La Chronique Agora

Pour Greenspan, les USA ont 50% de chances d'entrer en récession !

Par Jean Chabru (*)

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la visibilité est particulièrement réduite sur les marchés financiers ces temps-ci. Les experts se battent pour savoir si les Etats-Unis sont entrés en récession, vont le faire ou sauront l’éviter. Le débat fait rage mais pour le moment, personne n’en sait rien.

L’inquiétude se concentre sur l’ampleur de la crise des subprimes et sur son risque de contagion à l’économie réelle. Reste que les statistiques ne plaident pas en faveur d’un atterrissage en douceur de l’économie US : selon les calculs d’un professeur de l’université de Los Angeles, par le passé, huit crises immobilières sur dix ont débouché sur une récession.

Seules deux périodes y ont échappé : lors des guerres de Corée et du Vietnam. Les dépenses militaires avaient servi de moteur de substitution.

50% de chance d’entrer en récession !
Mais les économistes sont encore partagés. Au début de l’année, ils évaluaient en moyenne à moins de 20% la probabilité d’une récession. Cet été, la probabilité est passée à… 40%. Et pas plus tard que vendredi dernier, Alan Greenspan, qui depuis son départ de la Fed et la sortie de son livre n’a jamais été aussi disert, estime à 50/50 la probabilité de récession aux USA.

L’OCDE a donné la séquence : selon ses prévisions, la croissance américaine passera de 4% au deuxième trimestre (rythme annuel) à 2% au troisième et 1,5% au quatrième. Il suffit simplement de prolonger la courbe pour basculer !

D’ailleurs, les dernières statistiques s’imprègnent de rouge : en août, il n’y a eu que 4 000 créations nettes d’emplois quand les analystes en attendaient 110 000. Cela signifie que les entreprises ont ressenti un coup de frein brutal de leur activité avant même que n’éclate la crise des subprimes.

L’immobilier : un an de salaire en plus pour les Américains
Quand on regarde le poids qu’a eu l’immobilier dans la croissance américaine depuis dix ans, on a du mal à comprendre comment elle peut encore tenir. Les ménages propriétaires ont vu leur bien croître en valeur de 9% l’an depuis 2000. Comme 80% des acquéreurs ont trouvé des taux faibles et des avantages fiscaux, le retour net sur investissement a été de 25%. Beaucoup ont pu  renégocier leurs emprunts en fonction de cette plus-value, et le gain pour l’ensemble des Américains a été de 9 000 milliards de dollars… ce qui équivaut à 90% de leur revenu de 2006.

Le couple hausse des prix/renégociation des prêts leur a fait gagner un an de salaire en plus ! Et c’est grâce à cette nouvelle richesse que les ménages ont pu continuer à consommer, en empruntant toujours plus…

Un ralentissement plus fort qu’en 1929
Mais cet effet de richesse se tarit quand le marché immobilier se retourne. Les prix sont partis à la baisse au rythme désormais de 9% l’an, ce qui paraît peu, mais c’est plus fort que lors de la crise de 1929.

Si la valeur des logements recule de 20%, les économistes prévoient deux conséquences : beaucoup d’emprunteurs vont faire défaut (selon le camp des pessimistes, nous n’en sommes qu’au début), et nombre d’institutions prêteuses seront mises à mal. De plus, la consommation globale des ménages pourrait se contracter de 200 milliards de dollars, soit 1,5% du PIB, ramenant donc la croissance sous zéro.

Malgré ces chiffres plutôt alarmants, le consensus des économistes table encore sur une expansion de 2,5% en 2008. Seul Merrill Lynch a anticipé une récession en 2008. Joseph Stiglitz, Prix Nobel et professeur à Columbia, lui, parle de "ralentissement très fort, pas de récession".

Le pire n’est pas toujours sûr
Au final, le pire n’est pas sûr mais probable. A partir de là, il est évident que la volatilité va augmenter sur les marchés financiers et encore plus sur les valeurs moyennes. D’ici la fin de l’année, il ne serait pas étonnant de voir des prises de bénéfices sur certaines d’entre elles très exposées au dollar et à l’économie américaine.

Dans cette période d’incertitude, qui devrait durer au moins jusqu’à la fin de l’année d’après moi, l’important est de ne pas céder à la panique et de bien connaître les fondamentaux des sociétés. C’est à la fois ma stratégie et mon travail quotidien.

Il reste que, au coeur de cette "zone de turbulence", j’ai abaissé mes objectifs de cours sur deux sociétés : InterParfums et Sperian. Le mois dernier, la déception sur Pizzorno (perte de 13%) a été compensée par deux jolies prises de bénéfices sur Orpea (+17,7%) puis sur BioMerieux (+13,8%).

Vous l’avez compris : la réactivité et la sagesse restent notre force quand le marché ne sait plus sur quel pied danser.

Meilleures salutations,

Jean Chabru
Pour la Chronique Agora

(*) Depuis plusieurs années, Jean Chabru est à la tête de Small Caps Profits, une lettre d’information consacrée uniquement aux petites valeurs. S’appuyant sur l’une des plus grandes bases de données françaises sur les petites valeurs,  Jean Chabru déniche les pépites cachées des marchés pour le plus grand profit de ses lecteurs. Ses dernières trouvailles pourraient d’ailleurs faire parler d’elles… Pour plus de détails

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