La Chronique Agora

Quand nos politiciens ne savent plus où ils habitent

Comme vous le savez, nos politiciens sont bourrés de qualités. Tous plus empreints de convictions, désintéressés et travailleurs les uns que les autres, ils font la prospérité de notre pays et le bonheur de leurs concitoyens.

Cependant, personne n’est parfait : il leur arrive parfois d’être sujets à des trous de mémoire passagers – voire, dans certains cas, à ne plus savoir du tout où ils habitent. 

Quand tu trompes de 800 km

Les municipales se rapprochent et nombre de candidats se sont déjà déclarés. Certains ont cru bon de le faire en fanfare à grand renfort d’illustrations tape-à-l’œil. Or, en matière de relations publiques, il ne faut pas aller trop vite en besogne, comme l’a appris à ses dépens Sophie Errante, députée LREM de la 10ème circonscription de la Loire-Atlantique.

Le 29 mai, cette ancienne élue socialiste (eh oui, encore une…) a cru bon d’annoncer ses intentions au sujet de la mairie de Nantes en recourant à cette photo d’une splendide fontaine qui fleure bon l’ancrage local.

Problème : ce n’est pas une fontaine nantaise que vous voyez ici, mais l’une de ses homologues montpelliéraines. Aïe.

La boulette a bien sûr été très rapidement corrigée sur le site internet de la députée, mais cela faisait déjà longtemps qu’elle s’était répandue sur Twitter, donnant lieu à son lot de détournements.

Bien sûr, à l’ère du « droit à l’erreur », la députée comptait très fort sur la clémence du public.

Résultat des courses, Sophie Errante a fait une nouvelle annonce fin août. Cette fois-ci, pas de bourde en matière d’illustration : elle informait par contre le public qu’elle jetait l’éponge dans la course à la mairie. En cause : une vague question de « timing ».

Le fait qu’un sondage la donnait perdante face à la maire sortante n’aurait officiellement rien eu à voir avec la choucroute.

Relevons au passage que Sophie Errante est décidément distraite puisque le 19 octobre 2017, elle faisait partie des 13 élus qui avaient oublié de déposer leur déclaration d’intérêts ou de patrimoine auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). 

Quand t’as du mal avec ton « immoublié »

Au mois de février, j’ai déjà eu l’occasion de vous raconter les péripéties de notre ancienne ministre de la Culture, laquelle avait à nouveau « oublié » de déclarer des travaux immobiliers, ce qui lui aurait permis d’éviter de payer la batelle de 52 500 € d’impôts et taxes, selon les chiffres du Canard Enchaîné.

Françoise Nyssen n’est pas la seule ministre à avoir de sérieux problèmes d’« amnésie patrimoniale » : Nicole Belloubet, ministre de la Justice, a elle aussi « oublié de mentionner » ses parts dans trois biens immobiliers (pour une valeur totale de 336 000 €) lors de sa déclaration de patrimoine déposée le 21 juin 2017 auprès de la HATVP, suite à son entrée au gouvernement.

Elle a cependant rectifié sa déclaration le 1er décembre 2017, preuve qu’il n’y avait « aucune intention de fraude » selon elle, d’autant plus qu’elle avait déjà déclaré l’existence de ces biens à l’administration fiscale.

Et j’accorde très volontiers le bénéfice du doute à la ministre.

Seulement voilà : peut-être madame Belloubet aurait-elle pu se fendre d’une considération sur les ravages d’une bureaucratisation toujours plus poussée de la vie quotidienne, laquelle est loin de ne concerner que les ministres !

La Garde des Sceaux vient donc d’avoir un avant-goût de l’enfer dans lequel nos politiciens ont en fait plongé la quasi-totalité de la population, comme en témoignent les réactions qui ont suivi sur Twitter. Ces dernières sont d’autant plus compréhensibles que l’administration et la justice française ont tendance à se faire beaucoup plus clémente vis-à-vis de certains élus que vis-à-vis du reste de la population.

Voilà le prix à payer (bien modeste) lorsque l’on se rend compte à ses dépens (l’espace d’un instant seulement) que l’on vit dans un véritable enfer réglementaire et fiscal.

Précisons que ces aveux font suite à une dénonciation opérée « dans les règles de l’art » par Jean-Luc Mélenchon, lequel connaît actuellement quelques démêlés avec la justice d’un Etat auquel il semble faire beaucoup moins confiance qu’au Venezuela.

Pour rappel, le litige porte sur les incidents autour de la perquisition d’octobre 2018 au siège de LFI, dans le cadre d’une enquête sur des soupçons d’emplois fictifs au Parlement européen et sur les comptes de la campagne présidentielle de 2017…

Quand tu te prends carrément pour Rihanna

Comme d’habitude, je vous ai gardé le plus extraordinaire pour la fin.

A votre avis, quel politicien de carrière français de seconde zone a déclaré au mois de mars : « Je suis connue dans le monde entier » ?

Je vous aide : cette dame pas du tout consensuelle dit aimer tout particulièrement la lecture, la gymnastique, le cinéma et les fruits de mer. Toujours pas ?

Mais il s’agit de Ségolène Royal, bien sûr !

Voici ce que confiait au mois de mars à Marie Claire celle qui m’oblige à vous parler d’elle quasiment chaque samedi :

« Je suis connue dans le monde entier […]. J’ai un bilan extraordinaire. La masse de choses que j’ai faites, c’est quand même incroyable. […] Un homme de mon calibre serait utilisé autrement, c’est certain ».

Jusqu’à sa dernière raclée électorale, la reine des pôles continuera décidément de nous parler comme si elle avait vendu 200 millions d’albums dans le monde…

Ceci posé, on ne peut que féliciter notre ministre du Travail, dont les pieds reposent déjà un peu plus solidement sur terre, et dont l’intérêt pour le faste et le pompeux est manifestement plus simple à satisfaire.

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