La Chronique Agora

Quand l’Etat touche à ce qui ne le regarde pas…

Récapitulons : le budget du ministère de la Culture nous coûte une blinde (4,12% du budget général de l’Etat, soit 212 € par habitant) et il profite essentiellement à Paris. A l’image du pape réputé infaillible dans son jugement, le ministère de la Culture « sait » faire le distinguo entre la bonne et la mauvaise culture.

En conséquence, l’immixtion du gouvernement dans la production culturelle nationale aboutit à l’émergence d’une culture officielle d’Etat, comme nous avons pu le voir au sujet des arts plastiques et du cinéma.

Pourtant, l’émergence des Wikipédia, YouTube, Netflix et autres Spotify a confirmé s’il en était encore besoin que la culture n’a nul besoin de l’Etat pour se diffuser.

Ce serait même plutôt le contraire.

Les usines à gaz culturelles ralentissent la diffusion de la culture au sein de la population !

Dès lors que l’Etat touche à quelque chose qui ne le regarde pas, on en revient au grand principe de Frédéric Bastiat, que je me permets d’amender pour mieux le faire coller à notre époque : en économie, il y a ce que nos énarques veulent bien voir et ce qu’ils sont incapables de discerner (ou préfèrent ignorer – je vous laisse le soin de trancher).

Le mécanisme à l’œuvre est élémentaire : si le ministre de la Culture décide, dans sa souveraine clairvoyance, d’octroyer 1 € de subvention à Pierre, il prive alors Paul, qui n’a pas le privilège de bénéficier des faveurs de ceux qui tiennent les cordons de la bourse publique, d’1 € d’argent privé – les subventions n’étant faut-il le rappeler que des impôts prélevés ou en devenir.

Dit autrement, le budget de la Culture officielle subventionnée diminue d’autant le budget de la culture libre, c’est-à-dire choisie individuellement par chaque consommateur.

Enfin quand je dis 1 €, c’est en fait largement plus que cela puisque pour subventionner Pierre, il faut rémunérer en amont pléthore d’intermédiaires politiques et bureaucratiques, chargés de décider de l’allocation des ressources publiques et de les distribuer.

Voilà la remarque que devrait faire chaque journaliste lorsqu’un politicien se gargarise de mener de nouvelles « expérimentations culturelles » qui ne sont – rassurez-vous – évidemment pas perdues pour tout le monde.

Il ne faut donc pas compter sur nos politiciens pour résorber la fracture culturelle, bien au contraire.

Pour faire en sorte que la culture soit mieux répartie sur le territoire, il existe pourtant une solution très simple…

Peut-on compter sur les médias grand public pour rattraper le coup ? Pas vraiment. S’il leur arrive de pointer du doigt un « scandale culturel français », ce n’est que pour dénoncer le fait que Paris se taille la part du lion des subventions publiques, le reste du territoire s’en partageant les miettes.

Pour le reste, c’est « circulez, y’a rien à voir ! » Et pour cause : la presse est, elle aussi… largement subventionnée.

Rappelons à l’attention de ces braves gens que pour régler le problème des inégalités territoriales de l’offre culturelle, il existe une solution très simple : abandonner notre modèle vertical au profit d’un modèle horizontal, c’est-à-dire restaurer la liberté de choix individuel au détriment d’un choix collectif qui aboutit à l’hypertrophie culturelle parisienne.

Il en va de même pour la culture en ligne.

Et maintenant, place à la redevance YouTube !

Saviez-vous qu’en octobre 2017, non content d’avoir zombifié une bonne partie des artistes et des journaux français en les maintenant sous perfusion d’argent public, l’Etat s’est arrogé la mission de subventionner les YouTubers ?

C’est par l’entremise du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) que vos impôts sont disséminés sous forme d’« aides aux créateurs de vidéos sur Internet », le dernier espace de création culturelle qui n’était pas encore perverti par le fléau des subventions étatiques.

Comme l’explique le blogueur h16 :

« On ne parle pas de l’euro symbolique puisqu’il s’agit de jolies sommes. Jugez plutôt : selon l’annonce du CNC, un fonds d’aide sera donc créé et doté de deux millions d’euros par an pour financer les créateurs de vidéos sur internet et ce, jusqu’à 30 000 €, pour la création d’œuvres. Cette aide s’adressera aux créateurs vidéo ayant au moins 10 000 abonnés ou ayant été dans un festival.

Attendez, ce n’est pas tout : ce fonds permettra aussi d’aider les chaînes de créateurs jusqu’à 50 000 €, pour les créateurs vidéo ayant 50 000 abonnés ou plus. »

Il me faut également évoquer non pas une « dérive » de ce système – comme disent les étatistes –, mais le vice intrinsèque à tout système de subvention, j’ai nommé le copinage.

Car voyez-vous, les fonctionnaires du CNC ont trop de trombones à déplier pour auditer les YouTubers qui prétendent à un petit coup d’arrosage d’argent public. Nos bureaucrates se font donc assister par une commission consultative, composée… des YouTubers les plus en vue.

Et là, ce qui doit arriver arrive : c’est le drame pour nos pauvres chéris à plusieurs millions d’abonnés, qui ne rechignent cependant pas à encaisser des centaines de milliers d’euros de subventions.

Les accusations de conflit d’intérêt et autres renvois d’ascenseurs pleuvent comme vache qui pisse et, si personne n’a officiellement enfreint la loi, d’aucuns ont vu leur intégrité sérieusement questionnée.

Mais ce n’est là qu’une partie du problème. On peut aisément imaginer que le CNC et ses majestés de YouTube ne tarderont pas à s’aligner sur les derniers standards hollywoodiens en matière de doxa cinématographique. Ainsi peut-être faudra-t-il bientôt, pour être éligible à une subvention, valider un cahier des charges basé sur un système de quotas à la sauce gauche identitaire. Le YouTube français franchirait alors une étape supplémentaire sur la voie de sa zombification.

De mon point de vue, que ce soit en matière de cinéma, de presse ou de vidéos YouTube, la seule subvention légitime, c’est celle que l’on fait directement en mettant la main à son porte-monnaie.

Rien de plus facile en ce qui concerne les créations postées sur YouTube : les plateformes permettant de procéder à cette subvention libre ne manquent pas, et les intéressés indiquent leurs références Tipeee, Utip et autres dans la description de chacune de leurs vidéos. Exemple ici avec l’un de mes YouTubers français préférés :

Alors j’ai bien conscience que « Tiper » ses YouTubers préférés, cela peut constituer une démarche complexe pour certains individus puisqu’il s’agit d’une démarche d’adulte libre (pas de CNC pour vous guider) et responsable (donc non défiscalisée).

Mais c’est là le moyen le plus à portée de main pour se dresser contre la transformation de la culture française en un immense champ de ruines.

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