La Chronique Agora

Pourquoi l’effondrement ne peut pas se produire dans ces conditions

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Dans le monde financier des maîtres de la monnaie, tout n’est qu’illusion, jeux de miroirs et tours de passe-passe.

Les maîtres de la monnaie ne mentent pas. Ou, en tout cas, ils mentent moins que les politiciens, les gouvernements et leurs hauts fonctionnaires.

Non, ils présentent simplement tout de manière fausse, avec de fausses causalités et de fausses articulations organiques entre elles. Ce faisant, ils brouillent l’intelligibilité et donc vos adaptations. Ils n’éclairent pas votre futur, ils le brouillent.

Vous devenez soumis à leurs oracles et récits, car pour vous le monde est incompréhensible.

Les banques centrales organisent les récits autour de leurs décisions, elles les mettent en scène, comme autant de conclaves, de grands messes comme les réunions annuelles, puis mensuelles, et hebdomadaires, du haut de la chaire des médias. Il faut imposer les illusions et les mystères sacrés !

Homo financiarius

Ces grand-messes sont destinées à vous formater. Elles inscrivent dans votre psyché des formes qui sont ainsi des cadres d’interprétation de leurs actions et de votre jugement, et ensuite de vos comportements.

Vous êtes modelés et structurés par ces messes et les répétitions médiatiques qui les suivent. Les maîtres de la monnaie créent un « homo financiarus » dont elles contrôlent la façon de penser, d’interpréter et de réagir. Ils créent le champ financier sur lequel va se dérouler ensuite l’action. Ils produisent des attentes, des espoirs et, surtout, ils obscurent la vraie réflexion. Ils occupent le terrain de votre intelligence, ils saturent.

Bien sûr, c’est un homo financiarus borné, binaire, qui est ainsi produit exemple : montera ou montera pas, ou baissera ou baissera pas, faucon ou colombe, etc.

Ils vous formatent essentiellement en vous présentant sans cesse des arbres qui vous cachent la forêt ; ces messes sont destinées à produire de la court-termisation, du présentisme, et il faut que vous soyez aveuglés par le présent et l’actualité afin que eux restent maîtres du long terme, lequel est le seul qui compte en réalité. Il faut que vous n’anticipiez pas les aspects négatifs à venir, les coûts, les transferts, les déséquilibres.

On vous fait croire que l’on rase gratis, que l’on multiplie les pains et que l’on marche sur l’eau en reportant les coûts dans un futur de 10 ou 20 ans, voire une génération.

On vous a fait croire en 2008 et suivantes que l’on pouvait créer autant de monnaie, de crédit de taille de bilan de la banque centrale, de dettes budgétaire que l’on voulait, sans conséquence et les conséquences arrivent maintenant en 2023.

On vous fait croire que l’on peut resserrer les politiques monétaires sans que cela provoque d’effondrement et d’effet Minsky.

C’est faux.

Tout authentique resserrement monétaire produit ses effets à savoir les faillites, les insolvabilités.

L’illusion du resserrement

La baisse du niveau de la mer montre toujours ceux qui se baignent nus, sauf si le niveau de la mer ne baisse pas réellement, c’est-à-dire sauf si le resserrement est une illusion.

Et justement, jusqu’à présent, le resserrement a été une illusion, soigneusement construite, soigneusement entretenue, mais une illusion quand même.

Pourquoi ? Comment ?

Parce que les réserves de monnaie, de liquidités, d’assurances, de couverture/hedges ont constitué un énorme et épais matelas amortisseur.

Parce que d’autres sources de création de monnaie, de dette et de crédit ont remplacé les sources visibles sur lesquelles l’attention est focalisée.

Parce que la vitesse de rotation de la monnaie existante a été accélérée.

Parce que les banques « too big to fail » avaient été prévenues et donc incitées à se préparer, il y a eu concertation au sommet des maîtres de la monnaie (on avait oublié de prévenir les banques régionales américaines, cependant !).

Parce que les banques centrales ont fait du Ponzi et de la cavalerie entre elles, elles croisent, elles s’achètent les unes aux autres, ce qui masque tout ; les banques centrales répètent ce qu’avaient les banques japonaises avant les crises de 1990 !

Donc tout n’est qu’illusion, jeux de miroirs, tours de passe-passe. L’objectif est de vous empêcher de voir, de savoir et donc de prévoir.

Mais le temps est décapant. Tout s’épuise, le matelas perd son épaisseur, les couvertures viennent à échéance, les sources alternatives se tarissent donc le resserrement commence à mordre, la diffusion des forces négatives commence.

Un besoin de spéculation

C’est pour cela que nos maîtres de la monnaie ont décidé la pause, bien sûr : ils ont les statistiques, les agrégats, les vrais indicateurs, les contacts avec les « too big to fail », et ils savent que cela mord.

Ils vous ont caché les vrais points importants du resserrement, vous faisant croire que ce qui était important, c’étaient les décisions ponctuelles. Mais bien sûr, c’est idiot ; ce qui est important c’est :

Il faut aussi que l’on stoppe ou fasse la pause, que les marchés anticipent les baisses afin de susciter la spéculation sur le niveau futur des taux et faire en sorte que ces anticipations produisent/entretiennent le goût du risque et stabilisent le recours au leverage.

Il faut surveiller les craquements à l’extérieur, car la hausse des taux américains détruit certains débiteurs internationaux, ce qui en raison de l’interconnection peut devenir un boomerang pour les USA.

On peut illustrer les capacités prédictives des maîtres de la monnaie avec l’évolution de la position de la Fed sur l’inflation depuis 2021 :

  1. Mai 2021 : l’inflation est « transitoire ».
  2. Décembre 2021 : l’inflation pourrait ne pas être transitoire.
  3. Janvier 2022 : l’inflation devrait tomber à 2,5% en décembre 2022.
  4. Mai 2022 : l’inflation devrait tomber à 4,3 % en décembre 2022.
  5. Janvier 2023 : l’inflation atteindra 3,5% en décembre 2023.
  6. Juillet 2023 : l’inflation atteindra 2,5% en décembre 2024.
  7. MAINTENANT : l’inflation n’atteindra l’objectif de 2,0% qu’APRÈS 2025.

L’inflation sous-jacente de l’IPC s’élève désormais à 4,3%, et est supérieure à 4% depuis 27 mois consécutifs.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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