Conséquence numéro 1 : le stock explose
Au 1er janvier 2008, nous avions un stock de 929 000 tonnes d’aluminium. Entre temps, la demande a ralenti et l’offre s’est envolée. Voilà pourquoi le stock dépasse actuellement les 1 556 000 tonnes. Il est en hausse de 67% depuis janvier !!
Conséquence numéro 2 : les cours s’effondrent
Le métal gris a perdu 43% depuis son point haut atteint en juillet, de 3 410 $ à 1 920 $ la tonne. Un point bas depuis trois ans.
Conséquence numéro 3 : les marges des producteurs sont réduites à néant
N’oubliez pas qu’un producteur d’aluminium fait face à des coûts de production importants. 30% à 50% de ces coûts sont d’ailleurs énergétiques car produire de l’aluminium consomme énormément d’électricité.
Aujourd’hui déjà, pour un nombre de plus en plus important de producteurs, le prix de vente de l’aluminium ne couvre plus les coûts de production ! Car le coût de production moyen d’une tonne d’aluminium se situe autour de 2 000 $ la tonne. Or le métal cote 1 920 $. A ce stade, 40% des producteurs ne sont donc plus rentables.
Les marges s’effondrent, le business model déraille et une grande partie de l’industrie fonctionne à perte.
Conséquence numéro 4 : les producteurs réduisent la production
Au mieux, ils réduisent leur production. Au pire, ils ferment les usines. C’est ainsi qu’Alcoa, l’un des plus gros producteurs mondiaux, a déjà réduit de 15% sa production d’aluminium.
Le Brésilien Vale lui emboîte le pas en fermant carrément sa fonderie située près de Rio de Janeiro (Valesul). Impossible d’amortir les coûts, l’électricité étant là-bas très onéreuse.
En Chine, le premier producteur, Chalco, vient d’arrêter 38% de ses capacités de production d’alumine.
Le Russe UC Rusal a suspendu la production de sa raffinerie d’alumine de Zaporozhye, tout comme son complexe aluminier ukrainien…
Et nous sommes probablement qu’au début du processus de baisse de la production. La grande question est : que vont faire les Chinois ? Car ce sont les leaders incontestés de l’aluminium. La Chine est de loin le premier producteur d’aluminium mondial, et exporte énormément. Elle joue donc un rôle clé dans l’équilibre du marché.
20 Chinois produisent 71% de l’aluminium du pays
Les gros, comme Chalco, réduiront leurs cadences de production. Reste les petits producteurs, qui font 30% de l’offre. Nous risquons fort d’assister à une vague de fermeture de petites fonderies obsolètes. Et une fois fermées, ces usines ne redémarreront jamais. Pourquoi ?
On évite en général d’arrêter totalement la production d’aluminium. Mieux vaut tourner au ralenti. Car toute interruption de la production entraîne des dégradations importantes de l’appareil de production, surtout dans les installations anciennes.
Conséquence numéro 5 : les investissements vont être reportés
Pour 2009, on s’attend déjà à ce que 50 milliards de dollars d’investissements prévus soient reportés. Et quelque 150 milliards de dollars supplémentaires, qui devaient initialement être investis d’ici à 2012, sont sur la sellette.
Je pense que le marché va s’assécher sévèrement pendant un à deux ans. Il faudra sans doute attendre la fin de la crise économique, et donc le rebond de la demande et des prix de l’aluminium, pour voir les investissements redémarrer. Toute la question est donc de savoir combien de temps durera la crise dans laquelle nous nous enfonçons…
Jusqu’où les cours peuvent-ils baisser ?
Le marché va devenir franchement excédentaire selon Michael Widmer (BNP Paribas). On doit s’attendre à un surplus de 850 millions de tonnes pour 2009 et de 1 400 millions de tonnes pour 2010. Voilà pourquoi nous allons continuer d’assister à des coupes dans la production.
Les pressions baissières sur les prix resteront fortes. Je ne serais pas étonnée de voir le cours revenir autour des 1 700 $ la tonne. Le prix moyen de l’aluminium se situe à 1 700 $ la tonne sur le long terme.
Sachez que les cours avaient atteint un point bas autour de 1 300 $ la tonne en 2001. Mais je ne pense pas que nous revenions à ces niveaux de cours car les coûts de production en 2001 étaient bien inférieurs à ceux constatés aujourd’hui. Même avec un baril qui cote actuellement 55 $ à New York !
Tout dépendra sans doute de l’ampleur des baisses de production. Plus elles seront importantes, plus les pressions baissières sur les cours s’amoindriront.
Les perspectives de l’aluminium ?
Il faudra attendre la reprise économique pour voir la demande redémarrer, le stock se résorber et les cours remonter. Fin 2009 ? 2010 ? Personne ne peut le dire…
Sachez toutefois que je considère ce krach du marché de l’aluminium comme une consolidation temporaire dans un grand marché haussier de long terme. La Chine doit faire ses "Trente Glorieuses". Elle marque actuellement une pause forcée, mais tôt ou tard ses investissements redémarreront : urbanisation, industrialisation, modernisation, développement… ce pays est loin de nous avoir rattrapé et absorbera encore des millions et des millions de tonnes d’aluminium à l’avenir. C’est pour moi une certitude. Rien ne peut empêcher cette tendance de fond.
Il va donc falloir être patient, scruter le marché et se positionner au plus bas, lorsque le marché se retournera. Voilà pourquoi il faut le suivre de près ce marché et être aux aguets.
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières & Devises (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché des matières premières.
L’Edito Matières Premières & Devises est bien plus qu’une chronique quotidienne. C’est un pôle d’activités centré sur les matières premières qui vous donne les moyens de suivre et de maîtriser ces marchés ! Vous pouvez recevoir gratuitement l’Edito Matières Premières & Devises en cliquant ici.