La Chronique Agora

Pour que l’économie reparte, c’est les salaires qu’il faut soutenir

Les mesures de relance employées par les banques centrales en ce moment vont à rebours du bon sens – mais personne ne s’en offusque…

Nous l’avons vu hier : la rentabilité et les rendements boursiers font concurrence à la profitabilité que l’on peut espérer de la vraie production.

Le jour où produire de vraies richesses sera plus rentable que de jouer en Bourse, ce jour-là les économies repartiront, et dare-dare… car le capital ne peut se permettre de rater le coche du profit. Les détenteurs de capitaux sont en concurrence entre eux.

Ce ne sont pas les valeurs du capital boursier qu’il faut étayer pour soutenir les économies, ce sont les salaires.

Les salaires, c’est l’économie ; ils représentent une part et une importance beaucoup plus grande et surtout décisive pour l’activité et la croissance.

Les salaires font rouler la bicyclette, le poids du capital la fait tomber.

Qu’est-ce qui est le plus condamnable ?

On doit s’interroger : qu’est-ce qui est le plus condamnable, la tentative de la BCE de s’arroger le droit de faire du budgétaire sans le consentement des peuples… ou bien la veulerie des gouvernements censés représenter les peuples et donc avoir le contrôle de la fiscalité… ou encore les partis populaires ou les syndicats qui baissent la tête et la bouclent ?

Même les partis de droite, de la droite juste, intelligente s’il y en a une, celle qui refuse le capitalisme devenu scélérat, devraient s’indigner quand on parle d’enrichir les déjà riches en soutenant et en faisant monter les cours de Bourse avec de l’argent public.

Ce n’est plus de l’économie de marché, c’est de l’économie de marché de dupes ! C’est la forêt de Bondy, on détrousse les pauvres au profit des riches et tout le monde se tait.

Si la banque centrale achète des actions, elle en fait monter le prix, elle augmente la fortune des déjà riches par un cadeau tombé du ciel.

Peu de gens ont un portefeuille en Europe, donc on donne à ces riches un pouvoir d’achat supplémentaire alors que les salariés, eux, n’en ont pas. Cela signifie qu’on dilue, on abaisse le pouvoir d’achat relatif des salaires par rapport au capital. On augmente par une opération du Saint-Esprit le pouvoir de prélèvement des riches sur la production et le patrimoine national.

Il ne faut jamais dire jamais ?!

« Il ne faut jamais dire jamais », répond Robert Holzmann, membre du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, à la question de savoir si la BCE pourrait un jour élargir ses rachats de titres aux actions, et ne plus seulement les limiter aux obligations souveraines ou d’entreprises.

La BCE a décidé jeudi d’augmenter de 600 Mds€, pour le porter à 1 350 Mds€, le montant de son programme d’achats de dettes sur les marchés visant à soutenir l’économie de la Zone euro face au choc provoqué par la pandémie de coronavirus.

« Il ne faut jamais dire jamais. Si la nécessité est là, cette discussion devra assurément avoir lieu. Mais actuellement cette discussion n’existe pas », a dit Robert Holzmann à Die Presse, en réponse à une question sur la possibilité pour la BCE de commencer à acheter aussi des actions.

Voilà. Nous avons désormais à la Banque centrale européenne un gouverneur qui dit : nous envisageons d’acheter des actions après avoir acheté des obligations, nous envisageons d’accroître la fortune de ceux qui possèdent les actions, de gonfler plus encore la valeur du capital des ploutocrates et… personne ne relève !

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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