Aujourd’hui, nous terminons notre tour d’horizon de ces personnalités publiques qui n’ont aucune difficulté à changer aussi rapidement d’avis que de chemise…
Ceux qui arrêtent et qui en même temps continuent
Commençons doucement en évoquant Sibeth Ndiaye. Très franchement, je pensais être délivré du poids de devoir vous parler de cette dame dans quasiment chacun de ces éditos du samedi. Et pour cause, l’inénarrable ex-porte-parole du gouvernement avait annoncé le 7 juillet sa rupture d’avec la politique.
Elle avait évoqué deux raisons qui me semblaient excellentes :
– Vouloir désormais « se consacrer à (s)a famille, (s)es proches » ;
– revenir dans le privé : « j’ai toujours considéré qu’il ne fallait pas, dans une démocratie vivace, des professionnels de la politique, mais des professionnels en politique. Ce précepte, je me l’applique aujourd’hui à moi-même », expliquait-elle alors.
Cette parenthèse s’est cependant bien vite refermée puisque, dès le 25 juillet, elle rejoignait la Commission nationale des talents de LREM, instance créée et chargée d’identifier les nouveaux talents du parti.
Vous m’en voyez désolé, mais nous serons donc sans doute amenés à reparler de Sibeth Ndiaye…
Ceux qui ne pouvaient pas nous dire la vérité
En ce mois de septembre, je me dois ensuite d’évoquer le phénomène des livres politiques de la rentrée littéraire.
Ce grand classique de la langue de bois politicienne consiste pour ses auteurs à prétendre être enfin en mesure de nous dire « la vérité ». Pour rappel, le maître incontesté en la matière demeure bien sûr Jean-François Copé avec son manuel anti-xyloglossie.
Ainsi avons-nous droit chaque mois de septembre à un cortège de livres en réalité aussi peu instructifs que digestes, qui viennent encombrer les têtes de gondoles sur ce thème classique : « je suis enfin libre, je peux arrêter de vous mener en bateau ».
Notez qu’à l’instar des banquiers centraux, les politiciens ont une curieuse propension, une fois à la retraite, à dire l’exact contraire de ce qu’ils proclamaient lorsqu’ils étaient en poste – enfin dans les rares livres politiques où l’on apprend quelque chose.
La retraite est décidément un moment magique où les langues se délient miraculeusement…
Ceux qui s’étaient mal souvenus
En parlant de personnes désireuses d’arriver au sommet de la hiérarchie politique, il me semble important de revenir sur l’affaire Fillon. Vous vous souvenez que le candidat de la droite et du centre est arrivé 460 000 voix derrière Marine Le Pen lors du premier tour des élections présidentielles d’avril-mai 2017 (20,01% des suffrages exprimés pour le premier, 21,30% pour la seconde).
Encore plus que d’habitude, cette campagne a été perturbée par la propagation de différentes affaires, la plus retentissante d’entre elles étant bien sûr l’affaire Fillon.
Tout a commencé le 25 janvier 2017 avec la publication dans le Canard enchaîné d’un article traitant d’éventuels emplois fictifs autour de l’ancien premier ministre, en particulier concernant son épouse Penelope.
Rappel de Wikipédia :
« Le jour même, le parquet national financier (PNF) ouvre une enquête préliminaire pour détournements de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits [avant que François Fillon ne soit] mis en examen le 14 mars 2017 pour ‘détournements de fonds publics’, ‘complicité et recel de détournements de fonds publics’, ‘complicité et recel d’abus de bien sociaux’ et ‘manquements aux obligations de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique’. »
Pour le plus grand bonheur des médias, les programmes électoraux ont pu être plus ou moins mis de côté au profit d’un examen de moralité des candidats. A l’époque, celui qui était encore le favori dans les sondages clamait qu’il était victime d’« un coup d’Etat institutionnel », et ses avocats avaient dénoncé les fondements de la procédure ainsi que l’incompétence du PNF pour traiter cette affaire.
Le problème, c’est qu’Eliane Houlette, qui était cheffe du Parquet national financier depuis sa création en décembre 2013 suite à l’affaire Cahuzac, et ce jusqu’à sa retraite le 13 avril 2019, certifiait en juin 2019 – soit deux mois après la cessation de ses activités professionnelles – que l’affaire Fillon s’était déroulée dans les règles de l’art…
… avant de finalement changer de version lorsqu’elle s’est retrouvée entendue le 10 juin 2020 par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale consacrée aux « obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire ».
La dame a alors déclaré rien de moins qu’avoir fait l’objet de « très, très nombreuses demandes » du parquet général qui « s’ingérait au quotidien dans l’action publique ». Ces demandes « étaient d’un degré de précision ahurissante. Je les ai ressenties comme une énorme pression », a-t-elle expliqué.
Chez certains individus, c’est l’entrée en retraite qui déclenche les changements officiels d’opinion. D’autres doivent se retrouver appelés en tant que témoins pour qu’une autre version des faits voie le jour. Allez savoir, peut-être madame Houlette nous gratifiera-t-elle bientôt d’un livre…
Après les affaires de l’Observatoire, Marković et des diamants de Bokassa, la liste des très glissantes peaux de bananes de la Ve République pourrait donc bien se rallonger…
Aux dernières nouvelles, François et Penelope Fillon ont été jugés coupables et condamnés en première instance le 29 juin 2020. L’ancien candidat à la présidentielle a en particulier écopé de cinq ans de prison dont deux ans ferme et d’une amende de 375 000 € pour détournement de fonds publics.
Son épouse a quant à elle été condamnée à trois ans de prison et une amende de 375 000 € pour complicité de détournement de fonds public. Le couple a fait appel.
Ceux qui basculent du côté lumineux de la Force
Terminons cette série sur une note d’espoir en évoquant l’un des rares cas de changement d’avis dans le bon sens du terme, en l’occurrence un retour à la raison scientifique.
Jusqu’à mi-2020, Zion Lights occupait le poste de porte-parole outre-Manche du groupuscule éco-collapsologue et antinucléaire Extinction Rebellion. Au mois de juin, cette jeune femme de 36 ans a opéré un changement de vie radical en quittant cette organisation pour devenir… lobbyiste pro-nucléaire !
Elle explique ce revirement dans le Daily Mail :
« Entouré d’activistes antinucléaires, j’avais laissé la peur des radiations, des déchets nucléaires et des armes de destruction massive s’infiltrer dans mon subconscient. J’ai réalisé que j’avais été dupé dans le sentiment anti-science depuis tout ce temps. […] Les faits n’ont pas vraiment changé, mais une fois que je les ai compris, j’ai changé d’avis. »
Bravo à Zion Lights pour son honnêteté intellectuelle et pour ne pas avoir confortablement attendu de prendre sa retraite ou d’être appelée en tant que témoin pour « prendre ses responsabilités », comme disent bien des politiciens – sans pour autant jamais le faire !