La Chronique Agora

Pourquoi l’inflation se prolongera jusqu’en 2023

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Elle n’est jamais agréable à vivre, mais les solutions proposées par le gouvernement ne feront qu’aggraver les choses.

Plus d’impôts ? La rigueur ? L’inflation ? Le gouvernement a tranché, ce sera la dernière solution.

Nous vous mettions en garde dans ces colonnes depuis la crise des subprime : les politiques publiques d’impression monétaire allaient tôt ou tard engendrer un décalage entre l’offre et la demande de biens et services. Les soutiens accordés lors de la pandémie n’ont fait qu’aggraver la tendance.

La réconciliation inévitable entre production et consommation allait nécessairement se faire au dépend de certains acteurs économiques. La seule question était : qui payera ?

Durant un peu plus de dix ans, nous avons fait payer les générations futures en ayant recours à la dette. Celle-ci revient, en fin de compte, à consommer aujourd’hui la richesse qui sera produite demain. La dette étant un impôt décalé dans le temps, nous avons sacrifié le pouvoir d’achat de nos successeurs pour régler nos dépenses courantes.

Mais même cette stratégie ne peut durer éternellement. Tant que les taux d’endettement nominaux étaient sur une trajectoire décroissante, nous pouvions nous offrir le luxe d’augmenter notre stock de dettes tout en diminuant chaque année sa charge. Comme je vous l’expliquais il y a quelques semaines, l’effort budgétaire annuel diminuait chaque année, malgré un passif en constante augmentation.

Avec la remontée des taux d’intérêt, cette période dorée touche à sa fin. Une hausse des taux oblige à rembourser – ou a minima à stabiliser – notre dette nationale. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’ardoise est réglée. Tous les indicateurs macro-économiques sont formels : nous n’avons toujours pas soldé l’addition de dix ans d’impression monétaire suivis de deux ans de « quoiqu’il en coûte » sanitaire.

La baisse de pouvoir d’achat se fera, c’est désormais une certitude, par l’inflation. Et le gouvernement, par les mesures décidées ces derniers jours, va la prolonger au moins jusqu’à l’année prochaine.

La vraie inflation est là

L’inflation que nous avons connue dans la période 2008-2020 ne correspondait pas à une vraie érosion de la valeur de la monnaie. Celle-ci se traduit, en effet, par une hausse du prix des biens et des services. Or, jusqu’ici, les mécanismes d’impression monétaire étaient tels que l’argent frais tombait principalement dans la poche des épargnants et des spéculateurs. Nous avons donc assisté à une explosion des prix des actifs comme l’immobilier, les actions, les obligations.

C’est la fameuse « bulle de tout » qui a emporté de façon indifférenciée tous les véhicules d’investissement.

Mais, dans le même temps, les prix de l’énergie, de l’alimentation, ou même de l’heure de travail restaient relativement sages. De même, les grilles salariales des fonctionnaires, les allocations, et les pensions de retraites étaient figées. Ainsi, la valeur pécuniaire d’une « heure de Français » restait constante.

Depuis quelques mois, il n’a pu vous échapper que la hausse des prix ne touche plus uniquement les actifs financiers, mais l’ensemble des biens et services. Du prix du paquet de pâtes à celui d’une demi-journée d’artisan, tout a augmenté. Il s’agit donc d’une « inflation vraie », qui érode le pouvoir d’achat des salariés, allocataires, et épargnants.

Avec une inflation s’approchant des 10% en rythme annuel, nous aurions pu largement neutraliser avant la fin de l’année le pouvoir d’achat acquis de façon imméritée durant la crise du Covid, car accordé en dépit de la baisse de productivité nationale. Ce grand ménage monétaire aurait été douloureux et aurait déclassé tous les acteurs économiques, du smicard au millionnaire, mais aurait été de courte durée.

Mais, du fait du caractère politiquement explosif du sujet, le gouvernement a choisi la facilité de la fuite en avant. En augmentant de concert salaires, pensions et allocations, puis en créant à la pelle de nouvelles aides, il neutralisera la baisse de pouvoir d’achat qui allait réconcilier consommation et production.

