La Chronique Agora

Que doit-on à la révolution de l’énergie ? (1/2)

Amish, énergie fossile

Un petit trajet à travers l’est des Etats-Unis nous fait revenir quelques siècles en arrière…

Hier, nous avons pris la route très tôt. Une brume d’automne recouvrait encore les champs. Le soleil faisait à peine son apparition.

Nous nous sommes dirigés vers le sud, depuis notre ferme près d’Annapolis, dans le Maryland, en passant par Arundel et Calvert, puis par la rivière Patuxent, jusqu’au pont de la rivière Potomac, en Virginie.

Une vie d’Amish

Le Maryland était la plus « anglaise » des colonies américaines. Presque tous les premiers colons venaient des avant-postes anglais de Virginie. Mais, au milieu des années 1700, un nouveau groupe a débarqué au port de Baltimore. Il s’agissait de personnes ayant des opinions religieuses très différentes de celles des colons anglicans : des « anabaptistes » venus d’Allemagne et de Suisse. Aussi appelés Mennonites ou Amish, ils pensaient que la technologie du XVIIe siècle était aussi bonne qu’elle devait l’être.

Les premiers immigrants Amish ont pris racine dans la Pennsylvanie voisine. Plus tard, d’autres sont arrivés dans le comté de Charles, dans le Maryland, où ils sont restés.

Nous avons une sœur qui s’est mariée dans une famille Amish qui avait quitté la communauté. Et nous nous rendons de temps en temps dans les scieries amish pour acheter du bois ou des piquets de clôture. Nous connaissons assez bien leur culture.

Les Amish du comté de Charles évitent la technologie moderne, mais ils sont sélectifs. Ils se sont adaptés à – et ont profité de – l’économie moderne et les « nouvelles » technologies qui les entourent.

Par exemple, lorsqu’une équipe Amish a installé une clôture chez nous, ils sont arrivés dans une Ford toute neuve. Le propriétaire et conducteur du camion n’était pas Amish : ils l’ont payé pour l’amener et le ramener sur le chantier. Ils n’ont pas non plus creusé les trous pour enterrer les poteaux à la main : ils ont utilisé notre tracteur.

Ils se déplacent en calèche. Mais ils font fonctionner leurs scieries avec de gros moteurs – électriques ou diesel. Et s’ils se nourrissent principalement de leur propre production agricole, ils achètent également sur les marchés locaux – où la plupart des produits vendus ont poussé grâce à des méthodes agricoles modernes.

Pourriez-vous remonter le temps et vivre sans les machines et les commodités modernes ? De temps en temps, nous bénéficions de tests accidentels ou involontaires. Un test de la sorte a été mené par une famille russe, sur une période de 40 ans.

En fuite

Tout a commencé en 1936. La famille faisait partie d’un groupe chrétien russe appelé les « vieux-croyants », qui ressemble un peu aux Amish en Amérique. Ils sont restés fidèles à leurs anciennes habitudes… et à leur ancienne religion.

Mais, dans l’Union soviétique de l’époque, il n’y avait pas de place pour la religion… ou pour les minorités religieuses… ou pour quiconque ne suivait pas la nouvelle grande croisade communiste. Après avoir vu son frère abattu par les hommes de main du gouvernement, un certain Karp Lykov a décidé d’emmener sa famille dans le désert sibérien pour s’échapper.

Ils ont pris avec eux quelques graines, quelques vêtements et quelques outils, et pas grand-chose d’autre. La famille de quatre personnes – les deux parents et deux jeunes enfants – a construit des abris de fortune et s’est éloignée de plus en plus de la civilisation pour s’assurer qu’elle était en sécurité.

Ils ont fini par s’installer dans une région montagneuse, à 240 km de la ville la plus proche, sans routes, sans électricité, sans machines… et, surtout, sans combustibles fossiles.

Ils pouvaient labourer la terre… et planter leurs légumes et leur seigle. Ils pouvaient couper des arbres et chauffer leur masure au bois. Ils pouvaient chasser des animaux de temps en temps, les poursuivre ou les capturer dans des pièges ; ils n’avaient pas de fusils, pas même un arc et des flèches.

Deux autres enfants sont nés. Et c’est ainsi que la famille a vécu pendant quatre décennies, jusqu’à ce qu’elle soit découverte par des géologues soviétiques qui exploraient la région à la recherche de combustibles fossiles et de minéraux.

Des choix difficiles

Comment s’en sortaient-ils ? Ils avaient de l’air frais. Du soleil. Un ruisseau d’eau froide et claire à côté de leur cabane. Que pouvaient-ils vouloir de plus ?

Eh bien, de la nourriture. Ils ont vécu pendant de nombreuses années au bord de la famine. Quand une gelée tardive en 1961 a détruit leur jardin, la femme de Karp a dû faire un choix difficile. Mais c’était un choix auquel les femmes avaient été confrontées de très nombreuses fois dans l’histoire. Il n’y avait pas assez à manger pour toute la famille. Elle pouvait manger. Ou ses enfants pourraient manger.  Elle a choisi de laisser les enfants manger. Elle est morte de faim.

Quelques années après avoir été redécouverts par les autorités soviétiques, trois des enfants sont morts aussi. Deux d’une insuffisance rénale – peut-être à cause de leur régime alimentaire limité et très pauvre. Le troisième, Dmitry, est mort d’une pneumonie.

Dmitry a grandi dans la nature sauvage, sans combustibles fossiles pour chauffer sa maison, alimenter sa voiture, lui fournir de la nourriture ou le divertir avec Netflix ou Facebook.

Il est devenu chasseur. Et il est devenu incroyablement résistant. Il pouvait poursuivre une antilope pendant des jours, pieds nus, en hiver… et dormir dans le froid. Il avait passé toute sa vie dans des conditions auxquelles la plupart des gens aujourd’hui ne pourraient pas survivre pendant 48 heures. Mais il avait aussi été loin des rhumes et des bactéries que la plupart d’entre nous affrontent chaque jour. Quand les géologues sont arrivés… ils ont apporté la maladie avec eux. Dmitry n’avait aucune résistance.

La vie sans les combustibles fossiles n’était pas impossible, mais pas non plus très agréable.

A suivre…

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