La Chronique Agora

Le prix de l’inflation

Doit-on s’attendre à un effondrement inéluctable de la Bourse, ou à une envolée non contrôlée des prix des biens et des services ?

« Quiconque aurait considéré uniquement l’indice des prix n’aurait vu aucune raison de soupçonner un degré important d’inflation, alors que quiconque aurait considéré le volume total du crédit bancaire et le prix des actions aurait été convaincu de la présence d’une inflation réelle, ou imminente. Pour ma part, j’ai considéré à l’époque qu’il n’y avait pas d’inflation au sens où j’emploie ce terme. Avec le recul et à la lumière d’informations statistiques plus complètes que celles qui étaient alors disponibles, je pense que, s’il n’y a probablement pas eu d’inflation matérielle jusqu’à la fin de 1927, une véritable inflation s’est développée entre cette date et l’été 1929. »

Keynes

Voici ce qu’écrivait Keynes. Il n’était pas idiot, simplement il disait les vérités qui n’étaient pas bonnes à dire discrètement !

D’abord il reconnaît le lien entre la production de crédit et les prix. Ensuite, il explique que ce crédit gonfle d’abord les prix des actifs financiers. Et enfin, ces prix gonflés des actifs financiers produisent un besoin d ‘inflation des profits, ce qui in fine se répercute sur les prix des biens et des services.

La hausse des Bourses exprime/implique une hausse des prix différée des biens et des services. Le besoin d ‘inflation des profits dans un système est un concept central. Mais il ne peut être reconnu idéologiquement car personne ne veut admettre comment fonctionne le système capitaliste.

Ses ressorts et ses lois doivent demeurer cachés, non-sus.

Historiquement, plus le rôle du marché boursier se développe plus le lien entre masse des actifs financiers, valeur du GDP nominal, besoin de profit devient évident.

La montée en puissance et le rôle de plus en plus important des bourses dans le système moderne est équivalent à un processus de révélation du besoin de profit. Le besoin de profit émerge en même temps que grossissent les capitalisations des actifs financiers.

Le système produit sa propre révélation et se découvre par son manque de profit. Il extériorise ses ressorts cachés.

Par exemple ici, le système se révèle dans le dilemme auquel Powell est confronté : choisir de laisser filer l’inflation des prix des biens et services pour laisser monter le GDP nominal ou laisser s’effondrer la Bourse. C’est ce lien que l’incompétence de Lagarde nie.

Spontanément à la faveur d’un choc ou d’une erreur de pilotage, le besoin de profit et le besoin de restauration du lien entre la capitalisation boursière et la valeur nominale du GDP, a tendance à se manifester ; c’est une sorte de ressort bandé qui n’attend que l’opportunité de se détendre. C’est ce qui s’est produit en 2020 :

Finalement, il y a un lien complexe mais incontournable entre d’un côté la production de crédit, la valeur de la masse d’actifs financiers dans le système, le besoin de profit dans le système et la valeur nominale du produit intérieur brut.

Le lien de Hussmann et Warren Buffett entre les valorisations boursières et le GDP est un lien organique et non pas un lien rhétorique.

Dire que le marché financier est trop cher par rapport au GDP nominal (2,7 fois au lieu de 0,8 fois) n’est rien d’autre que dire que le besoin d ‘inflation contenu dans le système est devenu très élevé ; il y a une tension latente qui ne peut être résolue que soit par une accélération de l’inflation des prix des biens et des services, soit par effondrement de la Bourse.

Hussmann croit à un effondrement inéluctable de la Bourse, moi je crois à une envolée non contrôlée des prix des biens et des services un jour ou l’autre.

Entre les deux branches de l’alternative il y a une zone grise où l’on peut gagner du temps en augmentant les marges bénéficiaires réalisées dans le GDP c’est à dire que l’on peut surexploiter les salariés en attribuant au capital une partie plus importante de la Valeur Ajoutée, c’est ce que s’efforcent de faire les gouvernements et paupérisant les salariés.

C’est le schéma de travail, c’est le cadre analytique que j’utilise et que j’argumente en continu.

Ce qui est central c’est la production de crédit, cette production de crédit se stocke dans les actifs financiers, puis ensuite il y a débordement, il faut « délivrer » et le besoin de profit et de rentabilisation du capital provoque l’inflation des prix des biens et services. C’est l’inflation classique.

La dette nationale américaine vient d’atteindre un record de 31 500 milliards de dollars, en hausse de plus de 8 000 milliards de dollars depuis 2020. La dette fédérale totale par ménage est désormais de 240 000 dollars. Nous avons maintenant un ratio Dette/PIB plus élevé qu’après la Seconde Guerre mondiale, à 120%.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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