La Chronique Agora

La pyramide de Ponzi censée sauver la Grèce

▪ Un pas en avant, un pas en arrière ! Un pas à gauche, un pas à droite !

Vous avez reconnu la chorégraphie de cette célèbre danse grecque que le Premier ministre hellène a transposée à la politique.

Le peuple grec s’est prononcé contre les propositions des créanciers il y a huit jours et Alexis Tsipras vient tout juste de proposer à ces mêmes créanciers un menu de réformes qui ressemble peu ou prou à celui que les Grecs ont rejeté (voir tableau ci-dessous du site LeMonde.fr).

Thème

Proposition grecque

Exigence des créanciers

Administration publique

Création d’une agence du Trésor autonome, réforme des avantages des fonctionnaires.

Fin des "privilèges" des fonctionnaires et alignement avec les "meilleurs pratiques" de l’UE. Création d’une agence du Trésor autonome.

Aides aux entreprises

Pépinières et aide au développement des entreprises.

 

Autres

Taxe sur les jeux d’argent à 30%.

Taxe sur les jeux d’argent augmentée de 30%.

Autres

Taxe sur la publicité à la télévision, vente d’autorisations d’émettre pour de nouvelles chaînes et de licences de téléphonie.

TVA relevée pour les bateaux de loisirs de plus de 10 mètres.

Autres

Durcissement de la lutte contre l’évasion fiscale.

 

Autres

En cas de difficultés à tenir l’objectif, possibilité d’augmenter les taxes sur les loyers et sur les sociétés au-delà de 28%.

 

Avantages fiscaux

Suppression graduelle des avantages fiscaux des îles d’ici à la fin 2016 (à savoir 30% de réduction sur la TVA).

 

Budget

Nouveau budget en juillet, visant un excédent annuel de 1%, 2%, 3% et 3,5% d’ici à 2018, grâce à une série de réformes.

La Grèce doit s’engager à un excédent budgétaire annuel de 1%, 2%, 3%, puis 3,5% d’ici à 2018.

Défense

Coupe de 100 millions d’euros dans les dépenses militaires cette année, de 200 millions d’euros en 2016.

Baisse de 400 millions d’euros du budget défense.

Energie

Réforme du marché du gaz, privatisation de l’opérateur d’électricité ADMIE et changement de la législation sur les centrales électriques.

 

Fiscalité

Suppression des niches fiscales dans l’agriculture.

Lutte contre les niches fiscales (notamment des agriculteurs et de l’industrie portuaire).

Fiscalité

Limitation des possibilités d’insolvabilité des entreprises et des ménages.

Limitation des possibilités d’insolvabilité des entreprises et des ménages.

Fiscalité des entreprises

Mesures pour augmenter les revenus issus des taxes sur les entreprises, hausse de l’imposition des sociétés à 28%.

Imposition des sociétés à 28%.

Fiscalité des ménages

Fin de la limitation à 25% des revenus des plafonds d’imposition, abaissement des seuils d’imposition à 1 500 euros, renforcement des moyens des agents du fisc.

Fin de la limitation à 25% des revenus des plafonds d’imposition et abaissement des seuils d’imposition à 1 500 euros.

Privatisations

L’Etat grec va vendre sa part restante au capital social des télécommunications grecques (OTE), dont le principal actionnaire est Deutsche Telekom.

 

Privatisations

Appel d’offres pour la privatisation des ports du Pirée (Athènes) et de Thessalonique.

 

Professions réglementées

Déréglementation des métiers d’ingénieur, notaire, actuaire, huissier, libéralisation du marché du tourisme.

 

Retraites

L’âge de départ à taux plein est déjà de 67 ans, ou 62 ans avec quarante ans de cotisation. La proposition est de limiter les départs anticipés.

Age de départ à 67 ou 62 après quarante ans de cotisations, fin des "pensions de solidarité" pour les retraités les plus pauvres. Triplement des cotisations santé des retraités.

Retraites

Suppression des exemptions financées par l’Etat.

 

Réglementations

Réduction des mesures réglementaires sur l’investissement et l’activité.

 

Sécurité sociale

Baisse du remboursement des médicaments, audit de la sécurité sociale.

Baisse des remboursements des médicaments, plan d’économies dans la sécurité sociale.

Travail et salaires

Consultation autour d’une réforme du marché du travail, renforcement de la lutte contre le travail au noir.

Consultation sur le niveau du salaire minimum et sur les possibilités de licenciements collectifs, lutte renforcée contre le travail au noir.

TVA

Taux unique de la TVA à 23% (restauration comprise), 13% pour les produits de base, l’électricité et les hôtels, 6% pour les médicaments, les livres et le théâtre.

Réforme de la TVA à un taux unique de 23% et 13% pour les produits de première nécessité, et à 6% pour les médicaments, les livres, le théâtre.

Source : Le Monde.fr

Néanmoins l’astucieux Premier ministre y a ajouté ses propres conditions :

– une restructuration de la dette actuelle (d’ores et déjà rééchelonnée jusqu’en 2054 !) ;
– une assistance financière (une autre façon de baptiser ce troisième plan de sauvetage) de 74 milliards d’euros sur trois ans destinée à relancer la croissance. 58 milliards seraient apportés par l’UE via le MES (mécanisme européen de stabilité), le complément, 16 milliards, ne pourrait être prêté par le FMI que si la Grèce honore l’échéance non exécutée du 30 juin de 1,6 milliard d’euros. En d’autres termes… un schéma de Ponzi !

Sachant que l’Etat grec sort de ses caisses chaque mois près de deux milliards d’euros pour payer ses fonctionnaires et ses retraités, qu’à ce jour les caisses sont moins que vides et que d’une part la Grèce a fait défaut le 30 juin sur le remboursement de 1,6 milliard d’euros au FMI, et doit, d’autre part, rembourser pour le 20 juillet une échéance de 3,5 milliards d’euros, sans recettes locales supplémentaires et sans tenir compte des autres remboursements suivant l’échéance de juillet. Ces 74 milliards seraient donc épuisés en moins de trois ans (calcul très optimiste basé sur une arithmétique basique).

Après des semaines de tergiversations Tsipras demande donc, ni plus ni moins, qu’un nouveau plan d’aide à ses partenaires européens.

Après deux plans d’aide d’un montant de 110 et 130 milliards d’euros, un allègement de dettes de 107 milliards d’euros et sept plans de réduction des dépenses publiques, la Grèce en est toujours au même point et la même potion "magique" est censée lui redonner force et prospérité.

Après des années à jouer l’autruche, l’establishment politique est aujourd’hui paniqué. Certains admettent enfin qu’une sortie de l’euro serait la voie à prendre, d’autres sont en transe à cette seule idée et invoque tout et n’importe quoi pour écarter cette option.

De façon récurrente les médias nous servent "les Grecs eux-mêmes ne veulent pas sortir de l’euro" comme apportant la preuve de cette nécessité à écarter l’option du Grexit. A-t-on déjà vu un condamné demander au juge de prononcer une peine exemplaire ? Il est bien évident que les Grecs, surtout ceux qui ont de l’épargne, ne souhaitent pas sortir de l’euro, sachant que la monnaie qui s’y substituerait serait fortement dévaluée par rapport à la monnaie unique.

Encore un instant, monsieur le bourreau !

Yannick Colleu
Pour la Chronique Agora

[NDLR : retrouvez toutes les analyses de Yannick Colleu dans L’Investisseur Or & Matières, pour vous positionner en toute connaissance de cause sur le métal jaune.]

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