La Chronique Agora

Le prix le plus important de tous

inflation, blackout, pétrole, pénurie

Ainsi que ceux du pétrole et ceux fixés par réflexe sur les marchés, mais aussi des feuilles virevoltantes et quelques enseignements du monde des disrupteurs…

« Venez, petites feuilles, dit un jour le vent
Venez ici dans les prés et jouez avec moi
Dans les prés elles ont dansé et volé
En chantant les douces chansonnettes qu’elles connaissaient »
– vieille chanson traditionnelle

Nous avons laissé la cheminée allumée dans la cuisine pendant que nous travaillions dehors ce week-end, démantelant un abri à cheval afin de recycler les matériaux pour agrandir le poulailler. Les chevaux sont partis alors que les poules sont toujours là. Elles ont besoin d’un abri plus grand.

Nous avons construit l’abri à cheval (une petite grange ouverte) il y a environ vingt ans. En retirant les clous, nous nous sommes pris à penser que nous n’aurions pas dû mettre tant de cœur à l’ouvrage.

L’air était frais. Le vent soufflait. Et les feuilles virevoltaient.

Pendant que…

Intéressons-nous au monde de la finance, au monde des prix.

Pour faire court : ils virevoltent également.

Forbes nous parle de l’un des plus importants :

« Lundi matin, les cours du pétrole se repliaient à leur plus bas niveau depuis dix mois, après que des dirigeants chinois ont émis des avertissements importants concernant la propagation inquiétante de la pandémie de Covid dans le pays. Cela accentue l’incertitude qui entoure l’économie mondiale, mais alimente également l’espoir de voir le prix du gallon d’essence passer sous les 3 $ pour la première fois en dix-huit mois.

Les cours du pétrole ont chuté de plus de 18% depuis le début du mois de novembre et le prix moyen du gallon d’essence a connu le même sort, perdant près de 12 cents en une semaine, pour se replier à 3,64 $ le gallon, selon les données de GasBuddy ce lundi. »

Que se passe-t-il ? Qu’est-il advenu de l’inflation ?

Blackout à venir

L’industrie pétrolière est énorme, mature et complexe, mais elle continue à avoir la chair de poule lorsqu’elle écoute l’actualité. Tous les marchés réagissent. Ils s’ajustent. Lorsqu’il fait froid, ils enfilent leur manteau et leur chapeau.

La baisse des prix pousse les entreprises à réduire leur production. La hausse des prix les pousse à l’augmenter. Et alors, que se passe-t-il ? Les prix baissent de nouveau.

Mais les différents secteurs du marché de l’énergie ne sont pas tous logés à la même enseigne. Il paraît que la production de diesel et de combustibles de chauffage s’essouffle, au moins dans le nord-est des Etats-Unis. Un article de Bloomberg explique :

« Un quart des Américains risque de connaître des coupures de courant.

Les réseaux électriques les plus à même de connaître des coupures de courant sont ceux du Texas ainsi que le système central des Etats-Unis – qui s’étend des Grands Lacs à la Louisiane, la Nouvelle-Angleterre et les deux Carolines –, a déclaré le North American Electric Reliability Council lors de son évaluation saisonnière, jeudi dernier.

De graves intempéries pourraient provoquer une flambée de la demande en énergie, alors même que les productions de gaz naturel, de charbon et de combustible d’appoint sont sous tension, laissant une marge d’erreur minime, d’après le rapport. »

Sur le marché des véhicules d’occasion, les prix aussi font les montagnes russes. Bloomberg :

« Le cours de bourse du concessionnaire de voitures en ligne Carvana Co.’s est en train de se replier vers le plus bas niveau de son histoire, car les investisseurs s’inquiètent de plus en plus de la baisse continue des prix des véhicules d’occasion.

Le titre a perdu 14%, se repliant à 6,90$, et est parti pour clôturer à un nouveau point bas. Carvana, que l’on présentait auparavant comme un disrupteur du marché de la concession automobile pour ses ventes en ligne, a vu les investisseurs redoutant une récession se détourner des valeurs de croissance risquées et onéreuses. «

Le cours de l’action Carvana a chuté de 97% par rapport à son plus haut niveau.

Les bénéfices du S&P ont diminué de 10% en glissement annuel.

Vraiment trop bons

Sur le marché de l’immobilier, la hausse des taux d’intérêt et la baisse des prix disruptent les disrupteurs.  Par exemple, Zillow a vu son cours de bourse chuter de moitié depuis le sommet atteint en février dernier. Le prix médian des logements existant a chuté de 8% depuis juin. En octobre, les permis de construire se sont repliés à leur plus bas niveau depuis 26 mois.

Mais ce n’est pas tout. Le prix des engrais a chuté de 40% depuis mars. Le prix des canneberges a reculé de 14%. Le coût du fret mondial a chuté de 73% par rapport à son plus haut niveau.

Mais le prix que nous surveillons plus que tous les autres est le coût du crédit. Et, pour le coup, c’est la Fed qui a perturbé le fonctionnement normal du marché en maintenant des taux négatifs (en termes réels) pendant plus de dix ans. Normalement, les prix évoluent au rythme de l’économie réelle.  Mais sur le marché des taux d’intérêt, il en va autrement : la Fed joue avec les taux d’intérêt et c’est la panique généralisée dans le pays.

Les gouverneurs de la Fed étaient tellement heureux de pouvoir maintenir leur taux directeur à un niveau bas et de pouvoir en faire profiter tous les acteurs de marché. Mais l’excès de générosité a engendré une dette excessive, principalement de mauvaise qualité. Désormais, c’est la Fed qui paie les pots cassés.

La première feuille est tombée à l’été 2020, lorsque le taux d’intérêt sur le bon du Trésor à 10 ans s’est replié à un niveau inférieur à 0,6%. Désormais, un vent froid porte le taux vers les 4%.

A ce niveau-là, le gouvernement américain vacille également. Le taux du Trésor à 10 ans est le pilier de toute la structure capitalistique. Si la totalité de l’édifice de la dette détenue par des acteurs privés, d’une valeur de 24 000 Mds$ aujourd’hui, devait être refinancée au taux de 4%, cela représenterait une dépense supérieure au budget de la Défense.

Mais cela prend du temps. Certes, la valeur de la dette est recalculée chaque jour ouvré, mais elle n’est refinancée que lorsqu’elle arrive à échéance. La dette fédérale américaine a une maturité moyenne de 6 ans. Il faudra donc refinancer 12 000 Mds$ avant 2028.

Conjugué à des déficits de plusieurs milliers de milliards de dollars, cela obligera très certainement la Fed à rehausser encore ses taux d’intérêt. Le processus de financement et de refinancement se poursuivra et les taux continueront à augmenter. D’ici 2025, le taux du Trésor à 10 ans pourrait facilement atteindre 10%, voire plus. Et des millions de ménages et d’entreprises se retrouveront sur la paille. Qui sait combien vaudront les canneberges à ce moment-là ?

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile