctionnée sur l’épargne de la planète — pas sur celle des ménages américains dont le patrimoine a fondu d’autant ces six derniers mois.

** Ambrose Evans-Pritchard s’étonnait dimanche dans le Daily Telegraph du fait que "les Etats-Unis n’aient pas encore subi l’indignité de l’échec d’une vente aux enchères, contrairement à la Grande-Bretagne et l’Allemagne".

Il sait pertinemment qu’en cas d’absence d’intérêt de la part des investisseurs du Moyen-Orient ou des Chinois — qui détiennent déjà le quart de la dette américaine –, les émissions en souffrance seront achetées, via la Fed, par le gouvernement américain lui-même. "Ce qui revient à une pure monétisation du déficit".

Le traditionnel "ça va bien se passer" pourrait n’être qu’un voeu pieux car la capacité d’absorption du système financier international a ses limites — la bienveillance de la Chine et du Japon également. Pékin ne devrait pas bouder les T-Notes de maturité 2011. C’est une façon pour eux de ne pas réduire de façon trop visible leur exposition sur le dollar tout en ne prenant pas grand risque sur le long terme.

Les Japonais, eux, pourraient s’inscrire aux abonnés absents dès l’automne prochain si le parti d’opposition DPJ renversait l’actuelle majorité, laquelle est bien mal en point après la valse des premiers ministres des derniers mois.

De toute façon, avec une dette publique qui dépassera 200% du PIB dès la fin du premier semestre, l’économie nippone se retrouve dans la position peu confortable d’un demandeur de capitaux classé dans la catégorie des pays en potentielle dépression. La contraction de l’activité est en effet supérieure à 10% au premier trimestre 2009.

** Les futures mises aux enchères d’emprunts américains assortis de maturités à 10 ans et plus risquent de susciter beaucoup de réserves. Et ce n’est pas un hasard si le rendement des T-Bonds 2019 est passé en deux mois de 2,50% à 3,50% — 3,47% pour être très précis à la clôture de vendredi et 3,45% en transactions électroniques lundi, soit 0,33% de rémunération en plus en une semaine, l’équivalent d’une hausse d’au moins un quart de point du loyer de l’argent par la Fed.

Sans vous assommer de détails concernant les spreads de taux, sachez simplement que les banques qui fournissent des prêts immobiliers, les organismes de refinancement et les marchés ont déjà acté 50 points de hausse du prime rate par rapport au seuil le plus élevé pratiqué par la Fed (soit 0,25%).

Même en pariant sur un taux directeur porté à 1% à un horizon de neuf mois, ce genre de rémunération serait-il susceptible de soutenir le dollar alors que la dette fédérale des Etats-Unis flirte avec les 6 400 milliards de dollars ?

** En attendant le résultat de la première adjudication aujourd’hui, les investisseurs étaient légitimement enclins à s’abstenir de prendre des risques.

La Bourse de Paris a sans surprise battu des records d’inactivité — avec 1,2 milliards d’euros traités au coup de cloche final — mais l’étroitesse des carnets d’ordre a favorisé une volatilité qui avait de quoi dissuader les meilleures volontés.

Le CAC 40 a en effet enregistré plus de 2,5% d’écarts entre un plancher de 3 168 points (-1,8%) et un zénith de 3 248 points (+0,7%), ce qui est d’une totale absurdité compte tenu du peu de stimuli provenant de l’actualité macro-économique.

Les opérateurs ont manifestement sur-réagi à la publication du climat des affaires en Allemagne. Il affiche une amélioration jugée bien décevante au mois de mai. L’indice remonte vers 84,2 points ce mois-ci, contre 83,7 points en avril, mais n’atteint pas les 85 points ou les 86 points sur lesquels les économistes tablaient.

Ce chiffre médiocre vient tempérer les espoirs d’un rebond rapide de l’activité en Europe au printemps, après le lourd repli de 2,5% enregistré par le PIB de la Zone euro sur le premier trimestre.

** S’agissant des pays adhérents à l’OCDE, la récession du premier trimestre a atteint un score sans précédent de -2,4%. Rien ne permet d’affirmer que le chiffre global sera meilleur en fin d’année car les Etats-Unis se retrouvent sous la menace d’une mise en faillite imminente de General Motors. Cela amputerait leur PIB de 2,5 points à 4 points cette année, selon des études de banques américaines.

Mais que GM échappe ou non au placement sous le chapitre 11, les Etats-Unis n’éviteront pas à hémorragie d’emplois comme le pays n’en avait pas connu depuis le milieu des années 80. Mais en ce temps là, il y avait encore des banques saines en activité sur le Nouveau Continent !

Phlippe Béchade,
Paris

PS : Retrouvez Philippe Béchade le 19 juin prochain dans le cadre de
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