La Chronique Agora

Au fait… pourquoi les marchés sont-ils ouverts toute la journée ?

Pourquoi les places boursières sont-elles ouvertes quand elles le sont… et ne pourrait-on pas envisager de changer le système ?

Voici une question : les marchés ont-ils besoin d’être ouverts toute la journée ?

Les marchés ouvrent à 9h et ferment à 17h30, dans le cas de la Bourse de Paris. Cela « va de soi », n’est-ce pas ?

En effet, la plupart des bureaux et des activités professionnelles ont des horaires de ce type. Pourquoi pas la Bourse ?

Cependant, des propositions et commentaires récents donnent l’argument que la Bourse fonctionnerait aussi bien — voire mieux — en étant ouvert moins de temps.

Une entité représentant l’industrie bancaire, l’Association for Financial Markets in Europe, a proposé en novembre de réduire de 90 minutes la durée de l’ouverture du marché londonien, par exemple.

A l’heure actuelle, l’ouverture des marchés comporte des coûts de fonctionnement importants.

Plus d’heures, plus d’ordres

Tant que les marchés sont ouverts, des milliers de professionnels de la finance s’affairent à surveiller son fonctionnement, gérer des ordres de Bourse et réagir aux nouvelles informations qui arrivent de différentes parties du globe.

L’intérêt de plages horaires plus importantes est d’accommoder plus d’ordres de la part d’investisseurs particuliers ou institutionnels.

Cela leur donne plus de flexibilité. Si, par exemple, vous ne pouviez pas vous positionner avant 17h, vous pourriez le faire à 17h15, et toujours voir votre trade exécuté.

Si le marché français suivait les horaires du marché de New York, de 9h30 à 16h (heure locale), alors il serait trop tard. Votre ordre en Bourse devrait attendre le lendemain, et vous ne sauriez pas d’avance à quel prix cela se ferait.

En réalité, cependant, les investisseurs ne tirent pas forcément un avantage énorme à pouvoir passer leurs ordres en Bourse sur une durée de temps plus importante.

En effet, il est rare que vous puissiez réellement compter sur un meilleur prix en achetant ou en vendant à un moment autre de la journée. Si le marché affiche un certain prix à 16h, il n’est pas forcément raisonnable de croire qu’une heure et demi de plus vous offrirait un prix sensiblement meilleur.

Evidemment, les marchés fluctuent, mais ils pourraient tout aussi bien fluctuer demain à l’ouverture qu’une heure plus tard dans la même journée.

Bref, plus d’heures d’ouverture du marché ne vous apportent pas forcément un avantage clair. A l’échelle humaine, du moment que vous pouvez exécuter votre ordre en Bourse au sein d’une journée quelconque, cela vous conviendra vraisemblablement.

Mis à part, évidemment, les day traders, qui tentent de parier sur des fluctuations de prix au sein d’une même journée. Mais même pour eux, augmenter la durée d’ouverture n’accroît pas forcément les chances de réussir. 

Et les ETF ?

En fait, les produits d’investissement les plus appréciés des investisseurs, les trackers tels que les ETF, achètent et vendent leurs actifs en fonction des changements au sein des indices correspondants. Mais ils ne le font pas en temps réel.

A la place, les ETF effectuent tous les achats et ventes d’actions à la fermeture du marché.

Pour cette raison, les transactions lors des cinq dernières minutes d’ouverture de la Bourse représentent environ 20% de tout le volume quotidien. Selon l’agence Reuters, le tiers des volumes échangés se produit dans la dernière heure d’ouverture.

C’est pour cette raison que changer les heures d’ouverture du marché aurait peut-être un impact mineur seulement. Une grande partie des investisseurs sont déjà — indirectement — en train d’effectuer toutes leurs transactions dans les dernières minutes d’ouverture du marché.

Selon Kipp Rogers, un blogueur qui étudie le fonctionnement des Bourses, l’industrie financière pourrait être largement plus efficace avec moins d’heures d’ouverture :

« L’industrie financière passe en ce moment beaucoup de temps à maintenir l’ouverture des marchés, alors que cela n’a pas forcément d’intérêt. Nous pourrions réduire ce temps d’ouverture, qui est l’une des raisons pour lesquelles beaucoup de professionnels font des journées des 11 heures. 

Les marchés boursiers pourraient avoir deux à quatre séances par jour, chacune durant environ 30 à 60 minutes, chacune synchronisée avec un autre échange majeur sur la planète. »

Réduire les plages horaires des Bourses pourrait en fait revenir à simplifier le fonctionnement des grosses places financières, sans pour autant retirer de bienfait majeur aux investisseurs typiques.

Par ailleurs, les gros investisseurs institutionnels — qui pourraient vouloir profiter d’heures d’ouverture plus longues — peuvent le faire par le biais de marchés secondaires, tels que les dark pools, qui offrent des heures d’ouverture plus variées. 

Le marché et vous

Cette proposition n’a pas forcément d’impact dans l’immédiat. Cela illustre juste une remise en cause de l’orthodoxie des marchés.

En effet, les Bourses ont conservé des horaires d’ouverture datant de l’époque des échanges physiques.

Ceci dit, maintenir les transactions et la formation des prix représente, en soi, un coût.

En pratique, une réduction des plages horaire sur Euronext augmenterait sans doute l’utilisation des dark pools et autres alternatives, car une partie des investisseurs veulent – pour des raisons variées – effectuer leurs opérations à des heures précises.

Cependant, pour l’investisseur moyen, à qui il est indifférent qu’une opération ait lieu à une minute près, cela ne représenterait sans doute pas un inconvénient.

Cela créerait une différenciation entre le marché « principal », où les liquidités seraient les plus importantes, et les marchés secondaires offrant d’autres caractéristiques.

Le gain d’efficacité pourrait même remonter aux particuliers, qui paieraient par exemple des frais moindres (en raison des coûts moins importants pour maintenir l’ouverture des marchés).

A l’heure des algos de trading, du trading à haute-fréquence et des dark pools, les échanges boursiers eux-mêmes sont en train de s’adapter de se transformer.

Cela ne signifie rien pour nous dans l’immédiat d’un point de vue de placement… mais cela fait réfléchir au service des échanges boursiers en soi. Qu’est-ce qui constitue une « bonne » Bourse par rapport à une mauvaise ?

Le livre Flash Boys de Michael Lewis décrit par exemple l’innovation dans le milieu des places boursières — avec l’apparition des dark pools et du high-frequency trading.

Pour lui, la tendance représente la recherche de profit par des traders sans scrupules. En réalité, cela représente plus une évolution naturelle du fonctionnement des Bourses… engendrant des nouveaux entrants et des sources de profits…

[NDLR : Retrouvez ce texte – et de nombreuses autres analyses et informations – dans la lettre gratuite Les Antagonistes. Pour en savoir plus, c’est par ici…]

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