La Chronique Agora

Produits dérivés : ce qui arriverait en cas de pari perdant

▪ Les produits dérivés financiers américains représentent à eux tous une valeur de plus de trois fois le PIB mondial, comme nous l’avons vu mercredi. L’histoire devient encore plus effrayante lorsqu’on regarde de plus près « de quoi sont faits ces produits dérivés ». C’est un méli-mélo de tout et n’importe quoi.

« Dans son rapport annuel de 2011 », explique James Grant, chroniqueur du Grant’s Interest Rate Observer, « JP Morgan Chase & Co. révèle que la majeure partie des [produits dérivés] de la banque… sont classés comme actifs ‘de niveau 2’ c’est-à-dire qu’ils sont en partie valorisés par analogie ».

Le portefeuille des produits dérivés de JP Morgan n’est pas unique : 97% de l’ensemble des produits dérivés s’échangent « de gré à gré » et l’illiquidité et l’opacité sont la norme. Autrement dit, ils ne font pas l’objet de transactions sur une bourse publique où acheteurs et vendeurs échangent continuellement de l’argent contre des titres, établissant ainsi les valeurs « du monde réel », en temps réel, des titres échangés.

▪ Résumons-nous
1. L’exposition brute des produits dérivés américains est plus de trois fois supérieure au PIB mondial.
2. Quatre banques détiennent près de la totalité de ce risque. (De plus, il y a quatre ans, chacune de ces quatre banques a reçu des milliards de dollars de la part de la Réserve fédérale et du Trésor américain pour assurer leur survie).
3. Quasiment aucun de ces titres ne s’échange sur une bourse transparente, publique. Par conséquent, ils sont valorisés, selon le mot de Jim Grant, « par analogie ».

Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?

▪ L’exemple JP Morgan
Pour commencer à répondre à cette question, étudions plus attentivement l’exposition de JP Morgan — en particulier, le calcul de ses « valeurs de remplacement positives » par rapport à son fonds propre ordinaire.

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Les « valeurs de remplacement positives » représentent l’argent que les autres acteurs du marché doivent à JP Morgan, en se basant sur la valorisation actuelle des produits dérivés sur les comptes du portefeuille de JP Morgan. En d’autres termes, ce sont là les « paris gagnants » de JP Morgan. Mais, les joueurs le savent bien, un pari gagnant ne rapporte pas systématiquement de l’argent. Il faut aussi encaisser le pari du perdant. Par conséquent, la ligne « créances » sur le bilan représente les paris non encaissés.

Qu’arriverait-il si un perdant ne paie pas… comme Lehman Bros. qui n’a pas payé ses dettes il y a quelques années ? Est-ce que cela poserait un problème ? La réponse est simple : oui.

De toute évidence, la taille du problème dépendrait de la taille du ou des paris non recouvrés. Imaginons par exemple que presque tout le monde a honoré ses paris à JP Morgan. Disons que 19 parieurs sur 20 ont remboursé leur dette sauf un seul.

Si une telle chose se passait, il manquerait à la banque près de 90 milliards de dollars — un manque qui réduirait à néant le fonds propre ordinaire de JP Morgan. En d’autres termes, un seul mauvais payeur sur 20 pourrait mettre en péril l’existence même de la banque. Morgan serait insolvable… du moins jusqu’à ce que le Trésor et la Fed volent à son secours pour dissimuler sous des milliards de dollars cette scène de malheur.

Nous ne disons pas qu’une catastrophe va arriver. Nous disons simplement que cela n’est pas inimaginable.

▪ Des déséquilibres périlleux
Nous en arrivons à ce qui est véritablement insensé : on ne compte même pas 20 joueurs sur les marchés des produits dérivés pour diversifier les risques ; il n’y en a que quatre. De plus, parce que seulement quatre grandes banques détiennent 94% des produits dérivés, chacune doit de l’argent aux autres de façon pratiquement incalculable.

Certes, chacune peut compter les valorisations de créances positives et négatives, mais elles ne peuvent pas quantifier ce qui s’ensuivrait si une seule pièce de cet engrenage composé de plusieurs milliers de milliards de pièces se casse. « La concentration élevée de produits dérivés parmi les quatre principaux acteurs », avertit Reggie Middleton du site Boombustblog, « laisse fortement penser qu’ils peuvent être soumis à des niveaux extrêmes de risques de contre-parties les uns envers les autres. JPM est le plus grand acteur sur le marché des produits dérivés avec près de 40% de la valeur nominale totale des produits dérivés aux Etats-Unis. Le 31 mars 2009, la valeur nominale des produits dérivés de JPM représentait 39 fois la totalité de ses actifs et 959 fois ses capitaux propres ordinaires ».

Ces chiffres spectaculaires sont inquiétants. Une telle exposition au risque, opaque et illiquide, est rarement une bonne chose.

Ceci étant dit, il est nécessaire d’ajouter que nous n’avons rien à redire concernant JP Morgan… ni concernant aucune des trois autres grandes banques. Peut-être sont-elles de grandes banques — ou peut-être pas. Nous ne le savons pas. Nous, c’est le péché que nous détestons, pas les pécheurs. Et nous sommes inquiet à propos des risques considérables qui menacent les marchés financiers mondiaux.

N’importe quel crétin peut voir que les quatre grandes banques de produits dérivés devraient retreindre leur exposition avant que n’éclatent les prochaines crises du crédit — plutôt que d’avoir besoin du prochain méga-renflouement. Mais le président de la Fed Ben Bernanke n’est pas stupide. Il possède assez de connaissances et de diplômes pour comprendre que deux ivrognes appuyés l’un sur l’autre équivalent en réalité à une « sobriété nette ».

Nous ne sommes pas aussi intelligents… et ne le serons probablement jamais.

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