La Chronique Agora

Un QE qui ne dit pas son nom

Peu importe le nom qu’on lui donne, une injection de liquidités reste une injection de liquidités… et les marchés apprécient. Qu’en est-il de l’économie ?

Vendredi dernier, Loretta Mester, présidente de la Fed de Cleveland, a réitéré les propos de ses collègues : « La décision de la Fed sur les réserves ne signifie pas reprise des QE. »

Le problème est que les opérations de liquidités de la Fed, et l’expansion résultante du bilan de la Fed, soutiennent les marchés quel que soit le nom qu’on leur donne !

Les marchés ne sont pas gênés par une étiquette « QE » ou « opération de pension au jour le jour ».

Les mesures agressives de la Fed, peu importe leur nom, cristallisent davantage la vision du marché selon laquelle la Fed et les banquiers centraux mondiaux ont peu de tolérance face à l’instabilité des marchés financiers et monétaires.

Pour de bonnes raisons : les marchés s’attendent à ce que les banques centrales réagissent avec une force presque démesurée face à tout problème susceptible de déclencher une dynamique de crise.

Deuxième plus forte expansion monétaire de l’Histoire

La planche à billets marche déjà à plein régime, y compris aux Etats-Unis. La masse monétaire M2 a bondi de 70,2 Mds$ la semaine dernière, la plus forte progression depuis la semaine du 11 janvier 2016. C’est passé inaperçu. En outre, M2 a progressé de 262 Mds$ en 10 semaines et de 575 Mds$ sur 22 semaines.

Le rapport hebdomadaire H6, qui mesure l’encours de la dette et de la masse monétaire de la Fed, fait ressortir un taux de croissance de M2 désaisonnalisé sur 13 semaines de 8,5% !!!

L’extraordinaire croissance de 575 Mds$ au cours des 22 dernières semaines est la deuxième plus forte expansion monétaire sur 22 semaines de l’histoire des Etats-Unis. Elle est dépassée seulement par la période de QE2 de 2011, où les avoirs de la Fed avaient augmenté de 600 Mds$.

La croissance de M2 ​​a culminé à 530 Mds$ (sur 22 semaines) en février 2009, lors de la première opération d’assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale.

Pour ceux qui doutent de la volonté de la Fed de s‘arc-bouter et d’empêcher toute baisse des marchés, voilà quelques chiffres à méditer.

Chiffres et objectifs

La publication de chiffres de l’emploi n’a pas apporté de surprise, du moins au niveau des apparences ou des commentaires superficiels. On a tout de suite qualifié cette publication de neutre, « Goldilocks » : ni trop chaude, ni trop froide.

Le taux de chômage aux Etats-Unis a atteint son plus bas niveau de 50 ans, à 3,5%. Les créations d’emploi ont été quasi-conformes aux attentes et les salaires ont ralenti vers un rythme de 2,9%. Pas de risques inflationnistes ni déflationnistes particuliers. Les réserves de force de travail sont réduites.

La prévision hebdomadaire de la Fed de St. Louis concernant la croissance du PIB au troisième trimestre pourrait atteindre 3,12%, ce qui serait la lecture la plus forte depuis le troisième trimestre de l’année 2018.

Avec le ralentissement des taux hypothécaires, les marchés du logement regagnent du terrain. Les ventes de logements neufs affichent le rythme le plus rapide depuis 2007. En août, les ventes de logements existants ont enregistré le rythme de progression le plus élevé depuis mars 2018.

Les demandes de prêts hypothécaires récentes ont été supérieures d’environ 10% au niveau atteint l’an dernier. Et à un rythme annualisé de 17,19 millions d’unités, les ventes d’automobiles ont bien résisté en septembre.

Le consommateur travaille, gagne un peu d’argent, emprunte et dépense.

Jerome Powell, président de la Fed, a déclaré que son objectif était que tout cela dure le plus longtemps possible.

Les ISM de la semaine passée – manufacturiers et non-manufacturiers – ont tous deux considérablement manqué leurs estimations. Le secteur manufacturier est faible et l’attention s’est concentrée sur le secteur non-manufacturier des services. Il offre les signes d’un ralentissement croissant. Cependant, à 52,6, l’indice ISM non-manufacturier est toujours en expansion.

Le rendement implicite sur les contrats à terme des fonds fédéraux de janvier a reculé de 10,5 points de base, à 1,47%, portant ainsi le recul de deux semaines à 16 points de base. Cela implique que le marché s’attend à des réductions de taux supplémentaires de 36 points de base d’ici janvier. Les marchés tablent désormais sur une probabilité de 73% de réduction des taux lors de la réunion de la Fed du 30 octobre (en baisse par rapport aux 85% de jeudi).

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