La Chronique Agora

Qui a peur de l’IA ?

IA, intelligence artificielle, James Bond, grève

Pas les grands groupes financiers et autres agences d’espionnage qui l’utilisent depuis déjà bien longtemps… ni les GAFAM qui développent tous leur version…

Comment savoir si cette chronique a été rédigée par une IA ?

Si c’était le cas, il s’agirait de toute façon d’une l’IA « grand public ». Les principaux établissements financiers américains, mais aussi les agences de renseignement américaines ou chinoises (cette dernière collectant des masses de données inimaginables chaque seconde), se sont dotées depuis longtemps de gigantesques « oreilles », qui essayent de capter tout ce qui émet le moindre murmure et alimentent les plus puissantes intelligences apprenantes (que l’on nomme « génératives ») et les systèmes prédictifs les plus perfectionnés.

Et oui, des unités de recherche de type « minority report » existent déjà depuis le début du XXè siècle, et ce sont les plus puissantes firmes de Wall Street qui les ont financées… pour prédire essentiellement l’évolution des marchés, multiplier les paris boursiers gagnants et rentabiliser leur mise dans l’IA.

C’est BlackRock qui semble avoir gagné la course à l’intelligence prédictive, devançant Goldman Sachs et ses logiciels de manipulation boursière, ainsi que Virtu, le champion du trading haute fréquence.

Bond technologique

Mais aujourd’hui, Apple, Microsoft (Chat GPT), Google (Bard) ou Meta sont encore plus puissants, et ne visent pas que la génération de plus-values boursières : ils développent tous leurs IA « maison » avec l’ambition de transformer la façon dont la planète fonctionne, d’optimiser les méthodes de travail et les ressources et de s’immiscer jusque dans le moindre aspect de nos vies quotidiennes.

Les potentialités semblent immenses. Il s’agit d’un nouveau bond technologique qui va avoir de très profondes répercussions sociales, via le remplacement de milliers de tâches humaines – souvent peu passionnantes – par des « algos » d’une efficacité opérationnelle incomparable.

Mais ne vaut-il pas mieux effectuer une tâche « peu passionnante » que pas de tâche du tout ?

Par ailleurs, aucun domaine d’activité, même le plus pointu, ne peut prétendre que ses salariés de haut niveau ne sont irremplaçables : Goldman Sachs a bien remplacé au lendemain de la crise des subprime plus de 600 traders (parmi les mieux payés au monde) par moins d’une centaine de quants et de génies de la programmation algorithmique.

Les coûts ont alors été divisés par 4 et le volume de trading multiplié par 10 !

Avant même de disposer d’une IA de quatrième génération, pour certains diagnostics thérapeutiques croisant des domaines complexes (biologiques, oncologiques, génétiques, etc.) et l’interprétation de l’imagerie médicale, les outils numériques s’avèrent déjà plus performants que les meilleurs spécialistes.

Même dans le domaine de l’informatique en plein bouleversement, la maîtrise du codage qui semblait la clé d’une carrière prometteuse pourrait devenir une compétence aussi utile que le latin pour qui se sent une vocation d’avocat : un simple élément de culture générale, mais nullement un prérequis pour mener à bien une plaidoirie devant un tribunal.

Le prochain James Bond

Quel pourcentage de tâches humaines pourront être confiées à des logiciels lorsque les entreprises et les administrations disposeront de l’IA de cinquième ou sixième génération : 50%, 60%, 80% ?

Les premiers à être remplacés – chronologiquement – seront probablement les employés de fast food, les conducteurs de trains (pour certains métros, c’est déjà fait), les arbitres de sports collectifs, les livreurs de colis à domicile, les chauffeurs de taxi, les agences de voyage, les pilotes de ligne, etc.

Au-delà de 10% de suppression d’effectifs, les grands équilibres budgétaires (retraites, impôts, santé) et surtout la stabilité sociale seraient gravement menacés.

A Hollywood, la grève des scénaristes débutée le 5 mai est précisément liée au risque de remplacement des auteurs par des IA génératives. Celles-ci seraient créditées de la conception des films et des séries, tandis que seraient rémunérés en conséquence les ingénieurs d’OpenAI ou les créateurs du concept et des personnages originaux.

Les acteurs qui ont rejoint le mouvement début juillet sont quant à eux menacés par la multiplication des avatars digitaux. Cela pourrait passer par la cession de son droit à l’image pour quelques centaines de dollars pour les figurants, voire faire « revivre » un acteur disparu – sans ne rien devoir à personne – pour une pub, ou le créditer au générique d’un film sans son consentement.

Tom Cruise a prévenu qu’il interdisait toute utilisation de son image, sous toutes les formes numériques, y compris pour le « rajeunir »… à moins qu’il ne l’ait monnayé et expressément autorisé.

Cela aurait été intéressant d’assister à l’affrontement entre Ethan Hunt et le premier James Bond, donc incarné par Sean Connery, dans un thriller où Clark Gable incarnerait un mégalomane séducteur faisant craquer Marilyn Monroe ou Brigitte Bardot, rendant les deux autres héros fous de jalousie.

Avec l’IA, un tel film – réalisé avec le style d’un Blake Edwards ou d’un Stanley Kubrick – serait possible.

On se souviendra cependant que dans le chef d’œuvre de ce dernier, 2001, L’Odyssée de l’espace, une intelligence artificielle détermine que l’élimination de ceux qui l’ont conçue et la contrôlent est la condition du succès de sa mission spatiale. C’était il y a 55 ans… les craintes des romanciers et des scénaristes vis-à-vis de l’IA ne sont pas nouvelles !

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