Dans le secteur de la santé, l’Etat ne se limite pas à intervenir avec les services publics. Sa pression s’exerce aussi sur les acteurs privés, et l’inflation en est d’autant plus forte…
Nous avons vu dans de précédents articles que l’inflation que nous vivons depuis 20 ans n’a pas vraiment de liens avec le Covid ou la guerre en Ukraine. C’est plutôt la pression de l’Etat qui fait monter les prix.
C’est particulièrement vrai avec les prix de l’électricité, par exemple, qui ont, entre 2000 et 2021, augmenté plus de 71%, contre 33% pour les prix à la consommation. Comme pour le gasoil (90% sur la même période), une grande partie de la hausse est due à des changements de fiscalité : toujours plus de taxes, qui sont aussi toujours plus élevées.
Le problème est encore plus visible avec les cigarettes : les taxes représentent 554% du prix HT d’un paquet. Quand un paquet coûtait, en tout et pour tout, 3,20 € en 2000, c’est désormais 10 €, donc 8,44 € qui reviennent à l’Etat.
Son autre moyen d’action favori, c’est les réglementations. C’est notamment par ce moyen qu’il pousse à la hausse les prix de l’immobilier, qui ont augmenté de 167,5% depuis l’an 2000, d’après les chiffres de l’Insee.
Nous ne sommes pas non plus épargnés du côté de la santé.
Complémentaires santé : 66% de hausse en 20 ans
Selon l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, les cotisations des assurances complémentaires santé ont connu une augmentation annuelle moyenne de 4,3% entre 2006 et 2021. La Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) affirme, de son côté, que les cotisations des mutuelles ont augmenté en moyenne de 3,3% par an en 20 ans, légèrement moins que les dépenses de santé sur la même période (3,4%).
L’écart entre l’UFC-Que Choisir et la FNMF n’est pas négligeable, mais, quel que soit le « bon » chiffre, il semble bien que les tarifs des mutuelles aient augmenté au moins deux fois plus vite que l’inflation (1,6% en moyenne par an, entre 2000 et 2021).
Les complémentaires sont donc montrées du doigt, en particulier par la Cour des Comptes. Dans un rapport de juin 2021, elle s’en prenait aux frais de gestion qu’elle jugeait trop élevés, reprenant ainsi à son compte une critique régulièrement formulée par les associations de consommateurs. Les magistrats proposaient « une régulation accrue des complémentaires », avec une plus grande standardisation des offres et un encadrement des frais de gestion.
En octobre 2021, ce sont les ministres Véran et Dussopt qui appelaient à une modération des tarifs en 2022. Les deux ministres ont écrit aux fédérations professionnelles leur indiquant que :
« Une hausse des tarifs des complémentaires santé ne serait en effet pas justifiée et ne pourrait être comprise. La modération de ces tarifs est un sujet d’importance pour le pouvoir d’achat, d’autant plus dans le contexte de relance économique : c’est une dépense contrainte, à laquelle les ménages ne peuvent échapper. »
Alors ministre de la Santé, Olivier Véran ira même jusqu’à brandir la menace de la création d’une « Grande Sécu » qui absorberait les complémentaires santé et prendrait à sa charge la quasi-totalité des frais de santé.
Si les tarifs des complémentaires santé ont augmenté, c’est en partie parce qu’elles ont dû faire face à de nouvelles obligations (Solvabilité 2, « 100 % Santé », etc.), et parce que les dépenses de santé ont progressé de 33% depuis 10 ans, ce qui a entraîné une augmentation des remboursements de 6,6 Mds€ qu’il a bien fallu financer – les complémentaires ne pouvant être structurellement en déficit, contrairement à l’Assurance maladie.
La fiscalité explose aussi
Un autre facteur explique la hausse des tarifs des complémentaires santé : les taxes. Elles ont augmenté de 658% en 20 ans !
En 1999, les organismes d’assurance sont obligés de s’acquitter d’une contribution pour financer la couverture maladie universelle (CMU). De 1,75% en 1999, la taxe passe à 2,5% en 2006 puis à 5,9% en 2009. En 2010, pour participer au financement de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1, une contribution exceptionnelle de 0,34% est instaurée. Elle sera finalement pérennisée et intégrée à la contribution CMU l’année suivante. En 2011, la contribution CMU devient la taxe de solidarité additionnelle (TSA) et son taux est porté à 6,27%.
