Le dollar continue à bien se porter. Comment la devise peut-elle être aussi forte, face à un paysage aussi sombre ?
Le dollar a été extrêmement fort ces deux dernières années. La force persistante du dollar est un mystère pour beaucoup. Après tout, les problématiques liées au dollar sont bien connues.
Le ratio de la dette publique par rapport au PIB des Etats-Unis a atteint un niveau record, proche de 130% (30% est considéré comme un niveau prudent, et tout dépassement de 90% constitue un frein à toute croissance économique).
Les Etats-Unis enregistrent des déficits de plusieurs milliers de milliards de dollars, année après année. Le Congrès et la Maison-Blanche semblent sous l’emprise de la théorie monétaire moderne, qui prétend que les Etats-Unis peuvent enregistrer des déficits illimités et accumuler une dette illimitée sans préjudice économique, ayant la capacité d’imprimer de l’argent en quantité illimitée pour financer la dette et les dépenses.
Selon Bloomberg, les paiements d’intérêts annualisés sur la dette nationale américaine dépassaient 1 000 milliards de dollars à la fin du mois d’octobre. Le coût du service de la dette a doublé au cours des 19 derniers mois en raison de la hausse des taux d’intérêt.
Cette prodigalité budgétaire s’inscrit dans un contexte de troubles sociaux et de dysfonctionnements politiques. L’année prochaine, les Etats-Unis seront confrontés à une élection présidentielle dont l’un des candidats (Biden) est sénile, et l’autre (Trump) pourrait être derrière les barreaux le jour de l’élection.
Pourtant, le dollar continue à bien se porter. Comment la devise peut-elle être aussi forte, face à un paysage aussi sombre ?
Il y a deux réponses à cette question.
Réponse n°1
Certes, le dollar a ses problèmes, mais d’autres monnaies sont encore plus mal en point.
Par exemple, le yuan chinois est au bord de l’effondrement, car il est maintenu par des interventions non durables de la part des banques chinoises. Le yen japonais est étroitement lié au yuan, en raison de l’ampleur des investissements japonais en Chine, financés par les banques japonaises. Si le yuan baisse, le yen baissera en même temps.
Ce sont donc deux monnaies importantes qui font face à de grands défis.
Pendant ce temps, l’Europe et le Royaume-Uni se sont désindustrialisés sous l’influence des partis écologiques, qui prônent des politiques toujours plus vertes. Aujourd’hui, l’Europe risque de passer l’hiver dans le noir, si le froid est extrême et que la Russie décide de couper ses robinets d’énergie.
L’Allemagne, soit l’économie la plus importante de la zone euro, se dirige tout droit vers la récession (si elle n’y est pas déjà), et il en va de même pour le Royaume-Uni.
Alors oui, le dollar a ses problèmes, mais en tant qu’investisseur, privilégierez-vous vraiment la livre sterling, l’euro, le yen ou le yuan ?
Réponse n°2
Le second facteur de la vigueur du dollar est beaucoup plus complexe et mal comprise, mais il est essentiel de la saisir. Il n’est pas nécessaire d’en connaître tous les détails techniques ; il suffit de comprendre la situation dans son ensemble.
Il s’agit de ce que l’on appelle l’eurodollar.
Les eurodollars sont des dépôts libellés en dollars détenus dans les bureaux étrangers des grandes banques. Ils échappent donc à la juridiction de la Fed et à la réglementation bancaire américaine. En réalité, la Fed a très peu d’influence sur le marché mondial du dollar et la valeur de change du dollar.
Le marché des eurodollars, tel qu’il est géré par les plus grandes banques du monde à Londres, New York et Tokyo, est un moteur du dollar. C’est là que sont déterminés la liquidité mondiale et les taux d’intérêt.
Ce marché a besoin d’un approvisionnement constant, via des déposants qui placent leur argent dans les bureaux des grandes banques à l’étranger.
Actuellement, ce marché est contracté.