Les pouvoirs publics retardent l’inéluctable

Difficile de suivre, ces derniers jours, la litanie d’annonce de mesures visant à soutenir le pouvoir d’achat. Hausse de 4% des pensions de retraite, hausse de 3,48% du SMIC, hausse de 3,5% du point d’indice des fonctionnaires – idem pour les APL –, de 4% des bourses étudiantes… pour l’écrasante majorité des citoyens, le gouvernement veut compenser l’inflation subie sur les six premiers mois de l’année (et malheur aux oubliés de la générosité étatique).

En complément, il invente de nouvelles mesures sectorielles. Après le plafonnement des prix de l’électricité, la baisse du prix du carburant, et les chèques alimentaires, voici venus les chèques déplacements à destination des ménages touchant moins de 3 600 € par mois (soit plus de 70% des foyers). Ils devraient s’ajouter à la future indemnité « gros rouleurs » pour les personnes effectuant plus de 1 000 km/mois.

Or, vous le savez, une différence entre offre et demande ne peut se régler que par la pénurie (les prix restent stables mais les rayons de supermarchés se vident), le rationnement (l’Etat décide de qui peut acheter quoi), ou l’inflation (le pouvoir d’achat est le facteur limitant). L’inflation de ces douze derniers mois, si douloureuse qu’elle fût, aurait pu avoir pour avantage d’aligner de nouveau le pouvoir d’achat des ménages et la richesse réellement disponible.

En distribuant de nouveau tous azimuts de l’argent aux salariés, locataires, retraités, allocataires de minimas sociaux, ainsi qu’à plus de 70% des foyers, le gouvernement neutralise le seul effet vertueux de l’inflation : réduire la demande. Pire encore, en finançant la quasi-totalité du pays, il laisse sur le bas-côté les rares personnes qui se retrouvent hors des cases de la générosité publique. Le couple de travailleurs indépendants qui gagne 4 000 € par mois sans profiter du chômage, d’une retraite acceptable, et de congés payés, appréciera de ne pas être digne de la générosité publique, tandis que les prix continueront d’augmenter…

Ce que les 12 prochains mois nous réservent

Au niveau macro-économique, nous savons que l’inflation est comme une anguille. La serrer dans les mains, c’est la voir glisser un peu plus loin. Ainsi, le gouvernement, refusant les 5% d’inflation sur le premier semestre, nous a purement et simplement condamnés à connaître un épisode inflationniste supplémentaire équivalent dans les prochains mois.

Avec la récente baisse du prix de certaines matières premières, nous pouvions espérer une pause dans l’épisode inflationniste du fait de la destruction de la demande. Le pouvoir d’achat artificiellement offert ces derniers jours écarte cette possibilité.

Attendez-vous donc à voir l’inflation 2021-2023 dépasser les 10 % pour atteindre, au bas mot, les 15 %. Et, lorsque vous lirez dans les médias les promesses des uns et des autres qui réclament un SMIC à 1500 € net ou un litre d’essence à 1,50 €, souvenez-vous de la leçon que nous offrent les pays qui s’adonnent à la fuite en avant.

En Turquie, l’inflation est de 5 % chaque mois et elle a atteint, en juin, le niveau de 79 % en rythme annuel. Au Zimbabwe, elle a dépassé le mois dernier les 190 %. Ces exemples nous rappellent que la spirale inflation/salaires se poursuit tant que les gouvernements tentent de masquer la hausse des prix par la hausse des salaires.

Plus vite les gouvernements cesseront d’alimenter le cercle vicieux, plus vite les agents économiques pourront s’adapter à leur vrai niveau de pouvoir d’achat – et envisager l’avenir à partir de cette nouvelle référence. En attendant, à chaque fois que les pouvoirs publics accorderont leur « aide », c’est la valeur de la monnaie et de l’épargne qui sera un peu plus laminée.

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