La Chronique Agora

Qu'est-ce qui attend les Etats-Unis ? La même chose que l'Irlande

▪ Les marchés asiatiques et européens ont vacillé mardi matin, ils ont carrément flanché en Europe mais Wall Street a résisté au climat délétère suscité par la diplomatie "à coup de canon" qui a les faveurs du régime stalinien de Pyong Yang.

Pas question de laisser quelques "petites mauvaises nouvelles" venues des marchés de taux européens ou un dictateur paranoïaque gâcher des semaines de travail acharné pour créer un climat psychologique favorable aux Etats-Unis.

Les algorithmes et les robots de manipulation – euh pardon – de gestion des indices boursiers n’ont pas propulsé le Dow Jones au-delà de ses niveaux de début septembre 2008 pour voir leurs efforts réduits à néant à la veille de Thanksgiving.

Si le peuple irlandais s’enfonce dans la mouise, les Américains qui ont encore un boulot et une carte de crédit doivent se lâcher aujourd’hui et mordre dans la vie à plein portefeuille d’ici dimanche – avec l’arrivée des traditionnelles soldes massives du "Black Friday".

Hier, le Wall Street a donc enclenché le mouvement avec un S&P qui reprenait +1,4% et un Nasdaq qui caracolait avec +2% à la mi-séance. Toutes les pertes de mardi ont été effacées dès la première heure, celles de lundi l’étaient dans la foulée (une heure plus tard).

Ce fut loin d’être le cas à Paris, qui a enregistré un rebond de +0,62%, bien modeste en regard des 2,5% perdus la veille. Les valeurs françaises ont été ouvertement boudées comme en témoignait la hausse de 1,8% de Francfort (+120 points à 6 825 points) qui retrouvait ses meilleurs niveaux de lundi et revient à 1% de son zénith annuel.

L’évolution de l’euro n’y était pas pour grand-chose. La monnaie unique n’a d’ailleurs guère réagi à la parution hier d’une avalanche de statistiques américaines– jeudi étant férié aux Etats Unis, de nombreux chiffres prévus ont été publiés avec 24h d’avance.

▪ La hausse de Wall Street semble produire des effets positifs sur les ménages américains. Leur confiance dans l’avenir progresse de 2,5 points à 71,6 (en seconde estimation pour ce mois de novembre) d’après l’université du Michigan.

Le chômage hebdomadaire s’est fortement contracté, de -34 000 à 407 000, soit le plus faible cumul depuis juillet 2008. Pas de miracle économique en vue : de nombreux recrutements temporaires de dernière minute ont eu lieu à quelques jours de Thanksgiving dans le secteur de la grande distribution et du commerce de détail.

L’inflation reste à son plancher historique (+0,9% en rythme annuel) mais cela n’a pas dopé les dépenses de consommation qui n’ont progressé que de +0,4% au mois d’octobre (après +0,3% en septembre) au lieu des 0,5% anticipés.

Les revenus des ménages américains a progressé de 0,5% (c’est plutôt une bonne surprise) mais ils n’achètent pas plus d’immobilier pour autant. Les ventes de logements neufs ont replongé de 8,1% en novembre (après +6,6% en octobre).

▪ Les promoteurs et constructeurs de maisons individuelles avaient déjà dévissé de -3% en moyenne mardi dernier suite à la publication par le cabinet Core Logic d’une estimation des "Shadow Inventories" (les stocks cachés) détenus par les banques américaines.

Cela représenterait la bagatelle de 2,1 millions de logements, soit l’équivalent de huit mois de transactions immobilières au rythme actuel. Et ce alors que les organismes de crédit, qui souhaitent toiletter leur bilan, revendent le plus souvent à perte.

Les stocks globaux de maisons invendues étaient officiellement de 6,3 millions d’unité aux Etats-Unis. Le total passe donc à 8,4 millions et une différence de +25% ne pourra qu’affecter lourdement l’évolution des prix au cours des 12 à 18 prochains mois.

L’allongement des procédures de saisies, en partie lié au Foreclosure Gate, explique aussi une partie de la croissance de ces stocks cachés qui ne sont rien d’autre qu’une de ces bombes à retardement que nous dénonçons depuis plus de deux ans et qui devient un sujet officiel alors que les banques se disent désormais en mesure de gérer le problème.

Tout ce qu’elles peuvent gérer, c’est leur communication, car le reste leur échappe totalement. Elles foncent droit dans le mur des prêts prime ou ADR (adjustable rate) car plus le temps passe, plus les emprunteurs se retrouvant en negative equity – et donc, potentiellement insolvables – est important.

De nombreux Américains ont bien compris qu’il ne servait plus à rien de s’accrocher et de tout sacrifier (voitures, couverture santé, loisirs, études des enfants…) pour rembourser leurs emprunts dans l’espoir d’une bonne fortune professionnelle (meilleur salaire, bonus et autres avantages).

Le chômage de longue durée devient un fait de société inexorable contre lequel ni le quantitative easing 2 de la Fed, ni l’action du gouvernement ne peuvent rien. La Fed a d’ailleurs confirmé dans ses dernières minutes que le rythme de croissance anticipé d’ici 2014/2015 (inférieur à 3%) ne permettrait pas aux Etats-Unis de retrouver le niveau de création d’emploi moyen de la période 2003/2007.

La plupart des économistes sont par ailleurs convaincus que les Etats-Unis vont devoir amorcer le virage de la rigueur d’ici la fin du premier trimestre 2011, ce qui va s’avérer indispensable dans la perspective de l’arrivée à échéance du quantitative easing de 600 milliards de dollars trois mois plus tard.

▪ Qu’est-ce qui attend les Américains d’ici les prochaines élections à l’automne 2012 ?

Tout dépendra du niveau de confiance des créanciers dans la capacité des Etats-Unis à rembourser ses dettes.

En cas de doute, nous pouvons nous faire une idée assez juste de ce qui pourrait survenir en décortiquant les détails du plan de rigueur dévoilé ce mercredi par le gouvernement irlandais.

Le premier ministre irlandais vient d’annoncer – comme la rumeur qui circulait – 10 milliards d’euros d’économies budgétaires et 5 milliards de recettes supplémentaires générés par des hausses d’impôts provenant presque exclusivement de la consommation et hausses d’impôts sur les personnes physiques (pas question de toucher au taux de 12,5% concernant les entreprises qui exaspère tant Bruxelles).

Les dépenses sociales (celles dont bénéficiaient ces mêmes contribuables qui vont se faire matraquer) seront réduites de 2,8 milliards d’euros d’ici à 2014. Parallèlement, 25 000 postes de fonctionnaires seront supprimés, pour revenir au niveau de 2005 et le salaire horaire minimum sera tronçonné de -11,5%, à 7,65 euros contre 8,65 euros actuellement.

Pour bien achever de plumer les classes les plus défavorisées, le taux de TVA sera relevé de 21% à 22% en 2013, puis à 23% en 2014.

Mais ce qui nous apparaît ubuesque, c’est que le gouvernement irlandais fonde son plan sur une prévision de croissance moyenne de 2,75% entre 2011 et 2014 (ce sera plutôt -3%): c’est bien l’aspect le plus révoltant de cette sinistre farce.

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