Les bilans sont réduits et les prêts interbancaires au jour le jour sont financés par des garanties.
Et ces banques exigent les meilleures garanties. Elles n’acceptent pas les dettes d’entreprises, les hypothèques ou même les bons du Trésor américain à moyen terme. Les seules garanties acceptables sont les bons du Trésor américain à court terme, les plus courts étant ce qu’il y a de mieux. Il s’agit de bons à 1 mois, 3 mois et 6 mois.
Ces bons sont libellés en dollars, bien entendu. Pour obtenir ces bons qui serviront de garantie, les banques doivent acheter des dollars, ce qui alimente la demande en faveur du dollar.
Encore une fois, il n’est pas important que vous compreniez les subtilités du système des eurodollars, simplement que la forte demande de dollars sur le marché des eurodollars contribue à la force de la devise américaine.
Le problème fondamental de la raréfaction de dollars n’est pas près de disparaître et continuera à porter le dollar vers le haut.
Et la nouvelle monnaie des BRICS alors ?
Qu’en est-il de la perspective d’une union monétaire des BRICS et de l’adoption d’une nouvelle monnaie ? J’ai beaucoup écrit à ce sujet avant le sommet des BRICS qui s’est tenu en août dernier. Cette nouvelle monnaie serait liée à l’or et supplanterait à terme le dollar en tant qu’acteur majeur du commerce mondial.
Cela ne devrait-il pas affaiblir le dollar ?
Après tout, la perspective d’une monnaie des BRICS devrait constituer une menace sérieuse pour le pétrodollar, qui est un pilier de la force du dollar.
Mais ce mouvement n’en est qu’à ses débuts et, comme on peut s’y attendre, il connaît des difficultés de développement.
Il n’est pas encore assez unifié pour menacer sérieusement le dollar. Et l’un des pays participants, l’Inde, semble jouer sur les deux tableaux.
Il a récemment été rapporté que le gouvernement indien pourrait rejeter les demandes des compagnies pétrolières russes de payer les importations de pétrole brut de la Russie en yuans chinois.
La Russie dispose actuellement d’un excédent de roupies qu’elle a du mal à dépenser. Dans le même temps, la demande de yuans a augmenté à mesure que la Russie intensifie ses échanges avec la Chine.
De son côté, l’Inde utilise principalement le dirham et le dollar américain pour payer ses importations de pétrole russe. En fait, l’Inde se trouve actuellement dans une situation d’équilibre. Elle considère la Russie comme un allié économique important et la Chine comme un rival géopolitique.
L’Inde craint que la popularisation du yuan ne nuise à ses propres efforts d’internationalisation de la roupie. En fait, l’Inde a été le seul pays des BRICS à s’opposer à l’introduction d’une monnaie commune, craignant qu’elle ne profite au yuan.
Le refus de l’Inde de céder aux exigences de la Russie permet au dollar de continuer à jouer un rôle important, ce qui nous donne une autre raison de croire que le dollar conservera sa force dans un avenir proche.
La règle d’or
Ne vous méprenez pas. Je ne dis pas que le dollar est solide. Il ne l’est pas, pour toutes les raisons que j’ai énumérées ci-dessus. Il est simplement plus fort que ses concurrents.
Existe-t-il un moyen de savoir si le dollar se renforce, ou si en réalité il s’affaiblit, sans se référer à d’autres devises ?
Oui, grâce à l’or. L’or mesure la force ou la faiblesse du dollar.
L’or a gagné près de 10% au cours du mois dernier. Je m’attends à ce que l’or devienne beaucoup plus fort, malgré quelques revers potentiels en cours de route.
Les investisseurs devraient considérer les prix actuels comme une aubaine, et peut-être une dernière chance d’acquérir de l’or à ces prix avant que ne commence la véritable course aux valeurs refuge.
En dessous de 2 000 dollars, l’or est réellement bon marché. Je vous recommande vivement d’en profiter.