▪ Il est de ces séances de Bourse où il vaudrait mieux adopter la méthode Cécile Duflot. C’est-à-dire évoquer sur Twitter la recette du chili con carne pendant que les médias déversent des analyses affirmant tout et son contraire, avec en prime cette touche de mauvaise foi ou d’arrogance qui trahit la volonté de paraître tout comprendre… et qui masque si maladroitement une incompétence crasse.
Vous avez pu lire hier à quelques heures d’intervalle autant de commentaires expliquant à quel point le repli initial des indices boursiers était logique en regard des fondamentaux. Vous avez aussi pu lire combien il était normal de se réjouir de la résilience des marchés puisque Mario Draghi venait de rappeler à juste titre que grâce à l’intervention salvatrice de la BCE, la crise de l’Eurozone était quasiment résolue !
▪ Les banques centrales ont toujours raison…
Cela tient presque du miracle puisque pas un seul des euros qui font saliver les marchés n’a encore été injecté dans les économies en difficulté. Tout reste conditionné par un appel à l’aide de l’Espagne qui continue de jouer la montre alors que l’Andalousie vient de réclamer cinq milliards d’euros à Madrid — des milliers de fonctionnaires ne sont plus payés depuis des semaines.
Sur les forums boursiers, les haussiers (aussi appelés les optimistes invétérés) se félicitaient en clôture de leur bonne fortune, le CAC 40 ayant repris 40 points par rapport à ses planchers du jour. Ils n’ont d’ailleurs pas manqué l’occasion de faire la leçon à tous ces idiots de baissiers (également appelés les sceptiques) : « on ne s’oppose pas aux banques centrales, lesquelles ont toujours raison ».
Peut-être y a-t-il du vrai dans cette maxime. Mais en voyant replonger Wall Street dans le rouge une heure après la clôture des places européennes (le CAC 40 effaçant tous ses gains du jour pour retomber sous les 3 480), nous leur posons la question suivante : qu’est-ce qui se passe quand les membres de la même Banque centrale ne sont pas d’accord entre eux ?
▪ …sauf si elles ne sont pas d’accord entre elles !
Qu’est-ce que signifie un vote à l’unanimité — moins une seule voix — lorsque plusieurs présidents d’antennes régionales de la Fed expliquent à peine10 jours plus tard que c’est une initiative contestable dans son principe, probablement inefficace, et prise au mauvais moment ?
▪ Bientôt les chaises musicales à Washington et à la Fed ?
Nous avions déjà avancé l’hypothèse (dès le 13 septembre dernier) que Ben Bernanke avait entraîné ses collègues de force dans la fuite en avant que constitue l’adoption d’un QE illimité. De cette manière, Bernanke s’assure de conserver son fauteuil de patron de la Fed, en faisant grimper Wall Street envers et contre tout… une hausse synonyme de réélection quasi assurée de Barack Obama.
Son rival républicain s’était quasiment engagé (fin août) à le virer en cas d’élection.
Il ne fait plus aucun doute que ce sera le cas si Mitt Romney triomphe mi-novembre. Nul patron de la Fed n’a jamais osé prendre d’initiative monétaire aussi ouvertement favorable au président en exercice — il existe normalement depuis 1913 une tradition d’apparente neutralité, assez bien respectée depuis un siècle.
Ce sont les déclarations de Charles Plosser critiquant le QE3 (inutile et inefficace) qui ont douché Wall Street mardi en fin d’après-midi. Le Dow Jones a lâché une centaine de points, le Nasdaq -1,35%. Le S&P500, quant à lui, chutait de 1%, ressortant par le bas de son corridor 1 457/1 465 points (après avoir successivement clôturé à 1 465, 1 461, 1 459, 1 461, 1 460, 1 457 et ouvert à 1 460 ce mardi).
Autant vous dire que les permabulls ont pris un coup au moral mardi soir ! Ils avaient trouvé dans le discours de Mario Draghi prononcé devant le BDI (hier en début d’après-midi) un très bon prétexte pour faire ressortir le CAC 40 de la « zone rouge » au moment opportun — il flirtait encore à mi-séance les 3 475 points.
▪ Mario Draghi : un nouveau super-héros ?
Le patron de la BCE s’est auto-décerné un satisfecit, constatant les effets positifs de l’annonce de la mise en place de mesure susceptibles de sortir la Zone euro de sa situation de crise.
La magie du verbe de Mario Draghi a opéré une fois encore puisque les places européennes affichaient au final +0,4%, sous les applaudissements des permabulls, des gérants qui se laissent porter par le courant (peu importe pourquoi ça monte, pourvu que ça monte) et de la plupart des médias financiers qui pensent que leur lectorat est prêt à croire n’importe quoi.
La majeure partie des commentateurs se sont félicités de constater que quelques paroles rassurantes de Mario l’Enchanteur et une bonne statistique du moral des ménages américains (mi-septembre) suffisaient à faire oublier les inquiétudes de la matinée concernant la Grèce. Rappelons que cette dernière est incapable de faire face à ses engagements, d’après des informations recueillies par la presse allemande.
▪ Les Européens vont encore devoir mettre au pot
Christine Lagarde avait confirmé lundi qu’un « problème de financement » persistait en dépit de l’aide internationale. Quelques heures plus tard, c’était au tour de Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, de déclarer officiellement le refus d’une restructuration de la dette grecque qui serait assimilable au refinancement monétaire d’un Etat, opération formellement proscrite par les statuts de la Banque centrale européenne.
Il va donc falloir que les créanciers privés et publics (comprenez : les contribuables européens) remettent la main à la poche s’il apparaît qu’une rallonge de quelques dizaines de milliards d’euros est indispensable pour éviter qu’Athènes se déclare en faillite une fois pour toute.
▪ Si la Chine et l’Allemagne nous lâchent…
Autre motif d’inquiétude, le FMI s’apprête à réviser à la baisse ses prévisions de croissance mondiale, tant le ralentissement conjoncturel chinois devient évident pour une majorité d’économistes. Depuis 12 à 18 mois, la hausse du PIB repose pour les deux tiers sur des dépenses d’infrastructure. Sans le nouveau plan de 125 milliards d’euros consacré aux grands travaux annoncé par Pékin il y 15 jours, l’économie chinoise irait droit dans le mur (il n’en est pas question).
C’est en faisant référence à la situation dans les pays émergents que Volkswagen déclare anticiper des « conditions significativement plus difficiles » en 2013. Après Siemens et Daimler, c’est le troisième groupe industriel allemand à émettre une alerte sur la conjoncture.
Enfin, d’après les chefs d’entreprise interrogés par l’INSEE, l’activité dans l’industrie française continue de se dégrader en septembre. L’indicateur synthétique du climat des affaires dans le secteur se retrouve au plus bas depuis septembre 2009.
Alors que de nombreux opérateurs fêtent Yom Kippour en ce mercredi, Wall Street s’avère incapable de s’accrocher aux niveaux médians en vigueur depuis le 14 septembre dernier. Le consensus était que les indices américains n’iraient nulle part et continueraient d’aller nulle part d’ici jeudi matin — grâce à la presque toute puissante « camisole algorithmique »… qui vient à la surprise générale de perdre une manche.
En fait, ce sont tous ces mensonges sur la réalité économique, tous ces tripatouillages indiciels abscons et tous ces QE inappropriés qui ne mènent nulle part !