L’accumulation du capital et des dettes a atteint un point de non-retour, qui menace la croissance réelle et la prospérité. Il faudra avoir le courage de s’y attaquer…
Les menaces dont est victime l’Italie relancent la question des ratios dettes/PIB ainsi que celle de la soutenabilité des dettes. Du coup, les regards se tournent vers la France qui est, elle aussi, en mauvaise situation sur ce point. Les pères fouettards sont en embuscade…
De nombreux observateurs – dont Patrick Artus, de Natixis – proposent de réfléchir à de nouvelles recettes, de nouvelles taxes, dans le cadre de la pensée sinon orthodoxe du moins néo-libérale qui consiste à faire payer par le peuple les dettes du système, en contrepartie des soi-disant générosités passées dont il aurait bénéficié.
Le principe qui guide l’action néo-liberale c’est l’asymétrie. On peut remettre en cause les avantages acquis des salariés mais on ne peut pas remettre en cause ceux qui sont acquis par le capital ; on ne peut remettre en cause son accumulation passée.
La logique voudrait pourtant que, si les valeurs changent pour les flux en raison de la modernisation et de la concurrence mondiale, elles changent également pour les stocks accumulés ! Le neuf dévalorise le vieux, mais c’est vrai pour tout : les valeurs actuelles, les valeurs passées, celles qui circulent et celles qui s’accumulent.
La capture du pouvoir politique par les néo-libéraux dès les années 80 a fait que le système est devenu entièrement basé sur le copinage.
Il protège le capital mais surexploite le travail. Or le système, pour tourner, a besoin d’une harmonie, d’une proportion entre les deux.
Il suffit de regarder et de comparer les courbes des indices boursiers et les courbes des indices de revenus salariaux pour constater que l’on a créé de profonds déséquilibres.
Le faux argument des détenteurs du pouvoir est que si l’on remet en cause les avantages et la sécurité du capital, il fuit ; il cesse d’investir et ainsi le chômage augmente.
Ben voyons !! A partir du moment où l’on a posé comme postulat que le capital est sacré, on ne fait que des tautologies grotesques comme celle qui consiste à mettre en place un système ou le capital circule librement, sans obstacle.
La libre circulation des capitaux, pierre angulaire du néo-libéralisme, a pour objectif justement de rendre le capital intouchable, sacré ! Elle avait pour but, lors des études pour la mise en place du système néo-libéral, de protéger le capital – et donc de créer un rapport de forces qui lui est structurellement favorable.
Contradiction interne
Le système néo-libéral est condamné par contradiction interne, organique. Einstein l’a résumée en une formule lapidaire qui a fait le tour du monde :
« Les intérêts composés sont la plus grande force dans tout l’univers ».
La tentative néo-libérale repose sur l’accumulation sans fin du capital. En même temps, le capital néo-libéral modernise, il bénéficie des progrès technologiques, des améliorations des savoir-faire, de la baisse du nombre d’heures travaillées pour produire, des gains de productivité…
Tout ceci produit une tendance à la fois à l’érosion de la valeur du capital accumulé et à l’érosion de sa profitabilité.
La situation actuelle – on refuse la dévalorisation du capital, on le gonfle au contraire sur les marchés pour le protéger – est une absurdité à courte vue.
On crée de la monnaie et des liquidités pour s’opposer aux forces naturelles de dévalorisation du capital : c’est une pratique qui aggrave les contradictions internes de l’accumulation. En plus, elle incite les gouvernements, par les taux quasi nuls, à continuer de s’endetter puisque les dettes donnent l’impression d’être soutenables quand elles ne coûtent rien !
Toute solution au problème du surendettement est douloureuse. Il n’y a pas de remède miracle, indolore ; il faut que quelqu’un, une catégorie, une classe sociale, paie. Il s’agit de détruire une richesse fictive, des droits à prélever sur la richesse et sur le produit national. En la matière, tout cela fait mal.
Qui aura le courage de choisir le moindre mal ?
Il faut au moins choisir le moindre mal, celui qui ne brise pas la société, qui ne fracasse pas le consensus ; celui qui ne provoque pas la stagnation de longue durée, celui qui est éthique, juste, équilibré. Bref, celui qui est conçu pour être légitime dans un régime démocratique.
Il faut s’attaquer à la question du stock de dettes.
De tous temps on a pratiqué les moratoires ; les crises de surendettement ont toujours été traitées de cette façon, sauf à pratiquer l’austérité criminelle, génocidaire et à déclencher des épidémies.
La logique d’une dette qui ne peut être honorée, c’est d’être euthanasiée, restructurée, rabotée, allégée.
La logique d’une sortie de crise de la dette c’est la restructuration volontaire, humaine, pilotée, gérée, managée des dettes afin qu’elles soient non seulement soutenables, mais qu’elles permettent de recréer du crédit, du profit, de repartir vers un taux de croissance générateur de consensus social.
Il ne suffit pas de rendre les dettes supportables, il faut que le poids des dettes soit compatible et même favorable à un retour à la croissance.
En clair, il faut accepter la symétrie et oser reconnaître que le capital accumulé, ses droits acquis, sont un boulet qui empêche le retour de la croissance.
De la même façon que les Allemands ont mis en place les réformes dites Hartz qui ont fortement réduit le poids et les avantages acquis du travail, il faut une réforme Hartz qui s’attaque à la question des droits accumulés du capital.
Le gouvernement qui le fera s’honorera d’avoir sauvé le pays du chaos.