La Chronique Agora

Pourquoi écrire ?

▪ Qu’en pensez-vous ? Les actions ne se sont pas encore remises de leur chute. L’or continue de grimper… et semble désormais viser les 1 400 $. Vous vous rappelez du sentiment qui régnait à la fin 2013 ? L’or était condamné à chuter… tout le monde le disait. Au lieu de ça, l’or et les minières aurifères s’en tirent plutôt bien, merci beaucoup.

Vous voulez faire une belle transaction contrarienne ? Vendez les valeurs américaines, achetez les valeurs russes.

Les valeurs américaines semblent très vulnérables. Vous voulez faire une belle transaction contrarienne ? Vendez les valeurs américaines, achetez les valeurs russes. Bénéfices presque garantis. Tout le monde aime les Etats-Unis, comme en témoignent les prix des actions. Tout le monde hait la Russie.

▪ Vos papiers, SVP !
Le week-end dernier, nous étions à un événement hippique. Nous avons passé la soirée avec quelques cavaliers, entraîneurs et palefreniers, dans une pizzeria. Nous avons commandé un verre de vin — et c’est là que la serveuse nous a coupé le souffle :

"Puis-je voir votre pièce d’identité ?" nous a-t-elle demandé.

"Quoi ?"

"Je dois vérifier que vous êtes en âge de boire de l’alcool".

"Vous êtes sérieuse ?"

"Oui… Le directeur dit que nous devons demander une pièce d’identité à tout le monde… pour qu’il n’y ait pas de zones d’ombre".

"Des zones d’ombres ? Je ne suis clairement pas dans une zone d’ombre. Quand j’avais 21 ans, les Etats-Unis avaient encore le service militaire… et c’est la dernière fois que le budget fédéral était vraiment à l’équilibre."

"Quoi ?"

"Oubliez ça".

La majeure partie de notre carrière s’est déroulée devant un clavier. Cela semble une vie gâchée, de bien des manières.

▪ Avons-nous gâché notre vie ?
La majeure partie de notre carrière s’est déroulée devant un clavier. Cela semble une vie gâchée, de bien des manières. Le monde extérieur a tant de choses supplémentaires à offrir. Le soleil, la mer, les montagnes, les vertes prairies… de vieux clochards à moitié fous qui traînent dans St Paul Street. Des femmes SDF assises toute la nuit parmi un amoncellement de sacs, dans l’arrêt de bus devant la bibliothèque Enoch Pratt.

Nous aurions pu être ingénieur — et construire des ponts et des gratte-ciel… ou cuisinier, faisant de délicieux canards à l’orange… voire un maçon raisonnablement compétent. Qui sait ? Au lieu de ça, nous travaillons avec les mots. Nous les plions, les tordons, les enrôlons à notre service.

Une fois engagés, les mots sont prêts à obéir à nos ordres. Comme des blancs-becs débarquant de leur campagne ou de leur banlieue, les recrues ne savent pas de quel côté se tourner ou quoi faire. Mais ils sont au garde-à-vous. Ils saluent. Ils font ce que nous voulons. Ensuite… plus tard… ils se rebellent lorsque nous avons le dos tourné.

Est-ce que nous vous avons déjà raconté comment nous sommes devenu rédacteur ? Nous étions en classe de CM1, chez Mme Marshall, à l’école élémentaire d’Owensville, en 1959. On nous avait donné un devoir : écrire une histoire.

Nous étions assis à notre bureau, menton levé, la tête penchée à gauche et les yeux au plafond. Après quelques minutes dans cette posture, Mme Marshall nous a demandé des comptes.

"Billy, que fais-tu ?"

"Je réfléchis".

"Ne réfléchis pas, écris."

C’est ce que nous faisons depuis. Nous écrivons ces chroniques quotidiennes depuis 2000… ou bien était-ce 1999 ? Cinq jours par semaine. Plus de 1 000 mots par jour… Ce qui donne… 5 000 mots par semaine — fois 52 semaines (nous prenons rarement des vacances)… soit 260 000 mots par an, depuis 14 ans. Nous avons produit plus de trois millions de mots.

Pourquoi écrivons-nous autant ? Pourquoi ? Parce que c’est plus facile que travailler pour vivre.

Pourquoi écrivons-nous autant ? Pourquoi ? Parce que c’est plus facile que travailler pour vivre. C’est aussi plus facile que penser. En affaires comme dans la vie, il y a une hiérarchie. L’étage le plus simple comporte des sottises, comme lire le journal, regarder la télévision ou jouer sur l’or. Ensuite, il y a les réunions. Puis l’écriture. Et au-dessus de tout ça, il y a le fait de résoudre vraiment des problèmes.

Pour nous, l’écriture est un endroit confortable où nous avons le contrôle. Le temps, les personnages, les faits — ils font ce que nous leur ordonnons. Le monde est un endroit complexe, désorientant et menaçant. C’est un chaos de mouvement, d’ambiguité et de nuances. Il est aussi indiscipliné qu’une foule de Kiev… et aussi imprévisible que les marchés boursiers.

Nous invitons les anges à se joindre à nous… nous soupons avec les dieux… nous convoquons d’authentiques héros.

Mais avec nos mots, nous intervenons… et nous imposons l’ordre. Nous choisissons nos cibles. Nos ennemis. Notre version de l’histoire et des faits. Pourquoi nous satisfaire des crétins et des fâcheux qui peuplent la vie réelle ? Nous invitons les anges à se joindre à nous… nous soupons avec les dieux… nous convoquons d’authentiques héros.

Nous ne fréquentons personne dont nous n’avons pas cerné la personnalité avec nos propres mots… pas plus que nous n’avons l’usage d’un fait que nous n’avons pas nous-même inventé. Quant à l’histoire, pourquoi ne pas la conter comme nous le voulons ?

Devant un clavier d’ordinateur, nous sommes comme un maréchal avec sa propre armée d’immortels. Aucun château-fort n’est assez solide pour résister à notre attaque. Aucune armée n’a de si bons capitaines qu’elle peut lutter contre l’encerclement et l’annihilation. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, nous faisons des prisonniers et les abattons d’une balle dans la nuque.

Lorsque nous écrivons, nous forçons les choses à faire ce que nous voulons. Ce pauvre homme, errant sur le trottoir, son pantalon crasseux en lambeaux… traînant les pieds dans ses vieilles baskets défoncées… une barbe noire rongeant son visage tanné…

La SDF assise sur le banc de l’abribus… ses énormes sacs serrés contre elle… des édredons sales autour de son corps obèse… somnolant assise contre la barre de fer…

Lui, c’est un ancien courtier qui ne pouvait plus s’arrêter de jouer sur les valeurs aurifères.

Elle, c’est une ancienne ballerine devenue boulimique.

Et maintenant — pourquoi pas — nous les faisons tomber amoureux !

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