La même année, la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) s’applique aux contrats responsables des complémentaires santé qui en étaient jusqu’alors exonérés. Les contrats subiront un taux de TSCA de 7%, qui sera doublé (14%) pour les contrats non responsables en 2014.
En 2016, la TSA absorbe la TSCA et s’élève désormais à 13,27% pour les contrats responsables et à 20,27% pour les contrats non responsables.
En 2020 et 2021, une nouvelle contribution, appelée « taxe Covid », a été mise en place sous le double prétexte que les coûts de la Sécurité sociale ont augmenté durant la pandémie alors que les complémentaires santé ont réalisé, au contraire, des économies car de nombreux soins et consultations ont été reportés.
Cette taxe Covid a pris la forme d’une hausse de la TSA, qui a donc été portée à 15,87% en 2020. Cette année-là, les complémentaires santé ont dû s’acquitter de 3,2 Mds€ de taxes. En 2021, la TSA a été baissée à 14,57%, et elle a retrouvé son taux initial de 13,27% en 2022.
Passant de 1,75% à 13,27%, la taxation des cotisations d’assurances complémentaires santé a bien été augmentée de 658% en 20 ans ou, si l’on préfère, multipliée par 7,58.
L’augmentation a même été de 807% avec la taxe Covid, en 2020.
De plus, il ne faut pas oublier d’ajouter à la TSA le forfait patientèle médecin traitant (FPMT), versé aux médecins pour le suivi des patients les ayant déclarés comme médecin traitant. Avant 2009, les complémentaires santé versaient un forfait annuel en euros en fonction du nombre d’assurés de plus de 16 ans ayant consulté son médecin traitant dans l’année. Depuis 2009, le FPMT prend la forme d’une taxe de 0,8% sur les cotisations perçues.
C’est donc bel et bien les gouvernements successifs qui ont fait augmenter les tarifs des assurances complémentaires santé.
Réduire le poids de l’Etat
Si la hausse des prix a des raisons conjoncturelles, elle a aussi des causes structurelles, comme nous avons tenté de le mettre en lumière dans cette série d’articles.
En 20 ans, les produits que nous avons étudiés ont tous augmenté plus fortement que l’indice des prix à la consommation (IPC). Le coût des complémentaires santé a augmenté deux fois plus que l’IPC, le gasoil trois fois plus, l’électricité, le gaz et autres combustibles près de quatre fois plus, les logements cinq fois plus, et enfin les cigarettes, presque sept fois plus.
Cette inflation est essentiellement due aux politiques publiques qui réglementent et taxent outre mesure ces produits. Par exemple, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui s’applique sur le gasoil a augmenté de près de 53% entre 2002 et 2021 – et elle aurait dû augmenter de 101% si les événements n’avaient pas fait reculer le gouvernement. La contribution au service public d’électricité (CSPE) a augmenté de 650% entre 2002 et 2021. Le coût de la construction a progressé de 74 % entre 2000 et 2021. Etc.
Comme l’a expliqué Mathilde Lemoine, chef économiste du groupe Edmond de Rothschild, les prix administrés (eau, collecte des ordures ménagères, électricité, gaz, services postaux, médicaments et tabac) « ont crû plus rapidement en France que dans les autres pays de la zone euro depuis le début des années 2000 » : plus de 70% en France, contre 50 % en moyenne dans la zone euro. Parallèlement, les prix alimentaires, qui sont libres dans notre pays, n’ont progressé que de 34% soit, peu ou prou, autant que l’IPC.
Pour vraiment redonner du pouvoir d’achat aux Français, il conviendrait de réduire le poids de l’Etat, de baisser les prélèvements obligatoires, de diminuer la réglementation et les normes, de réformer les administrations publiques, notamment en diminuant le nombre d’agents et en mettant en concurrence et « dénationalisant » des services comme la Sécurité sociale, de réformer les retraites en mettant en place un système par capitalisation.
Tout le reste, à commencer par les beaux discours du gouvernement – comme sa campagne de communication « Contre la hausse des prix, l’Etat agit » –, n’est que de la poudre aux yeux.